Un nouveau maidan?

Les rangs des manifestants réunis depuis une semaine dans les rues d’Erevan ne cessent de grossir. Jeudi soir, environ 12 000 protestataires s’étaient regroupés devant le palais présidentiel, pour la plus importante manifestation antigouvernementale depuis des années. Plusieurs centaines d’entre eux ont ensuite campé toute la nuit sur la place centrale de la capitale arménienne, bloquant la principale artère de la ville. L’annonce d’une augmentation au 1er août du prix de l’électricité, de 16 à 22%, a été l’étincelle déclenchant la mobilisation. Mardi, des heurts avec la police avaient fait plusieurs blessés, tandis que 237 personnes avaient été arrêtées, avant d’être relâchées.

L’ex-République soviétique d’Arménie, peuplée de 3,2 millions d’habitants, est politiquement très proche de Moscou, choisissant en 2014 de faire partie, avec la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan et le Kirghizistan, de l’Union économique eurasienne, plutôt que de signer le partenariat oriental avec l’Union européenne. Mais elle subit aujourd’hui les turbulences d’une économie russe frappée par les sanctions occidentales et la faiblesse du rouble. La société qui gère la distribution de l’électricité du pays, détenue par le groupe russe Inter RAO, avait justifié l’augmentation des tarifs en expliquant qu’elle était liée à la forte dévaluation de la monnaie locale, le dram.





Le rassemblement qui enfle sous les fenêtres du président Serge Sarkissian se prête évidemment à une lecture très politique. En Russie, les médias relayant la ligne gouvernementale qualifient la mobilisation d’«électro-Maïdan», en référence au «coup d’Etat ukrainien», tandis que des responsables politiques désignent la main de Washington derrière cette mobilisation. Igor Morozov, membre du Conseil de la Fédération de Russie, relevait mardi pour Ria-Novosti que «l’ambassade américaine en Arménie représentait l’une des missions les mieux dotées, bien que l’Arménie soit un tout petit pays», laissant entendre un téléguidage des Etats-Unis. Et d’avertir qu’on était maintenant «proche d’un coup d’Etat armé, qui se produira si le président Sarkissian ne tire pas les leçons du Maïdan ukrainien».

Dans la rue d’Erevan, les manifestants disent refuser toute instrumentalisation. La mobilisation dénonce le pillage du pays, la corruption des élites et une situation socio-économique qui s’est rapidement dégradée ces derniers mois. Le chômage a grimpé de 21% en mars 2015 par rapport à 2014. L’inflation galope, tandis que le salaire moyen est d’à peine 300 dollars.

http://www.24heures.ch/monde/armenie-air-electrique-revolution-ukrainienne/story/10531556
 
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