L'Union européenne et Ankara signent un accord sur l'immigration
Par Laure Marchand
Publié le 16/12/2013 à 22:45
La Turquie récupérera les migrants passés en Europe par son territoire, et obtiendra la fin des visas
pour ses ressortissants.
Istanbul
«Clandestins contre visas», c'est en résumé la substance du double pacte scellé lundi par l'Union
européenne et Ankara.
La Turquie a signé un accord de réadmission en vertu duquel elle s'engage à reprendre les migrants
qui ont transité par son territoire et sont entrés illégalement sur le sol européen, ainsi que ses propres
nationaux qui séjournent sans autorisation dans un pays de l'Union européenne.
En échange, Bruxelles s'est engagée à ouvrir des discussions devant aboutir à la libéralisation des visas,
obligatoires pour les ressortissants turcs désirant voyager en Europe.
Les deux partenaires ont longtemps achoppé sur le renvoi des étrangers en situation irrégulière
et la suppression des visas.
La résolution, affichée de part et d'autre, de relancer des négociations d'adhésion en souffrance
permet de dépasser, au moins temporairement, les désaccords.
Ahmet Davutoglu, le ministre des Affaires étrangères, a estimé que le processus devait conduire à la
levée des visas au «maximum dans trois ans et demi», se félicitant d'avoir atteint «un objectif de la Turquie
depuis de nombreuses années».
Le maintien de la procédure d'obtention des visas pour les Turcs constitue en effet une particularité:
les restrictions ont été levées pour les pays des Balkans, même ceux qui n'ont pas entamé de négociations
d'adhésion à l'UE, contrairement à la Turquie, qui est candidate.
Les refus de visas nourrissent la frustration et le ressentiment
«Le moment où les Turcs se sentent le moins européen est lorsqu'ils font la queue pour obtenir un visa»,
résumait ainsi Egemen Bagis, le ministre en charge des Affaires européennes.
Des dossiers interminables et des refus encore parfois incompréhensibles, malgré des améliorations substantielles,
pour des hommes d'affaires ou des artistes, nourrissent frustration et ressentiment.
La fin complète des visas ou la réduction des catégories concernées par la nécessaire obtention du sésame
entraînera-t-elle un afflux de Turcs vers l'Union européenne?
Pour Marc Pierini, qui a piloté ce dossier sensible lorsqu'il était chef de la délégation de l'UE à Ankara,
cette hypothèse est infondée:
«Hormis pour l'Allemagne, où le regroupement familial poserait peut-être problème si les visas étaient
entièrement supprimés, la Turquie, compte tenu des conditions économiques actuelles, n'est plus un pays
de migration vers l'Europe. La demande n'est plus intense. On observe même un reflux des Turcs diplômés
(qui ont grandi en Allemagne, NDLR).»
Les avancées concernant l'allégement des conditions d'entrée des citoyens turcs dans l'espace Schengen
sont conditionnées à une feuille de route qui prévoit, entre autres, la refonte du système d'asile turc,
ultrarestrictif, ou la fin de la politique très libérale d'Ankara en matière de visas pour les pays tiers.
Deux exigences pour lesquels les autorités turques sont très réticentes.
La libéralisation des visas est également liée à l'accord de réadmission des migrants illégaux, qui doit rentrer en vigueur trois ans après sa ratification.
La signature du document par le gouvernement islamo-conservateur aura des répercussions très importantes
pour la Turquie: par sa position géographique et l'expansion planétaire du réseau de sa compagnie aérienne, Turkish Airlines, la Turquie est l'un des principaux points d'entrée dans l'Union européenne.
Afghans, Syriens, Irakiens ou Africains convergent vers Istanbul, avant-dernière étape de leur long et périlleux voyage.
Le système de l'asile
Oktay Durukan, responsable du programme des réfugiés de l'ONG Assemblée des citoyens d'Helsinki,
s'inquiète des atteintes aux droits fondamentaux:
«Un nombre important de personnes renvoyées concernera des réfugiés qui ont besoin d'une protection
internationale, mais que les pays de l'UE ne leur accordent pas.
Et je ne parle même pas de la Grèce, de la Bulgarie ou de Chypre, où le système d'asile est un échec total. Non seulement ces pays montrent un très mauvais exemple à la Turquie, mais celle-ci risque de déporter à son tour les migrants.»
Les violations des droits de l'homme sont légion dans les centres de rétention de clandestins.
Avec cet accord de réadmission, la Turquie pourrait, comme la Libye en son temps, devenir une sentinelle
de l'Europe. «L'Union européenne externalise la gestion des flux migratoires vers des pays de transit»,
estime Oktay Durukan.
La Turquie a refusé plusieurs années de soumettre la libéralisation des visas à la réadmission des étrangers.
En signant l'accord, «elle veut montrer sa volonté de retrouver des relations normales avec Bruxelles,
motivée par les dommages importants que les événements de Gezi ont créés en Occident»,
précise Marc Pierini.
La violente répression de la vague de contestation contre le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan,
près du parc Gezi d'Istanbul en juin dernier, a particulièrement marqué les 28 États membres.
http://www.lefigaro.fr/internationa...nkara-signent-un-accord-sur-l-immigration.php
elle est pas belle la vie
mam
Par Laure Marchand
Publié le 16/12/2013 à 22:45
La Turquie récupérera les migrants passés en Europe par son territoire, et obtiendra la fin des visas
pour ses ressortissants.
