A Marseille, des Tunisiens comme des marins perdus

Après Lampedusa et Nice, ils ont échoué à la Porte d'Aix. Rencontre

Sa mère lui avait dit" la France, c'est beau, il y aura quelque chose pour toi, une bonne vie". Et à 30 ans, Ahmed y croyait, aux lendemains qui chantent au "pays de Jeanne d'Arc et du Général DeGaulle". Mais ce matin, après une énième mauvaise nuit sous un pont du quartier Saint-Charles, à Marseille, il sent que "l'espoir s'en va". Là-bas, au pays, "jamais" Ahmed n'avait été contraint de dormir dehors, "comme un clochard".

Ils sont des dizaines -plus de 100, estiment les associations qui les soutiennent- à partager son infortune à la Porte d'Aix. Célibataires, jeunes, ces Tunisiens ont "tous participé aux événements", rapporte Houidi Monji, de l'association Dignité pour les Tunisiens, née à Marseille en pleine révolution. Ils fuient le chômage, un pays désorganisé. "Ils arrivent sans argent, sans adresse, totalement perdus. L'Europe est un mirage: ici aussi, il y a de la misère."

Solidarité du quartier

Livrés à eux-mêmes, les migrants n'ont été repérés par des associations comme la Ligue des Droits de l'Homme que ces derniers jours. "C'est une honte pour la France de ne pas accueillir ces gens dans la dignité", s'offusque Philippe Dieudonné. Une solidarité de voisinage s'est installée: un cafetier qui laisse utiliser ses toilettes, un hammam qui permet de se laver, un snack qui offre à manger… "Vive l'Algérie!" crient les Tunisiens pour remercier leurs bienfaiteurs. Une fois, William, un journaliste anglais, a offert à manger à tout le monde.
 
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