Mustapha el khalfi, ce censeur tout permis

Interdire un film bien avant que son réalisateur demande l’autorisation de le diffuser au Maroc, c’est l’exploit du ministère de Mustapha El Khalfi. Une décision qui ne respecte pas l’article 25 de la Constitution, encore moins la procédure légale pour statuer sur la diffusion d’un film sur le territoire marocain. Explications.

epuis sa nomination en 2012 en tant que ministre de la Communication, Mustapha El Khalfi a une vision paternaliste de sa mission, se donnant le droit de définir ce qu’est « l’identité marocaine, ses valeurs et les attentes des Marocains en matière d’audiovisuel ». Peu importe si sa vision est passéiste et ignore la diversité et la liberté d’expression. El Khalfi réduit les Marocains à des mineurs à qui l’on dicte ce qu’ils ont le droit de voir ou pas. Pour arriver à ses fins, le ministre qui invoque la religion pour appuyer la moindre de ses décisions n’hésite pas à outrepasser ses pouvoirs et à court-circuiter les institutions compétentes.

La Constitution de 2011 est claire. L’article 25 énonce que « sont garanties les libertés de pensée, d’opinion et d’expression sous toutes ses formes. Sont garanties les libertés de création, de publication et d’exposition en matière littéraire et artistique et de recherche scientifique et technique ». Un texte que le ministre semble ignorer en imposant des restrictions au secteur de l’audiovisuel afin qu’il soit en cohérence avec la vision qu’il a de « l’identité marocaine ». La dernière décision en date est l’interdiction de Much Loved, le long-métrage de Nabil Ayouch traitant de la prostitution à Marrakech. Le ministre n’a pas hésité à outrepasser le pouvoir du Centre cinématographique marocain (CCM) pour décider à sa place.

Pourtant, le texte est clair. L’article 8 de la loi n° 20-99 relative à l’organisation de l’industrie cinématographique affirme que « toute exploitation commerciale d’un film cinématographique sur le territoire national ainsi que du matériel publicitaire y afférent est subordonnée à l’obtention d’un visa délivré par le directeur du Centre cinématographique marocain sur décision d’une commission dite commission de visionnage des films cinématographiques qui siège audit centre ». Cette commission est composée d’un représentant du ministère de la Communication, d’un responsable du ministère de la Culture, d’un représentant de la chambre des distributeurs de films, ainsi que d’un représentant des exploitants de salles de cinéma. Ajoutons à cela que « tout refus de visa ou toute coupure dans le contenu des films cinématographiques présentés doit être motivé et porté à la connaissance des intéressés par lettre recommandée avec accusé de réception ».

Maintenant, revenons aux faits. Nabil Ayouch n’a même pas encore demandé de visa d’exploitation pour son film. Ces quatre personnes devant statuer sur l’autorisation de Muched Loved ou non sur le territoire marocain ont été remplacées par de mystérieuses « autorités marocaines compétentes » citées dans le communiqué de la MAP qui, semble-t-il, ont visionné le film « dans un festival étranger ». L’équipe de Nabil Ayouch, contactée par Telquel.ma, a appris la nouvelle comme tout le monde, dans ce fameux communiqué de la MAP. Tout cela est-il légal ? Le CCM n’est-il qu’une institution vide que l’on peut doubler à chaque fois sans aucun respect pour les textes qui régissent le secteur ? Si cette décision peut être considérée comme non conforme à la Constitution de l’Etat vu qu’elle ôte à Nabil Ayouch ses « libertés de création, de publication et d’exposition », la procédure suivie dans ce cas fait fi de la procédure dictée par la loi et les institutions sous la tutelle du ministère de la Communication.

