Maroc : ces intouchables qui entourent le roi

Des élections anticipées se déroulent demain au Maroc, conséquence de l'ouverture annoncée en mars par le roi Mohammed VI pour calmer la contestation du Mouvement du 20 février. Dans les faits, l'entourage du roi verrouille toujours le système en place.
Ecrit par
Marie-Christine CORBIER

Journaliste
Ses 3 derniers articles
25/11 | 07:00
Maroc : des législatives sous la double pression des islamistes et de l'abstention
25/11 | 07:00
« Le pays est en train de glisser vers un déficit budgétaire insoutenable »
17/11 | 18:12
Crise : les pays les plus pauvres ont aussi besoin d'aide
Tous ses articles Surtout, ne dites pas que vous faites une enquête sur l'entourage du roi », lâche un interlocuteur. Au Maroc, à la veille d'élections législatives anticipées censées répondre, dans le contexte du printemps arabe, au désir de changement exprimé par le Mouvement du 20 février, l'omerta demeure la règle autour de Mohammed VI. Malgré plusieurs relances, le Palais royal, que certains baptisent la « maison du pouvoir », oppose une fin de non-recevoir à toute demande de rencontre avec les principaux conseillers du roi. « Le Palais est une boîte noire difficile à décrypter », observe un diplomate occidental en poste à Rabat.

Mais, sous couvert d'anonymat, les langues se délient. Acteurs de la vie politique, observateurs, hommes d'affaires - français et marocains -, anciens proches de conseillers du roi... et victimes de certains d'entre eux se confient.

Amitiés durables
Neuf mois après la naissance du mouvement de contestation et malgré des rumeurs de disgrâce, diverses sources confirment ainsi que « les copains de collège tirent toujours les ficelles ». « Les autres conseillers, c'est de l'habillage », assure même l'une d'elles, très bien informée. Ces amitiés durables datent des études de Mohammed VI au collège royal, qu'il a fréquenté à partir de l'âge de dix ans. Les hommes du roi d'aujourd'hui sont d'abord des camarades de classe de cette époque. Mohamed Rochdi Chraïbi, son directeur de cabinet ; Mounir Majidi, son secrétaire particulier ; Fouad Ali el-Himma, le fondateur du Parti de l'authenticité et de la modernité (PAM) ; Mohamed Yassine Mansouri, le directeur du service de contre-espionnage. « Les deux personnes les plus influentes sont Mohamed Rochdi Chraïbi et Fouad Ali el-Himma », précise notre source. Le premier est considéré comme la tête de pont du cercle des amis au cabinet royal. Le magazine marocain « Tel quel » décrit ce juriste comme « un pur produit du Makhzen », cet appareil d'Etat taillé sur mesure par la monarchie.
 
Fouad Ali el-Himma est l'autre personnage central et il est systématiquement conspué lors des manifestations. « C'est à travers lui que le roi appréhende le pays et se forge une vision politique », avance Aboubakr Jamaï, cofondateur du célèbre « Journal hebdomadaire », réputé pour son indépendance... et qui a cessé de paraître en 2010. En fondant le PAM après les élections législatives de 2007, Fouad Ali el-Himma « a fait une OPA sur la vie politique marocaine, ajoute un diplomate. Sous son influence, les députés ont changé de parti en cours de mandat pour le rejoindre. » « La plupart des parlementaires se servent de leur mandat pour défendre leurs intérêts financiers, traduit un homme politique. Et comme ils ne cherchent qu'à se rapprocher du roi, ils se sont tournés vers l'ami qu'ils voyaient régulièrement à ses côtés... » L'homme a malgré tout ses défenseurs, comme le nouveau président du Conseil national des droits de l'homme (CNDH), Driss Yazami. « El-Himma a joué un rôle essentiel à des moments importants de la réforme dans ce pays, indique-t-il. Il a contribué à faire émerger et accepter l'idée de l'Instance équité et réconciliation » sur les violations des droits de l'homme durant les années de plomb sous le règne du père de Mohammed VI, Hassan II.

Au printemps, on le disait exilé en Floride, pour faire taire les critiques du Mouvement du 20 février. Mais Fouad Ali el-Himma est vite réapparu cet été aux côtés du roi, en vacances, à Al-Hoceima, une ville du Nord-Est.

Autre grand ami de Mohammed VI et par ailleurs rival d'El-Himma, Mounir Majidi. Secrétaire particulier du roi et gestionnaire de sa fortune via le holding Siger - anagramme de Regis, qui signifie « roi » en grec -, il est depuis quelques mois la cible du Mouvement du 20 février mais aussi d'une certaine bourgeoisie d'affaires marocaine, qui en ont fait le symbole de l'affairisme du royaume.

Nous sommes début juillet, sur l'avenue Mohammed-V, l'une des plus grosses artères de Rabat. Malgré la victoire écrasante du « oui » au référendum constitutionnel, le Mouvement du 20 février ne baisse pas les bras. En face du bâtiment de Maroc Telecom, les manifestants déploient une nouvelle fois, tel un étendard, leur banderole représentant Mounir Majidi en pieuvre tentaculaire.
 
