Peuvent-ils cohabiter ?
Le Palais face à une éventuelle victoire du PJD aux législatives du 25 novembre 2011
Vendredi 25 novembre 2011. Tard dans la soirée, dans la salle de presse du ministère de lIntérieur remplie par des dizaines de journalistes étrangers et nationaux, la rumeur enfle: Il ont gagné! Le PJD va diriger le gouvernement! Dans limmeuble voisin, siège des officiels de ce département, cest la grande surprise. Il y avait bien des sondages et des tendances, mais il semblait tout de même que rien nétait vraiment joué.
Scénariofiction? La qualification se discute et aucune réponse univoque ne peut être donnée. Cest létat de choc. Lalerte politique mais pas seulement? est générale. Que faire des résultats de ce scrutin? Rien, sinon en prendre acte et en tirer non seulement les conséquences politiques, mais aussi les implications contraignantes. Un cas de figure comme celui du 11 janvier 1992 en Algérie est impensable. On se souvient quau lendemain du premier tour des élections législatives, le 19 décembre 1991, larmée algérienne a interrompu le processus électoral pour faire barrage à larrivée du Front islamique de Salut (FIS). Le président en fonctions, Chadli Bendjedid, était déposé le jour même. Cest un schéma classique dun coup dEtat on lappelle un prononciamento- de la junte des généraux.
Rien de semblable nest, évidemment, à redouter au Maroc si une même occurrence se produisait. Les Forces Armées Royales sont une armée patriotique, loyaliste et légitimiste, placées quelles sont sous le commandement suprême de S.M le Roi. Rien à signaler donc de ce côté-là. Réguler londe de choc Sagissant maintenant du Souverain, son attachement à la démocratie et, partant, à lexpression populaire ne peut être contesté par personne. Au surplus, gardien dune application bien comprise de la Constitution, il aura à coeur de faire jouer, en pareille circonstance, les dispositions de larticle 47 (al.I) de la nouvelle loi suprême massivement ratifiée par le peuple marocain lors du référendum du 1er juillet 2011. Et de désigner un dirigeant issu du PJD aux fonctions de Chef du gouvernement. Cest pratiquement le schéma turc qui est mis en vigueur.
Par hypothèse, voilà un nouveau cabinet en place dans les semaines qui suivent, après sa désignation par le Roi puis son investiture par la Chambre des Représentants (art. 88). Londe de choc est totale, au dehors et au dedans. Comment la réguler puisque, pour la première fois depuis lindépendance voici plus dun demi-siècle, le Royaume se trouve confronté à une situation inédite, sismique même, pouvant ébranler ses fondements et le conduire à un grand saut dans linconnu.
Du côté de lUnion Européenne, à Bruxelles, les déclarations faisant état de la prévalence de la démocratie un exercice convenu en la matière dissimulent mal les interrogations et les inquiétudes: quelle continuité avec Rabat? Interrogations et inquiétudes Comment va se décliner le Statut avancé accordé au Maroc depuis octobre 2008? Déjà que lhypothèque de limprobable adhésion de la Turquie pèse sur les rapports entre lEurope chrétienne et un grand pays musulman, voilà quun pays de la rive sud de la Méditerranée comme le Maroc volontiers présenté comme une exception- se place sous létendard du drapeau vert. A Paris et Washington, cependant, bien des nuances sont apportées à une certaine vulgate européenne.
à suivre