Istanbul
«Clandestins contre visas», c'est en résumé la substance du double pacte scellé lundi par l'Union
européenne et Ankara.
La Turquie a signé un accord de réadmission en vertu duquel elle s'engage à reprendre les migrants
qui ont transité par son territoire et sont entrés illégalement sur le sol européen, ainsi que ses propres
nationaux qui séjournent sans autorisation dans un pays de l'Union européenne.
En échange, Bruxelles s'est engagée à ouvrir des discussions devant aboutir à la libéralisation des visas,
obligatoires pour les ressortissants turcs désirant voyager en Europe.
Les deux partenaires ont longtemps achoppé sur le renvoi des étrangers en situation irrégulière
et la suppression des visas.
La résolution, affichée de part et d'autre, de relancer des négociations d'adhésion en souffrance
permet de dépasser, au moins temporairement, les désaccords.
Ahmet Davutoglu, le ministre des Affaires étrangères, a estimé que le processus devait conduire à la
levée des visas au «maximum dans trois ans et demi», se félicitant d'avoir atteint «un objectif de la Turquie
depuis de nombreuses années».
Le maintien de la procédure d'obtention des visas pour les Turcs constitue en effet une particularité:
les restrictions ont été levées pour les pays des Balkans, même ceux qui n'ont pas entamé de négociations
d'adhésion à l'UE, contrairement à la Turquie, qui est candidate.
Les refus de visas nourrissent la frustration et le ressentiment
«Le moment où les Turcs se sentent le moins européen est lorsqu'ils font la queue pour obtenir un visa»,
résumait ainsi Egemen Bagis, le ministre en charge des Affaires européennes.
Des dossiers interminables et des refus encore parfois incompréhensibles, malgré des améliorations substantielles,
pour des hommes d'affaires ou des artistes, nourrissent frustration et ressentiment.
La fin complète des visas ou la réduction des catégories concernées par la nécessaire obtention du sésame
entraînera-t-elle un afflux de Turcs vers l'Union européenne?
Pour Marc Pierini, qui a piloté ce dossier sensible lorsqu'il était chef de la délégation de l'UE à Ankara,
cette hypothèse est infondée:
«Hormis pour l'Allemagne, où le regroupement familial poserait peut-être problème si les visas étaient
entièrement supprimés, la Turquie, compte tenu des conditions économiques actuelles, n'est plus un pays
de migration vers l'Europe. La demande n'est plus intense. On observe même un reflux des Turcs diplômés
(qui ont grandi en Allemagne, NDLR).»
Les avancées concernant l'allégement des conditions d'entrée des citoyens turcs dans l'espace Schengen
sont conditionnées à une feuille de route qui prévoit, entre autres, la refonte du système d'asile turc,
ultrarestrictif, ou la fin de la politique très libérale d'Ankara en matière de visas pour les pays tiers.
Deux exigences pour lesquels les autorités turques sont très réticentes.
La libéralisation des visas est également liée à l'accord de réadmission des migrants illégaux, qui doit rentrer en vigueur trois ans après sa ratification.
La signature du document par le gouvernement islamo-conservateur aura des répercussions très importantes
pour la Turquie: par sa position géographique et l'expansion planétaire du réseau de sa compagnie aérienne, Turkish Airlines, la Turquie est l'un des principaux points d'entrée dans l'Union européenne.
Afghans, Syriens, Irakiens ou Africains convergent vers Istanbul, avant-dernière étape de leur long et périlleux voyage.
Le système de l'asile
Oktay Durukan, responsable du programme des réfugiés de l'ONG Assemblée des citoyens d'Helsinki,
s'inquiète des atteintes aux droits fondamentaux:
«Un nombre important de personnes renvoyées concernera des réfugiés qui ont besoin d'une protection
internationale, mais que les pays de l'UE ne leur accordent pas.
Et je ne parle même pas de la Grèce, de la Bulgarie ou de Chypre, où le système d'asile est un échec total. Non seulement ces pays montrent un très mauvais exemple à la Turquie, mais celle-ci risque de déporter à son tour les migrants.»
Les violations des droits de l'homme sont légion dans les centres de rétention de clandestins.
Avec cet accord de réadmission, la Turquie pourrait, comme la Libye en son temps, devenir une sentinelle
de l'Europe. «L'Union européenne externalise la gestion des flux migratoires vers des pays de transit»,
estime Oktay Durukan.
La Turquie a refusé plusieurs années de soumettre la libéralisation des visas à la réadmission des étrangers.
En signant l'accord, «elle veut montrer sa volonté de retrouver des relations normales avec Bruxelles,
motivée par les dommages importants que les événements de Gezi ont créés en Occident»,
précise Marc Pierini.
La violente répression de la vague de contestation contre le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan,
près du parc Gezi d'Istanbul en juin dernier, a particulièrement marqué les 28 États membres.
http://www.lefigaro.fr/internationa...nkara-signent-un-accord-sur-l-immigration.php
elle est pas belle la vie
mam