Mémoire : 16 mai 2003. Victimes... d’oubli

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Casablanca d'antan
VIB
Sept ans après les attentats qui ont bouleversé le Maroc, les victimes vivent dans le besoin, entre la douleur et l’espoir d’une aide qui se fait toujours attendre.


Le 16 mai 2003, les attentats de Casablanca causaient la mort de 45 personnes et en blessaient une centaine d’autres. Les victimes reçurent sur leur lit d’hôpital la visite du roi, de ministres, de sportifs... Une ambiance de cause nationale qui n’aura duré qu’un temps pour ces blessés qui, sept ans plus tard, se sentent lésés. L’Association des
victimes et des familles de victimes du 16 mai, qui regroupe 60 personnes, se réunira cette année encore devant la stèle commémorative inaugurée en 2004 par Mohammed VI et José Luis Zapatero à Casablanca. Des prières pour les morts sont prévues, mais pas de manifestations culturelles, contrairement aux années précédentes : l’association, qui ne touche aucune subvention, n’en a plus les moyens. Autant dire que le moral est au plus bas chez les rescapés. Certains envisagent de s’en remettre au roi.

Indifférence générale
Mesbah Fiach est l’un de ceux qui gardent espoir, alors que beaucoup d’autres ont renoncé à voir leur situation s’améliorer. Pour faire entendre sa cause, ce père de famille, blessé dans l’explosion du bar Casa de España, se déplace à ses propres frais avec son ami Mustapha Saffoury, touché par la même bombe. Il y a un mois, las de ne jamais trouver d’oreille attentive, ils ont fini par rencontrer Khadija Ryadi, la présidente de l’AMDH, qui s’étonne que leurs revendications ne soient pas plus au centre des préoccupations des autorités. “En sept ans, nous avons frappé à toutes les portes, envoyé des courriers à la primature, au parlement, à tous les ministères que compte le Maroc, le CCDH... Aucune réponse, si ce n’est : ‘votre cas ne relève pas de notre institution’”, s’exaspère Fiach. Ayant perdu un œil, l’autre ne voyant plus qu’à 1/10ème, cet ancien riche représentant a vu son niveau de vie baisser progressivement. Estimé invalide à 85% par les médecins, il a perdu son emploi. En 2005, alors qu’il se rend encore quotidiennement à l’hôpital, il s’entend annoncer que la gratuité des soins lui a été retirée. Ne pouvant plus les payer, il cesse de mettre des pansements sur son œil et ne compte plus que sur lui-même et ses proches pour ses soucis récurrents : l’urticaire, les problèmes gastriques et les clous en fer éjectés par les bombes toujours plantés dans le corps. Une situation similaire à celle de Saffoury, vétéran de la Marche Verte qui peine à joindre les deux bouts avec ses trois enfants. Devenu sourd d’une oreille, il a aussi perdu son poste de conseiller communal. Peu après les attentats, il se rend en France muni d’une carte Vitale pour soigner son visage brûlé. Rentré au Maroc, il est obligé de déménager et voit son fils contraint de cesser ses études, faute de moyens. “Personne ne se soucie plus de nous, pourtant la situation n’est pas compliquée : nous sommes handicapés et nous avons besoin d’une aide, ne serait-ce que pour nous déplacer !”, s’emporte Fiach.

Sursaut au moindre bruit
Il y a un an pourtant, les renseignements généraux (RG) contactent Mohammed Zaouki, président de l’association des victimes, et lui promettent des aides rapides. Zaouki n’a toujours rien reçu et ose la comparaison : “Je me suis rendu en Espagne après les attentats de Madrid en 2004. Les gens ont été indemnisés le lendemain. Ici, seules les veuves ont reçu des aides aujourd’hui épuisées, certaines en sont maintenant réduites à faire l’aumône”. Lui paie difficilement son traitement pour ses problèmes vasculaires. Et tient à rappeler que les douleurs physiques et les difficultés sociales ne sont qu’une partie du martyr. Les séquelles sont aussi psychologiques : impossible de trouver le sommeil, de ne pas sursauter à chaque coup de klaxon, cri, accrochage dans la rue. “Vous allez rire mais j’ai même peur des barbus dans la rue”, confie Fiach. D’ailleurs, que pense-t-il des entreprises de réconciliation avec les prisonniers salafistes ? “C’est de la politique, ça ne nous regarde pas, mais je ne peux pas excuser ceux qui m’ont fait ça”. Et de conclure : “Maintenant, à chacun son malheur”.


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