Maroc: la nouvelle politique migratoire du maroc, un pas en avant, deux en arrière

Par Hassan Bentaleb


Les récits de migrants victimes de violences continuent d'affluer de plus belle

Alors que le Maroc vante les avancées de sa nouvelle politique de migration lancée depuis une année, un rapport du Comité anti-torture du Conseil de l'Europe vient de remettre les compteurs à zéro. Il révèle que les migrants irréguliers continuent d'être victimes de violations des droits de l'Homme de la part des forces de l'ordre marocaines notamment les membres des Forces auxiliaires accusés par certains migrants de mauvais traitements physiques subis après leur arrestation ou lorsqu'ils sont renvoyés au Maroc par des agents de la Guardia civil.

L'Espagne n'a pas été épargnée non plus. Le rapport a dénoncé le recours excessif à la force de la part d'agents de la Guardia civil contre ces migrants tentant d'accéder à Sebta et à Mellilia.

Du déjà-vu...

Pourtant, le rapport en question ne révèle rien de nouveau. Les récits de migrants victimes de violences continuent d'affluer de plus belle. Ces exactions ont même fait l'objet d'un autre rapport plus détaillé et qui est passé inaperçu, notamment celui de l'Association marocaine des droits humains.

Intitulé « Quand le Maroc et l'Espagne s'allient dans la répression des migrants subsahariens » et basé principalement sur le travail de terrain mené par la Commission Migration et asile au sein de la section locale de l'AMDH-Nador, le document a révélé que les violences à l'égard des migrants subsahariens sont monnaie courante malgré les efforts récents déployés par le Maroc pour instaurer un système d'asile reconnaissant les réfugiés pour la première fois, ainsi que le lancement de l'opération exceptionnelle visant la régularisation d'un certain nombre de migrants sans papiers et l'arrêt des expulsions sommaires vers l'Algérie. Le rapport cite plusieurs cas de refoulement à chaud dans des conditions inhumaines, de blessés et de décès.

Des refoulements dits à chaud opérés en toute illégalité

Pour les rédacteurs de ce document, l'année 2014 constitue l'année des refoulements dits à chaud opérés en toute illégalité par les autorités espagnoles à l'égard des migrants irréguliers subsahariens. Elle a répertorié 324 cas. Le mois d'août a enregistré un maximum de 56 refoulements. Ces migrants sont souvent livrés ligotés et clandestinement aux autorités marocaines qui procèdent elles aussi à leur refoulement sans leur consentement vers certaines villes comme Rabat, Fès ou Meknès. Une pratique qualifiée par le rapport de courante et longtemps niée par les deux pays qui semblent avoir signé une entente concernant ce sujet.

743 blessés et des dizaines de décès en une seule année...

L'année 2014 a été aussi exceptionnelle par le nombre de blessés reçus à l'hôpital Hassani à Nador. On compte 743 cas dont 157 enregistrés au seul mois de juin. Le deuxième semestre de cette année a été particulièrement violent avec un pic de 564 blessés, soit 76% du total. Une situation due à la multiplication des tentatives de franchissement des barrières séparant le Maroc de ses présides occupés et la brutalité excessive aussi bien des autorités marocaines qu'espagnoles.

Les blessures constatées sont des fractures au niveau des vertèbres et des épaules, des traumatismes crâniens, des coupures de tendons, des blessures aux mains et aux yeux et des ecchymoses qui ont nécessité des interventions chirurgicales.

Les tentatives menées les 24 et 25 juillet ont été caractérisées par l'utilisation de gaz lacrymogène, de balles en caoutchouc et à poudre par les autorités espagnoles. Le médecin soignant à l'hôpital Hassani a détecté sur le dos d'un blessé 150 traces poudre et sur un autre 70 lésions.

Concernant les décès, le rapport énumère quatre cas enregistrés à l'hôpital Hassani aux mois de mars, juillet et novembre parmi les migrants installés dans les campements de Nador. À ces décès, il faut ajouter les cadavres reçus à la morgue suite à des tentatives de migration au moyen de barques de fortune très utilisées après le renforcement du contrôle au niveau des frontières terrestres avec Mellilia. Le début de 2015 a été particulièrement meurtrier avec le recensement jusqu'au 19 courant de 16 cadavres.


allAfrica.com: Maroc: La nouvelle politique migratoire du Maroc, un pas en avant, deux en arrière
 
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