Maroc, terrain de chasse pour pédotouristes

Le Maroc est devenu une destination privilégiée pour le tourisme sexuel qui se développe sur le terreau de la misère. Les scandales à répétition ont poussé des ONG locales à briser ce tabou.

La plage d'Agadir by Joao Maximo via Flickr CC
L'AUTEUR

Ali Amar

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Agadir* enfants* Marrakech* pédophilie* prostitution* tourisme sexuel*

La bombe du philosophe français Luc Ferry sur un plateau télévisé de Canal+*dénonçant l'implication d'un «ancien ministre» dans une supposée affaire de pédophilie à Marrakech rappelle que les touristes sexuels ont fait du royaume l'un de leurs terrains de chasse privilégiés.

Mobilisée contre toutes les formes de pédocriminalité, l'association marocaine Touche pas à mon enfant, créée en juillet 2004, a beaucoup joué dans la prise de conscience tardive de ce fléau. En se constituant partie civile dans chaque affaire portée devant la justice, en organisant des campagnes de sensibilisation dans un pays où la tradition est permissive sur les abus sexuels contre les mineurs, elle a mis le sujet sur la place publique.

A la suite des déclarations de Luc Ferry, Najat Anwar, la présidente de Touche pas à mon enfant, a déclaré à Rue89 qu'elle avait l'intention de saisir la justice:

«Un responsable politique qui abuse de nos enfants, c'est inacceptable. Nous allons porter plainte contre X. Une enquête doit être ouverte pour faire la lumière sur cette affaire.»

Moulay Mustapha Errachidi, le conseiller juridique de l'association précise:

«Nous avions déjà entendu parler de cette affaire mais nous n'avions aucune preuve. On ne peut donc pas donner de nom. Mais nous n'allons pas laisser faire, ce n'est pas une situation normale. C'est un crime politique. Il faut enquêter.»

Suite ici: http://www.slateafrique.com/2393/maroc-tourisme-sexuel-pedophilie-tabou-scandales
 
Misère et impunité amplifient le phénomène

Ici, comme dans d’autres pays touristiques en voie de développement, la prostitution —notamment celle des enfants— est fille de la misère et de l’exclusion sociale. Le niveau de vie de la majorité de la population est si bas, la législation si laxiste, qu’un Européen peut abuser d’un mineur presque en toute impunité.

D’autres raisons ont amplifié le phénomène: la violation des droits socioéconomiques de l’enfant, l’absence d’éducation sexuelle et des droits de l’homme à l’école, l’éclatement de la cellule familiale et la maltraitance domestique, sans oublier le travail précoce des mineurs, le manque d’un plan d’action national pour l’enfance garantissant la non-violence à l’égard des enfants, et le manque de sévérité de la loi concernant le viol de mineurs.

Selon le sociologue Jamal Khalil:

«Le touriste vient au Maroc pour le sexe, pour la drogue, pour une gamme de plaisirs qu'il ne peut se permettre aussi facilement dans son pays d'origine. Les autorités marocaines savaient parfaitement cela mais elles laissaient faire, et la société fermait les yeux en se drapant derrière les préceptes de l'islam. On est obligé d'aller vers plus de réalisme, de pragmatisme, d'admettre que non seulement le tourisme sexuel existe, mais que le Marocain lui aussi est un consommateur d'alcool, de drogue, de sexe. Des réalités incontournables, qu'il faut désormais admettre pour en combattre les dérives.»
 
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