Enfin, revenons aux raisons citées par monsieur El Khalfi le menant à l’interdiction du film de Nabil Ayouch. Dans le communiqué, on apprend que Much Loved « comporte un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du Royaume ». Si le gouvernement s’inquiète autant pour la femme marocaine, il faudrait peut-être d’abord se pencher sur le cas de ces femmes exploitées quotidiennement et réduite à la prostitution, de ces jeunes femmes, pas encore majeures, qui sont réduites à l’esclavage moderne en tant que petites bonnes en milieu urbain, à ces mères qui accouchent encore sur des trottoirs et dans les couloirs des hôpitaux par manque d’infrastructures, à ces paysannes qui sont encore obligées de parcourir des kilomètres pour remplir des sceaux d’eau ou encore à ces petites filles qui sont mariées alors que leur place est toujours à l’école primaire. S’inquiéter aujourd’hui de l’image de la femme marocaine ne devrait pas se résumer à cacher une réalité flagrante aux yeux de l’opinion internationale, car, semble-t-il, le Maroc a l’obsession de ce que pensent les Etats démocratiques de sa situation mais est peu soucieux de s’attaquer véritablement aux problèmes. Au lieu d’essayer de dissimuler ce qui fâche et faire taire les langues qui épinglent des situations alarmantes, notre pays devrait songer sérieusement à agir en changeant cette réalité qui ne peut plus être couverte par le voile de la censure.


http://telquel.ma/2015/05/26/mustapha-el-khalfi-les-debordements-du-censeur_1448756
 
A

AncienBladinaute

Non connecté
la majorité des marocains sont schizophrènes il parait, faut bien que quelqu'un décide pour eux...
 

farid_h

<defunct>
Contributeur
S'il y a un concours international d'ennemis de la liberte d'expression et du cinema, je suggere qu'on nomme Mustapha el Khalfi, ministre de la Censure marocaine comme candidat... Il n'en est pas a sa premiere "prouesse". Go, Mustapha, go! On est encore quelques places derriere la Koree du Nord! :D
 

ould khadija

fédalien
Contributeur
@farid_h

Tu te trompes de cible : Mustapha el Khalfi et consorts du gouvernement ne sont que des "pions" sur un échiquier et on sait tous qui manipule ces pions, qui leur dicte ce qu'il faut faire ou ne pas faire , ce qu'il faut permettre ou interdire....
 

farid_h

<defunct>
Contributeur
Lui, ou pas lui, ce qui les genes, c'est le "qu'en dira-t-on?" Le meilleur moyen d'enseigner a ces petits dictateurs de poche une lecon d'humilite (plus que meritee a mon avis), c'est d'activer l'effet Streisand. En d'autres mots: faire une promotion grass roots dans tous les cinemas et centres culturels en Europe et sur Internet et les reseaux sociaux pour ce film injustement censure. Plus ces censures font du buzz, plus elles attirent l'attention du public international. Si on faisait ca pour chaque film censure, Mustapha el Khalfi et sa cabale finiront par apprendre leur lecon. Non?
 

Aderrbal

Aime et fais ce que tu veux
raisons citées par monsieur El Khalfi le menant à l’interdiction du film de Nabil Ayouch. Dans le communiqué, on apprend que Much Loved « comporte un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du Royaume ».

La mesure contredit les motifs avances : le film a ete deja présenté à Cannes..l atteinte a l'image du royaume gallek!!!
Le filma a été tourné au Maroc, s il presentait un outrage pourquoi il a obtenu les autorisations nécessaires!?
 

Scoco

Mrdi Mémtou Amro Maytkhes
Modérateur
@farid_h

Tu te trompes de cible : Mustapha el Khalfi et consorts du gouvernement ne sont que des "pions" sur un échiquier et on sait tous qui manipule ces pions, qui leur dicte ce qu'il faut faire ou ne pas faire , ce qu'il faut permettre ou interdire....
En l’occurrence non, le makhzen n'intervient pas dans ce genre de mesures, c'est le gouvernement qui s'en charge ; )
Le makhzen contrôle la vraie politique, il s'en fout de ce genre de taches! ; )
 
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