C’est le titre d’une émission diffusée le 16 janvier sur LCP avec Frédéric Encel,
Aziz Senni et Christine Orban. Verbatim.
Comment vit on au Maroc en 2014? Comment y travailleton? Où en est la démocratie?
Quelle place occupe le Maroc à l’intérieur du monde musulman? Trois invités qui
connaissent bien le Maroc ont tenté d’apporter des éléments de réponses à ces questions: il
s’agit de Frédéric Encel, géopolitique, essayiste et maître de conférences à SciencesPo
Paris, auteur de «Géopolitique du printemps arabe», Aziz Senni, entrepreneur et homme
politique français d’origine marocaine, auteur du livre «L'ascenseur social est en panne... j'ai
pris l'escalier» et Christine Orban, critique littéraire et romancière qui a grandi àCasablanca.
Sur l’impact du printemps arabe
Le Maroc est l'un des rares pays qui n'a pas vacillé sous l'effet du printemps arabe, bien que
des manifestations aient bien eu lieu. Dès lors, peuton dire que le Maroc n’a pas fait son
printemps arabe mais qu’il a considérablement évolué ces dernières années?
Pour Frédéric Encel: «Il n’y a pas eu besoin d’un printemps chaotique arabe tel qu’il s’est
produit dans la quasitotalité des pays de la région. Au fond, le printemps est là depuis
un certain temps. C’est un vrai printemps. C’est le cas sur le plan social, sur le plan
économique avec plus de 5% de croissance depuis 10 ans. C’est absolument unique dans le
monde arabe, et avec des rapports sociaux relativement apaisés, si l’on compare avec les
autres pays d’Afrique où les pays arabo musulmans».
Et d’ajouter: «C’est quelque chose qui est de l’ordre de l’exception, qui s’explique
par la gouvernance de Mohammed VI d’une part, qui est considérée par toutes les
institutions internationales, politiques comme financières, comme rationnelle et
pragmatique, et d’autre part par le prestige d’une dynastie qui n’a jamais été colonisée. Il
faut bien comprendre que le Maroc est la seule société arabe à n’avoir jamais été colonisée,
ni pas des Turcs, ni par des Européens. La présence française, qui a pu être parfois
considérée comme lourde notamment durant les années 1950, mais n’a jamais été
considérée comme une véritable colonisation».
Troisième particularité marocaine, toujours selon Frédéric Encel: «il existe au Maroc une
tradition depuis sans doute le 7e ou le 8e siècle, d’ouverture et d’accueil à la fois visàvis des
chrétiens, des juifs, et parfois d’autres populations(…), certes, tout n’a pas toujours été rose.
Mais ces 4 dernières années, autant on a vu dans d’autres Etats un véritable chaos et des
soubresauts extrêmement graves, autant le Maroc semble aujourd’hui dans une évolution
très apaisée pour toute une série de raisons».
Pour sa part, Aziz Senni estime que le Maroc connait véritablement une évolution sociétale,
mais «il reste une fracture entre conservateurs et progressistes, mais aussi en
fonction des tranches d’âge avec notamment une jeunesse qui a très envie de mettre ses
deux pieds dans le 21e siècle, sans renier les traditions(…), et une dichotomie entre milieu
urbain et milieu rural où les conservatismes sont encore très fort, mais néanmoins ça va
effectivement dans le bon sens ».
De son côté, la présidente du prix littéraire de La Mamounia estime que «l’évolution
sociétale va dans le bon sens au Maroc. Je trouve ça très rassurant
.
Peut on parler de démocratie au Maroc?
Dans ce contexte, peuton parler de démocratie au Maroc? Pour Frédéric Encel, tout est
extrêmement relatif sur le plan institutionnel. «Si vous me demandez si le Maroc respecte
les critères de Copenhague (qui forment un ensemble de conditions pour l'accession à
l'Union européenne de pays candidats, NDLR) ma réponse est non, en tout cas pas sur tous
les dossiers. Mais si vous me demandez, estce qu’on va de plus en plus rapidement vers une
véritable démocratie, notamment eu égard à ce qui se passe dans les Etats qui ressemblent a
priori au Maroc, alors là oui, bien sûr on y va».
Et d’ajouter: «On peut parler de la Moudawana, faite sous l’impulsion du souverain en
2004, immédiatement après une vague d’attentats terroristes à caractère islamiste radical.
Donc tout n’a pas toujours été rose au Maroc: et c’est le cas encore aujourd’hui, il y a des
conservatismes extrêmement forts, il y a des parties qui sont très clairement islamistes, mais
à chaque fois qu’ils ont tenté d’exercer une pression, notamment une pression violente sur le
pouvoir et sur la société, ce pouvoir et cette société ont réagi par un rapport de force très
éclatant parce qu’on allait vers plus de progressisme, notamment visàvis de la femme,
c’estàdire exactement ce qu’exècrent les islamistes radicaux. Vous noterez que ces
dernières années, il y a eu un véritable apaisement sur ces questions».
Petit bémol, selon lui, «aujourd’hui au parlement marocain, le parti le plus proche des frères
musulmans, des islamistes plus ou moins modérés, est quand même le premier parti
représenté au parlement. Donc il y a effectivement un conservatisme très fort, qui s’ajoute
aux problèmes qui touchent les campagnes marocaines: Il y a encore un taux
d’analphabétisme très important qui touche notamment les femmes, contre
lequel se bat le pouvoir en place, mais là on est sur des tendances lourdes et ça prendra
encore quelques bonnes années pour que ça se résorbe».
http://www.medias24.com/MEDIAS-IT/1...ance-quelle-place-dans-le-monde-musulman.html
Aziz Senni et Christine Orban. Verbatim.
