kamomille
VIB
Article tire su blog suivant : http://passouline.blog.lemonde.fr/2008/09/21/philip-roth-hante-par-le-point-final/
Un écrivain prend toujours des risques à annoncer quil nécrira plus. Peter Handke la fait récemment, on verra si il tient. A loccasion de la parution de son nouveau roman Indignation aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, Philip Roth, 75 ans, vient den faire autant au cours dun récent entretien accordé chez lui dans le Connecticut à Robert McCrum du Guardian, après un bon demi-siècle de vie littéraire, des journées et des soirées entières à écrire toute lannée et 29 livres au compteur. On ne dira pas quil sest laissé aller, happé par la conversation, ni que sa pensée a été interprétée ; le journaliste précise en effet, ce qui est assez surprenant, que lentretien était extrêmement contrôlé, ses questions soumises à lavance, la retranscription soigneusement relue par lintéressé, son agent et son service de presse.
Indignation, quil présente comme quelque chose entre la novella et la novelette et non comme un roman contrairement à son éditeur (230 pages, tout de même), est lhistoire dun ancien combattant blessé à la guerre de Corée, un garçon dont la biographie emprunte de nombreux jalons à celle de lauteur ; cela nétonnera guère ceux qui se souviennent quaux yeuxde Roth, il nest pas dindividu plus intéressant que lui-même. Je nest pas un autre, je nest autre que moi, il ne cesse de le revendiquer. Si ça a lair dune prosopopée, elle est ambiguë car le cadavre nen est pas tout à fait un : sous morphine, il se croit mort (lire un extrait du premier chapitre). Le procédé est loin dêtre inédit et on ne pourra sempêcher de penser au héros de Dalton Trumbo qui a hanté durablement tout lecteur (1939) et tout spectateur (1971) de Johnny got his gun. On y trouve recyclés des thèmes, des situations, des personnages de ses précédents romans, procédé récurrent dans son oeuvre, ce qui na pas gâté le plaisir de Peter Kemp du Sunday Times qui convoque la tragédie grecque pour louer cette fable de la némésis, ni celui de David Gates dans le New York Times pour qui le romancier a franchi les limites de linconnaissable ; même limplacable Michiko Kakutani du même journal sest laissée prendre. Dans leur ensemble, les critiques sont toujours aussi admiratifs de son métier, de sa technique, de sa profondeur et, pourquoi le dissimuler, de sa roublardise. Rare note discordante dans le concert, mais de poids, celle de Christopher Hitchens ; lui qui fut longtemps un inconditionnel, il lui reproche dans The Atlantic monthly, de cracher sur sa jeunesse en reprenant les mêmes rengaines : Tant defforts pour si peu deffet
Roth ne connaît pas de plus beau mot quindignation dans la langue anglaise. Mais on peut compter sur lui pour écrire tout un livre à seule fin de montrer que cela veut dire bien autre chose que ce que cela dit. Daprès Robert McCrum, nul mieux que la biographe Hermone Lee na résumé le double jeu au coeur de ses livres : des histoires dans des vies, des vies dans des histoires. Dans celui-ci, le narrateur contemple sa fin annoncée tout en examinant sa jeunesse. Ce nest pas un hasard si les pages dIndignationsont hantées par ses lectures dadolescent (Sherwood Anderson, Mark Twain, Thomas Wolfe, Dos Passos). Ces dernières années, il a entrerré ses amis Saul Bellow, William Styron, Richard Widmark, Arthur Miller Si sa capacité à sexposer a longtemps oscillé entre linvisibilité dun J.D Salinger et le tapage dun Norman Mailer, lécrivain séculier semble sêtre fait de plus en plus régulier, jamais aussi heureux que seul dans sa bibliothèque.
Il ne lit plus, désormais : il relit. La peste de Camus, Tourgueniev, Conrad. Sans oublier Shakespeare et Orwell quil place au plus haut. Cest peut-être par crainte de se réécrire quil a annoncé sa décision de ne plus écrire. Si ce nest le crépuscule dun grand écrivain mélancolique, ça y ressemble fort. Le suicide sera central dans son prochain livre, encore une novelette, quil vient juste de terminer. Mais le problème avec ces courtes distances, cest quelles sont vite emballées. Roth dit chercher désormais un sujet pour un grand roman qui le mènera jusquau bout de la route afin de mettre le point final à sa vie rêvée en même temps quil sera mis un point final à sa vie.
