Poincaré, le monde non euclidien

Un petit texte de vulgarisation de Poincaré. Riche en enseignements.

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Supposons [...] un monde renfermé dans [un grand cercle] et soumis aux lois suivantes :

La température n'y est pas uniforme ; elle est maxima au centre, et elle diminue à mesure qu'on s'en éloigne, pour se réduire au zéro absolu quand on atteint [le cercle] où ce monde est renfermé.

Je précise davantage la loi suivant laquelle varie cette température. Soit R le rayon [du cercle] limite ; soit r la distance du point considéré au centre de [ce cercle]. La température absolue sera proportionnelle à R 2 – r 2 .Je supposerai de plus que, dans ce monde, tous les corps aient même coefficient de dilatation, de telle façon que la longueur d'une règle quelconque soit proportionnelle à sa température absolue.

Je supposerai enfin qu'un objet transporté d'un point à un autre, dont la température est différente, se met immédiatement en équilibre calorifique avec son nouveau milieu.

Rien dans ces hypothèses n'est contradictoire ou inimaginable.Un objet mobile deviendra alors de plus en plus petit à mesure qu'on se rapprochera [du cercle] limite.

Observons d'abord que, si ce monde est limité au point de vue de notre géométrie habituelle, il paraîtra infini à ses habitants. Quand ceux-ci, en effet, veulent se rapprocher [du cercle] limite, ils se refroidissent et deviennent de plus en plus petits. Les pas qu'ils font sont donc aussi de plus en plus petits, de sorte qu'ils ne peuvent jamais atteindre [le cercle] limite.Si, pour nous, la géométrie n'est que l'étude des lois suivant lesquelles se meuvent les solides invariables ; pour ces êtres imaginaires, ce sera l'étude des lois suivant lesquelles se meuvent les solides déformés par ces différences de température dont je viens de parler. [...] Qu'on me permette pour abréger le langage, d'appeler un pareil mouvement déplacement non euclidien.

Ainsi des êtres comme nous, dont l'éducation se ferait dans un pareil monde, n'auraient pas la même géométrie que nous. [Si ces êtres imaginaires] fondent une géométrie, [...] ce sera la géométrie non euclidienne.
 
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