Comment vit on au Maroc en 2014? Comment y travailleton? Où en est la démocratie?
Quelle place occupe le Maroc à l’intérieur du monde musulman? Trois invités qui
connaissent bien le Maroc ont tenté d’apporter des éléments de réponses à ces questions: il
s’agit de Frédéric Encel, géopolitique, essayiste et maître de conférences à SciencesPo
Paris, auteur de «Géopolitique du printemps arabe», Aziz Senni, entrepreneur et homme
politique français d’origine marocaine, auteur du livre «L'ascenseur social est en panne... j'ai
pris l'escalier» et Christine Orban, critique littéraire et romancière qui a grandi àCasablanca.
Sur l’impact du printemps arabe
Le Maroc est l'un des rares pays qui n'a pas vacillé sous l'effet du printemps arabe, bien que
des manifestations aient bien eu lieu. Dès lors, peuton dire que le Maroc n’a pas fait son
printemps arabe mais qu’il a considérablement évolué ces dernières années?
Pour Frédéric Encel: «Il n’y a pas eu besoin d’un printemps chaotique arabe tel qu’il s’est
produit dans la quasitotalité des pays de la région. Au fond, le printemps est là depuis
un certain temps. C’est un vrai printemps. C’est le cas sur le plan social, sur le plan
économique avec plus de 5% de croissance depuis 10 ans. C’est absolument unique dans le
monde arabe, et avec des rapports sociaux relativement apaisés, si l’on compare avec les
autres pays d’Afrique où les pays arabo musulmans».
Et d’ajouter: «C’est quelque chose qui est de l’ordre de l’exception, qui s’explique
par la gouvernance de Mohammed VI d’une part, qui est considérée par toutes les
institutions internationales, politiques comme financières, comme rationnelle et
pragmatique, et d’autre part par le prestige d’une dynastie qui n’a jamais été colonisée. Il
faut bien comprendre que le Maroc est la seule société arabe à n’avoir jamais été colonisée,
ni pas des Turcs, ni par des Européens. La présence française, qui a pu être parfois
considérée comme lourde notamment durant les années 1950, mais n’a jamais été
considérée comme une véritable colonisation».
Troisième particularité marocaine, toujours selon Frédéric Encel: «il existe au Maroc une
tradition depuis sans doute le 7e ou le 8e siècle, d’ouverture et d’accueil à la fois visàvis des
chrétiens, des juifs, et parfois d’autres populations(…), certes, tout n’a pas toujours été rose.
Mais ces 4 dernières années, autant on a vu dans d’autres Etats un véritable chaos et des
soubresauts extrêmement graves, autant le Maroc semble aujourd’hui dans une évolution
très apaisée pour toute une série de raisons».
Pour sa part, Aziz Senni estime que le Maroc connait véritablement une évolution sociétale,
mais «il reste une fracture entre conservateurs et progressistes, mais aussi en
fonction des tranches d’âge avec notamment une jeunesse qui a très envie de mettre ses
deux pieds dans le 21e siècle, sans renier les traditions(…), et une dichotomie entre milieu
urbain et milieu rural où les conservatismes sont encore très fort, mais néanmoins ça va
effectivement dans le bon sens ».
De son côté, la présidente du prix littéraire de La Mamounia estime que «l’évolution
sociétale va dans le bon sens au Maroc. Je trouve ça très rassurant
.
Peut on parler de démocratie au Maroc?
Dans ce contexte, peuton parler de démocratie au Maroc? Pour Frédéric Encel, tout est
extrêmement relatif sur le plan institutionnel. «Si vous me demandez si le Maroc respecte
les critères de Copenhague (qui forment un ensemble de conditions pour l'accession à
l'Union européenne de pays candidats, NDLR) ma réponse est non, en tout cas pas sur tous
les dossiers. Mais si vous me demandez, estce qu’on va de plus en plus rapidement vers une
véritable démocratie, notamment eu égard à ce qui se passe dans les Etats qui ressemblent a
priori au Maroc, alors là oui, bien sûr on y va».
Et d’ajouter: «On peut parler de la Moudawana, faite sous l’impulsion du souverain en
2004, immédiatement après une vague d’attentats terroristes à caractère islamiste radical.
Donc tout n’a pas toujours été rose au Maroc: et c’est le cas encore aujourd’hui, il y a des
conservatismes extrêmement forts, il y a des parties qui sont très clairement islamistes, mais
à chaque fois qu’ils ont tenté d’exercer une pression, notamment une pression violente sur le
pouvoir et sur la société, ce pouvoir et cette société ont réagi par un rapport de force très
éclatant parce qu’on allait vers plus de progressisme, notamment visàvis de la femme,
c’estàdire exactement ce qu’exècrent les islamistes radicaux. Vous noterez que ces
dernières années, il y a eu un véritable apaisement sur ces questions».
Petit bémol, selon lui, «aujourd’hui au parlement marocain, le parti le plus proche des frères
musulmans, des islamistes plus ou moins modérés, est quand même le premier parti
représenté au parlement. Donc il y a effectivement un conservatisme très fort, qui s’ajoute
aux problèmes qui touchent les campagnes marocaines: Il y a encore un taux
d’analphabétisme très important qui touche notamment les femmes, contre
lequel se bat le pouvoir en place, mais là on est sur des tendances lourdes et ça prendra
encore quelques bonnes années pour que ça se résorbe».
http://www.medias24.com/MEDIAS-IT/1...ance-quelle-place-dans-le-monde-musulman.html