« A force de toujours vouloir récupérer les contrats les plus juteux, Mounir Majidi s'est créé des inimitiés chez la plupart des chefs d'entreprise marocains », observe l'un d'eux. Certains évoquent des pressions se terminant en contrôles fiscaux pour ceux qui résistent. Avec d'autres, Aboubakr Jamaï va jusqu'à parler de « benalisation » de l'économie marocaine. Devenu trop exposé, Majidi (ainsi que son bras droit Hassan Bouhemou) se montre depuis quelque temps plus discret.

Revirement rapide
Au cabinet royal, il y a les amis de Mohammed VI et les autres conseillers. Mohamed Moatassim appartient à la deuxième catégorie. Professeur de droit, conseiller depuis le début du règne de Mohammed VI, en 1999, il serait tombé en disgrâce. On lui attribue le discours du 9 mars, largement salué dans le pays et à l'extérieur comme illustrant « l'intelligence politique » du roi. Un discours d'ouverture, intervenant un peu plus de deux semaines après le début de la contestation. Mais un deuxième discours, le 30 juillet, fera au contraire de nombreux déçus. « A ce moment-là, tout le monde a compris que les cartes avaient tourné et que c'était déjà fini, le régime avait choisi de maintenir le cap », se souvient un observateur étranger. Le roi, qui célèbre alors le douzième anniversaire de son intronisation, appelle certes les partis politiques à renouveler leurs élites, mais il dénonce aussi les « nihilistes », en faisant implicitement référence au Mouvement du 20 février. Le message est clair. Et, dans la foulée de son discours, il décore le directeur général de la surveillance du territoire (DGST), Abdellatif Hammouchi, ainsi que le producteur Nadir el-Khayat, notamment connu pour sa collaboration avec Lady Gaga et très impliqué dans la programmation du festival Mawazine - dont le Mouvement du 20 février avait appelé à l'annulation, en raison de son coût exorbitant et de l'identité de son promoteur... l'omniprésent Mounir Majidi.

Pourquoi un revirement aussi rapide ? « Deux voix se sont opposées, analyse un fin connaisseur du pays : celles de Moatassim et d'Abdeltif Menouni. » Ce dernier, président de la Commission consultative de révision de la Constitution (CCRC), est alors sur le point d'obtenir le titre officiel de conseiller royal. « Certains, comme Menouni, ont fait comprendre au roi que, s'il ouvrait trop les vannes, il pourrait en faire un jour les frais, poursuit la même source. Le discours du 9 mars a été interprété comme la volonté de Moatassim de faire évoluer la monarchie. Or, la vieille garde - le Makhzen -qui tient le pays et qui a des intérêts économiques fondamentaux à défendre craint que trop de concessions du roi aux manifestants ne débouchent in fine sur une mise en cause de la monarchie et par ricochet de son propre pouvoir. »

Parmi les autres conseillers de Mohammed VI : Zoulikha Nasri, première et toujours seule femme à occuper ce poste, chargée des Affaires sociales ; André Azoulay, déjà présent sous Hassan II ; El-Mostafa Sahel, l'ambassadeur du Maroc en France, nommé en octobre 2011.

Cabinet de l'ombre
 
Des sources concordantes estiment de 100 à 150 personnes le nombre de conseillers au service de Mohammed VI. Selon leur poids, ils sont entourés d'une équipe plus ou moins importante. Autour d'eux gravitent des micro-organismes produisant des études souvent très bien renseignées sur l'état du pays. « Le problème n'est pas tant le nombre de conseillers que le système de gouvernance actuel au Maroc, qui ne permet pas d'atteindre directement le roi, déplore un politologue. Les conseillers forment un filtre. Ainsi, sur une quinzaine d'études réalisées par tel ou tel think tank, une seule parviendra vraiment au roi. »

Comme sous Hassan II, le cabinet royal a donc conservé son rôle de gouvernement de l'ombre, surveillant de près les activités du gouvernement officiel et capable de faire et de défaire les carrières. Quant à la corruption, non seulement elle n'a pas faibli mais elle s'est institutionnalisée sous le règne de Mohammed VI, selon un câble diplomatique de 2009 du consulat américain de Casablanca, révélé par WikiLeaks. Dans ce même télégramme, un ancien ambassadeur des Etats-Unis évoque même « l'avidité consternante de ceux qui sont proches du roi Mohammed VI ». Un roi tout-puissant qui demeure le premier acteur économique du pays même si ONA-SNI, qu'il contrôle, se désengage peu à peu de certains pans de l'économie, comme le sucre et le lait... pour investir dans d'autres secteurs, comme les énergies renouvelables. Et dont certains choix hasardeux ont pu surprendre. En 2009, la révélation par le quotidien de Hong Kong « South China Morning Post » de la présence de Mohammed VI - via son holding Siger -parmi un groupe d'investisseurs malheureux à Macao a défrayé la chronique. Les critiques fusant alors sur les pratiques d'un roi commandeur des croyants qui perd de l'argent dans des casinos...

http://www.lesechos.fr/entreprises-...-intouchables-qui-entourent-le-roi-253399.php
 

3robi78

compte désactivé
اني ارى رؤسا قد اينعت و حان قطافها
 
Haut