Meryam demnati: il faut faire face aux résistances amazighophobes

Tharbat

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Entretien avec Meryam Demnati, chercheur en pédagogie de l’amazigh à l’IRCAM et membre de l’Observatoire amazigh des droits et libertés


Meryam Demnati :
L’enseignement-apprentissage de l’amazigh qui a commencé en 2003 d’une manière très boiteuse et peu sérieuse s’essouffle toujours, bien que dès le départ, les principes généraux sur lesquels s’est fondée l’intégration de la langue amazighe dans le cadre de la convention signée entre le ministère de l’éducation nationale et l’Institut royal de la culture amazighe (IRCAM) aient été les suivants: la langue amazighe doit être enseignée à tous les Marocains sans exception ; la langue amazighe doit être généralisée aux niveaux horizontal et vertical ; la langue amazighe doit être standardisée sur le plan graphique, orthographique, lexical et morphosyntaxique ;

la langue amazighe doit être transcrite dans son alphabet originel le Tifinagh.

Après l’officialisation de la langue amazighe par la Constitution de juillet 2011, le bilan aujourd’hui en ce qui concerne la généralisation de l’amazigh est plutôt alarmant. Cette généralisation qui devait se faire progressivement pour toucher toutes les écoles marocaines et tous les niveaux scolaires, non seulement a pris beaucoup de retard, mais a reculé ou même stoppé dans certaines régions.

Le traitement de ce dossier ira de la négligence ou légèreté au mépris total et les quelques acquis de ces dernières années sont enfreints par le ministère de l’éducation nationale qui continue à traiter ce dossier d’une manière discriminatoire.
 

Tharbat

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Au retard anormal confirmé par tous, les arguments qui ont été habituellement avancés par les responsables depuis quelques années sont le manque de ressources humaines. Et pourtant, des centaines de jeunes licenciés et de « masters » et amazighs, ont rejoint les rangs des diplômés chômeurs ces dernières années. La formule la plus adéquate pour une généralisation assurée dans les écoles primaires, collèges et lycées ainsi que dans les Centres régionaux de métiers d’éducation et de formation (CRMEF), serait de reconnaître officiellement les enseignants déjà en fonction et de recruter d’autres enseignants spécialisés de la langue amazighe parmi ces centaines de licenciés et masters des filières des études amazighes. Un budget devra nécessairement être débloqué à cet effet ne serait-ce que pour rendre à la langue amazighe marginalisée depuis plus de 50 ans la place qui lui revient de droit.

Il faut l’application des critères des normes de langue officielle pour la langue amazighe. La langue amazighe doit être utilisée comme véhicule d’enseignement à tous les niveaux du système d’éducation conformément à la maîtrise nécessaire pour chaque niveau. Il faut bien entendu respecter les points suivants. D’abord, élaborer un plan prévisionnel assurant la généralisation progressive de la langue amazighe aux niveaux vertical et horizontal à court, moyen et long termes, recruter les lauréats des filières des études amazighes (licenciés) et masters qui sont des centaines aujourd’hui, former les cadres pédagogiques (enseignants, inspecteurs, formateurs) selon un plan prévisionnel en lui consacrant le budget nécessaire.
Il faut officialiser le statut d’enseignant spécialisé pour les enseignants déjà chargés de l’amazigh. Il faut également continuer le travail de standardisation progressive et convergente de la langue amazighe pour qu’elle puisse assumer ses nouvelles fonctions de langue officielle.
 

Tharbat

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Aujourd’hui, le statut de langue officielle attribué à la langue amazighe est censé la protéger contre toute tentative de minoration politique, juridique et sociale puisqu’elle devrait être, avec l’arabe, la langue par laquelle se réalise l’ensemble des activités publiques dans des cadres de type administratif, politique, culturel, social et éducatif clairement délimités.

Devenant obligatoire dans l’enseignement et ayant une place honorable dans les médias, la langue amazighe officielle c’est la possibilité pour chaque citoyen de s’adresser aux institutions nationales et politiques dans la langue amazighe, d’avoir le droit de l’employer dans toutes relations avec les pouvoirs publics, à tout moment de la vie et dans tous les domaines publiques (santé, justice, institutions publiques). C’est aussi l’obligation faite aux pouvoirs publics de l’employer à tout moment. L’Etat doit aussi mettre fin à toute discrimination à l’encontre de la langue et la culture amazighes dans le domaine de la culture (théâtre, cinéma, musique, art plastique…) et débloquer à cet effet le budget adéquat. Et c’est seulement à ce prix-là que pourra être assurée une coexistence pacifique et une véritable cohésion sociale dans l’avenir.

maryem demnati
 
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