Un écrivain prend toujours des risques à annoncer quil nécrira plus. Peter Handke la fait récemment, on verra si il tient. A loccasion de la parution de son nouveau roman Indignation aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, Philip Roth, 75 ans, vient den faire autant au cours dun récent entretien accordé chez lui dans le Connecticut à Robert McCrum du Guardian, après un bon demi-siècle de vie littéraire, des journées et des soirées entières à écrire toute lannée et 29 livres au compteur. On ne dira pas quil sest laissé aller, happé par la conversation, ni que sa pensée a été interprétée ; le journaliste précise en effet, ce qui est assez surprenant, que lentretien était extrêmement contrôlé, ses questions soumises à lavance, la retranscription soigneusement relue par lintéressé, son agent et son service de presse.
Indignation, quil présente comme quelque chose entre la novella et la novelette et non comme un roman contrairement à son éditeur (230 pages, tout de même), est lhistoire dun ancien combattant blessé à la guerre de Corée, un garçon dont la biographie emprunte de nombreux jalons à celle de lauteur ; cela nétonnera guère ceux qui se souviennent quaux yeuxde Roth, il nest pas dindividu plus intéressant que lui-même. Je nest pas un autre, je nest autre que moi, il ne cesse de le revendiquer. Si ça a lair dune prosopopée, elle est ambiguë car le cadavre nen est pas tout à fait un : sous morphine, il se croit mort (lire un extrait du premier chapitre). Le procédé est loin dêtre inédit et on ne pourra sempêcher de penser au héros de Dalton Trumbo qui a hanté durablement tout lecteur (1939) et tout spectateur (1971) de Johnny got his gun. On y trouve recyclés des thèmes, des situations, des personnages de ses précédents romans, procédé récurrent dans son oeuvre, ce qui na pas gâté le plaisir de Peter Kemp du Sunday Times qui convoque la tragédie grecque pour louer cette fable de la némésis, ni celui de David Gates dans le New York Times pour qui le romancier a franchi les limites de linconnaissable ; même limplacable Michiko Kakutani du même journal sest laissée prendre. Dans leur ensemble, les critiques sont toujours aussi admiratifs de son métier, de sa technique, de sa profondeur et, pourquoi le dissimuler, de sa roublardise. Rare note discordante dans le concert, mais de poids, celle de Christopher Hitchens ; lui qui fut longtemps un inconditionnel, il lui reproche dans The Atlantic monthly, de cracher sur sa jeunesse en reprenant les mêmes rengaines : Tant defforts pour si peu deffet
Roth ne connaît pas de plus beau mot quindignation dans la langue anglaise. Mais on peut compter sur lui pour écrire tout un livre à seule fin de montrer que cela veut dire bien autre chose que ce que cela dit. Daprès Robert McCrum, nul mieux que la biographe Hermone Lee na résumé le double jeu au coeur de ses livres : des histoires dans des vies, des vies dans des histoires. Dans celui-ci, le narrateur contemple sa fin annoncée tout en examinant sa jeunesse. Ce nest pas un hasard si les pages dIndignationsont hantées par ses lectures dadolescent (Sherwood Anderson, Mark Twain, Thomas Wolfe, Dos Passos). Ces dernières années, il a entrerré ses amis Saul Bellow, William Styron, Richard Widmark, Arthur Miller Si sa capacité à sexposer a longtemps oscillé entre linvisibilité dun J.D Salinger et le tapage dun Norman Mailer, lécrivain séculier semble sêtre fait de plus en plus régulier, jamais aussi heureux que seul dans sa bibliothèque.
Il ne lit plus, désormais : il relit. La peste de Camus, Tourgueniev, Conrad. Sans oublier Shakespeare et Orwell quil place au plus haut. Cest peut-être par crainte de se réécrire quil a annoncé sa décision de ne plus écrire. Si ce nest le crépuscule dun grand écrivain mélancolique, ça y ressemble fort. Le suicide sera central dans son prochain livre, encore une novelette, quil vient juste de terminer. Mais le problème avec ces courtes distances, cest quelles sont vite emballées. Roth dit chercher désormais un sujet pour un grand roman qui le mènera jusquau bout de la route afin de mettre le point final à sa vie rêvée en même temps quil sera mis un point final à sa vie.