Mélancolie postcoloniale

Drianke

اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
Contributeur
MIGRATIONS (VII) Depuis plus de trente ans, le sociologue britannique Paul Gilroy développe une réflexion intense autour d’un monde postcolonial épuisé où racisme et nationalisme s’opposent au multiculturalisme.

Explorer l’inconscient culturel de la civilisation «occidentale» contemporaine. Envisager de nouvelles perspectives qui nourrissent les débats politiques actuels autour des «identités». Eclairer sur les mécanismes à l’œuvre au cœur du principe de «pureté raciale» cultivé tant par les «dominants» (le monde postcolonial) que par les «dominés» (les populations africaines ou caribéennes immigrées en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale). Figure cruciale du monde universitaire anglo-américain depuis les années 1980, et aujourd’hui dépositaire de la chaire de théorie sociale Anthony Giddens à la London School of Economics, le chercheur britannique Paul Gilroy interroge inlassablement la diversité et l’hybridation de nos sociétés, bousculant bon nombre de certitudes occidentales dans une œuvre dense, exigeante, où les «identités noires» s’observent comme le «produit de brassages et d’hybridités toujours réélaborés».
Entretien avec un universitaire mondialement plébiscité, héritier des Cultural Studies des sixties et, depuis vingt ans, célébré pour son essai magistral L’Atlantique noir. Modernité et double conscience (1993, traduit en français en 2003) – ou plus récemment pour ses collaborations avec les labels discographies anglais de référence Soul Jazz et Honest Jon’s.

D’où vient votre intérêt pour les questions de race, de cultures noires, de nationalisme ou de post colonialisme?

Paul Gilroy: Je suis un Londonien né d’une mère issue des Caraïbes et d’un père anglais de souche allemande. Ayant grandi au son des cloches de Bow, je suis de ce point de vue un bon Cockney. Mes origines m’ont poussé à ne jamais prendre le concept d’englishness («identité anglaise») pour acquis. A 10 ans, j’ai été agressé en pleine rue par des garçons blancs plus âgés que moi. Ils m’ont craché dessus, m’ont traité de «nègre». Une fois remis de cet épisode, j’ai essayé de comprendre pourquoi ils avaient agi de la sorte. Où reposait la source de leur agression? Qu’est ce que le métissage dont je suis issu pouvait bien représenter à leurs yeux? Ces questionnements m’ont poussé à essayer de saisir les origines des théories critiques de la race, du patriotisme, du fascisme. C’était une époque où nationalisme et racisme étaient encore étroitement associés. Etudiant, je suis par la suite devenu brièvement membre de ce qu’on considérerait aujourd’hui comme la gauche libertaire. C’est là que j’ai commencé à creuser ces questions politiques, m’appuyant sur des auteurs issus des Caraïbes ou d’Amérique du Nord: W.E.B Du Bois, Frantz Fanon, Edouard Glissant ou Stuart Hall. Mais aussi George Orwell ou Theodor W. Adorno, ainsi que bon nombre de poètes et de musiciens descendant de la grande tradition de «l’Atlantique noir».....................................

http://www.lecourrier.ch/131941/melancolie_postcoloniale
 
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