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Grèves/Retenues sur salaire
Valse-hésitation du gouvernement
· Bien quadoptée par le Conseil de gouvernement du 16 mai 2008
· La mesure nest appliquée que par certains ministères
Retenez-moi ou je fais un malheur! Le gouvernement narrête pas de menacer de faire des retenues sur salaire pour les jours de grève. Il en avait déjà retenu le principe lors de son Conseil du 16 mai 2008, sans pour autant généraliser la mesure. Mohamed Abbou, ministre de la Modernisation des Secteurs publics, a produit un communiqué officiel, mardi 27 janvier, sur la grève du 23 et du 24 janvier organisée dans la Fonction publique.
Selon le chapitre consacré à la question des prélèvements sur salaire, «la grève est un droit constitutionnel, mais le principe comptable universel veut quun salaire corresponde toujours à un travail rendu. Et cette règle est internationalement admise pour justifier toute dépense publique». Moralité de lidée: le gouvernement a le droit de refuser de payer une journée non travaillée, comme il le fait dailleurs pour toute absence non justifiée.
Mais en pratique, cest le flou total. «Le privé est intransigeant en matière de retenue sur salaire dans le cadre des grèves. Pourquoi le gouvernement nen ferait-il pas autant? De plus, même dans les pays les plus avancés, comme la France, lEspagne, la Grande-Bretagne, les journées de grève ne sont pas payées», justifie un haut responsable du ministère de la Modernisation des Secteurs publics. Mais, exception faite de quelques rares départements ministériels, comme lEducation, la Santé publique ou encore les Finances, les fonctionnaires de lEtat, qui participent à un mouvement de grève, reçoivent tout de même leurs salaires complets. Et même au niveau du ministère de lEducation, les prélèvements, dont la décision remonte à 2006, ne concernent pas tout le monde.
«Cette mesure ne touche que les membres des syndicats constitués après les élections de 2003. Par contre, les grévistes adhérents des syndicats les plus représentatifs sont épargnés», explique Abdelilah El Halouti, secrétaire général adjoint de lUnion nationale du travail au Maroc (UNTM). Toutefois, une source du ministère de lEducation nous apprend que toutes les mesures ont été prises pour généraliser la ponction sur salaire à lissue des journées de grève du 23 et 24 janvier. «Tout le monde se verra appliquer la décision, même les grévistes des syndicats épargnés jusquici. Nous attendons seulement le feu vert du gouvernement pour mettre en application la décision au ministère de lEducation», affirme notre interlocuteur.
Comment explique-t-on cette permissivité à légard des grévistes? «A lépoque de lancien Premier ministre Driss Jettou, le gouvernement fermait les yeux sur les jours de grève pour avoir la paix sociale. Et lactuel Premier ministre na pas changé dattitude», affirme un haut responsable du ministère de lEmploi. La non généralisation de cette pratique à tous les départements ministériels fait jaser dans les milieux syndicaux. Conscient des frustrations que génère cette anomalie, Abbou a intégré la question à son exposé sur le dialogue social, prononcé au cours du Conseil de gouvernement de jeudi dernier.
En matière de retenue sur salaire pour cause de grève, cest lincompréhension entre gouvernement et syndicaux. Pour ces derniers, la grève est un droit assuré par la Constitution. Toutefois, la loi organique sur la grève censée lencadrer na toujours pas vu le jour. Une mouture avait déjà circulé il y a quelques jours, mais selon notre interlocuteur du ministère de lEmploi, «le projet de texte est actuellement en stand-by».
Inefficience scolaire
Le coût des journées de grève nest pas seulement dordre pécuniaire. Et au niveau de lenseignement, les absences des professeurs pour grève se répercutent de manière négative sur la qualité de lenseignement. En effet, selon Ould Daddah, DRH du ministère de lEducation nationale, qui vient de publier un travail de recherche sur la question, pour que lenseignement soit efficient, les élèves doivent bénéficier dune scolarisation effective de 1.200 heures (soit 35 semaines) par an. Or, le chercheur évalue la scolarisation des élèves marocains à moins de 700 heures (23 semaines). La cause? Trop de vacances, de jours de grève, absentéisme des professeurs et des élèves, année scolaire trop courte (les écoliers quittent parfois les bancs de lécole dès le 10 mai) .
Hassan EL ARIF