Portrait : Abduqadir Jalalidin, personnalité Ouïghoure

Drianke

اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
Contributeur
Écrit par Nina Gateloup
« Je suis sans autre désir que de rester en vie,
Mes pensées silencieuses me tourmentent et me laissent impuissant. »


Ces quelques vers nous parviennent d’une figure intellectuelle ouïghoure, Abduqadir Jalalidin emprisonné, depuis le 29 janvier 2018, en « camp de rééducation politique » avec son épouse Jemile Saqi.

Ce poème intitulé « Yanarim yoq », traduit en français : Sans chemin de retour, symbolise l’évasion d’une parole ouïghoure persécutée par le gouvernement chinois. En effet, ce dernier met en œuvre de drastiques mesures aux fins de réduire au silence la culture ouïghoure.

Les vers d’Abduqadir Jalalidin expriment à la fois une volonté individuelle de survivre au camp mais symbolisent également la volonté de perpétuer la parole et plus largement la culture ouïghoure.

Sans chemin de retour est un ultime acte de résistance de la part de ce professeur de l’Université Normale du Xinjiang, qui s’est battu à travers ses enseignements pour la préservation et la transmission de la culture et de l’identité ouïghoures. Cette dimension politique est notamment soulignée par le politologue Christian Le Bart qui affirme le fait que « la poésie est d’abord politique parce qu’elle est au cœur des processus de construction identitaire ». Ainsi, face à la volonté de destruction identitaire, la poésie d’Abduqadir Jalalidin peut être interprétée comme une ode à la survie d’un individu et à la mémoire culturelle ouïghoure.

Publiés l’été dernier dans le New York Times, les vers d’Abduqadir Jalalidin incarnent une évasion symbolique de la parole ouïghoure, donnant ainsi à lire la voix de millions de personnes emprisonnées au sein de ces camps de concentration.

Poème
Sans chemin de retour
Je suis seul dans un coin, sans mon amour,
Je fais des cauchemars, sans mon amulette,
Je suis sans autre désir que de rester en vie,
Mes pensées silencieuses me tourmentent et me laissent impuissant.
Qui étais-je autrefois, que suis-je devenu, je ne peux le savoir,
À qui pourrais-je raconter les désirs de mon cœur, je ne peux le dire,
Je ne saurais deviner le tempérament de mon destin,
Ô mon amour j’ai envie d’aller vers toi ; je ne peux le décider.
À travers les fissures et les brèches, j’ai regardé les saisons changer,
Pour avoir de tes nouvelles j’ai cherché en vain les bourgeons et les fleurs,
Jusqu’à la moelle de mes os j’ai brûlé d’être avec toi,
Quel type d’endroit est-ce, avec un aller, sans chemin de retour.​


 
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