Pakistan/Chine

Asif Ali Zardari a choisi la Chine pour son premier voyage officiel en dehors du Pakistan, depuis son élection à la tête de l’Etat le 6 septembre 2008. Il affiche ainsi sa volonté de renforcer l’alliance avec Pékin, dans un contexte de relations difficiles avec le grand allié américain. Le développement de la coopération nucléaire civile figure au programme de cette visite de quatre jours, ainsi qu’une demande d’aide financière afin de palier les effets de la crise mondiale.

Islamabad présente ce voyage officiel comme une occasion de consolider le partenariat stratégique avec Pékin, avec un impératif économique : « Nous avons beaucoup de liens culturels, des liens amicaux, que ne reflète pas suffisamment notre relation économique » a déclaré Asif Ali Zardari à l’Agence Chine Nouvelle à la veille de son voyage. Les relations commerciales bilatérales ont connu une évolution rapide ces dernières années, évaluées à deux milliards de dollars en 2002, les échanges totalisent à présent plus de 7 milliards et les deux pays s’engagent à les porter à 15 milliards d’ici 2010. La contribution chinoise s’étend à de nombreux secteurs clefs de l’économie, tels que l’énergie et les télécommunications. Pékin est également partie prenante d’un projet d’infrastructure de grande envergure : la construction du port de Gwadar sur la côte Pakistanaise de la mer d’Oman. Ce grand port pourrait devenir à terme la porte d’entrée asiatique des hydrocarbures importés du Moyen-Orient. L’interdépendance économique est une réalité incontournable, elle se double aujourd’hui d’une nécessité stratégique plus affirmée que jamais.

Elargir les alliances dans la lutte contre le terrorisme

Suite à la mise à l’écart du président Musharraf, le gouvernement issu des dernières élections subit une pression accrue de l’allié américain, désireux de mener la guerre contre le terrorisme jusque sur le sol pakistanais. L’administration pakistanaise a multiplié les mises en garde contre les incursions menées par les forces armées américaines depuis le territoire afghan, dans la zone frontière pakistanaise, tout en menant de son côté des opérations massives contre les foyers de l’insurrection dans la Province Frontière du Nord-Ouest. En réaction à ces offensives, les combattants islamistes ont multiplié les attentats jusqu’au cœur de la capitale. Le 20 septembre, une attaque suicide contre l’hôtel Marriott a fait au moins 60 morts. A la suite de cela, les autorités ont décidé de moderniser leurs moyens de lutte contre le terrorisme, en équipant leurs forces de sécurité de nouveaux équipements. D’après des sources citées par le journal The Dawn (www.dawn.com) dans son édition du 14 octobre, Islamabad aurait choisi du matériel (scanners et armement) chinois plutôt qu’américain. Par ailleurs, les analystes pakistanais -s’ils reconnaissent que la Chine, est un allié de longue date- s’accordent à présenter le voyage d’Asif Zardari comme un signal à l’attention de l’administration américaine, sur le mode « vous n’êtes pas notre seul allié, la Chine aussi nous intéresse ». Dans le domaine de la défense, la visite du président pakistanais a été précédée fin septembre par une réunion entre le chef d’état major des armées pakistanaises, le général Ashfaq Parvez Kayani et le vice-président de la Commission Militaire Centrale chinoise afin de renforcer la coopération entre les deux pays.

Besoins d’urgence pour redresser l’économie

Mais l’urgence aujourd’hui au Pakistan, n’est pas seulement sécuritaire, elle est aussi économique et financière. Les réserves de change ont fondu le mois dernier, au point d’empêcher le pays de faire face à ses échéances concernant la dette extérieure. Pour éviter d’en arriver là, Islamabad souhaiterait obtenir une aide financière d’urgence sous forme d’un prêt préférentiel compris entre 500 millions et 1,5 milliards de dollars, à en croire le Financial Times. Le pays, déjà mis à mal par la hausse des prix des matières, aurait donc toutes les peines du monde à surmonter la crise mondiale. Pékin de son côté pourrait trouver intérêt à consolider l’alliance avec le Pakistan, principal rival de l’Inde dans la région. A tout le moins, la Chine devrait faire son possible pour éviter une aggravation des tensions régionales au confins de son territoire, craignant elle-même le développement de la mouvance islamiste à l’extrême est du pays.

Relation durable et équilibre régional

C’est dans ce contexte que se développe une coopération de plus en plus poussée sur le nucléaire civil. Alors que le pays souffre de pénuries quotidiennes dans son approvisionnement en électricité, le « plan de sécurité énergétique » pakistanais prévoit une augmentation du nombre de mégawatt de 425 megawatts produits à l’heure actuelle à 8800 mégawatts d’ici 2030. Pour l’instant, c’est la Chine qui fournit le plus gros de l’effort. La première centrale nucléaire construite grâce aux chinois produit 300 mégawatts. Une autre centrale de même capacité est en cours de construction. Quant à la suite du programme, il devrait faire l’objet de discussions au cours de la visite du président Zardari. Chinois et Pakistanais sont particulièrement motivés depuis la signature des accords sur le nucléaire civil entre les Etats-Unis et l’Inde le 11 octobre dernier. Cet accord historique qui met fin à trois décennies de sanctions américaines à l’encontre de l’Inde, puissance nucléaire non membre du Traité de non prolifération, aura sans doute contribué à souder un peu plus la Chine et le Pakistan, préoccupés par ce rapprochement indo-américain.

http://www.rfi.fr/actufr/articles/106/article_73486.asp
 
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