Potes en 83, ils votent fn en 2013

Mouloud Akkouche, Ecrivain
Publié le 30/03/2013 à 09h58


« – Les mecs de cités : que des assistés bouffant nos impôts !

– Ras-le-bol de cette racaille qui respecte pas les valeurs de notre pays !

– Pour une interdiction totale de l’islam en France ! »

Eructations xénophobes habituelles. Sauf que ces propos, entendus dans la rue, lus sur le Net, proviennent aussi de Français maghrébins. Des citoyens issus de l’immigration aussi radicaux que les identitaires.
De plus en plus, des Maghrébins ou Africains d’origine affichent leur vote FN.
Pourquoi ce vote contre soi ?

Peut-être parce que leur reflet dans le miroir ressemble à celui de quelques lascars pourrissant la vie des quartiers populaires, ou aux profils de certains barbus-intégristes « bouffeurs » de laïcité.
Une laïcité à ne jamais brader !
Pas facile de se raser ou se maquiller chaque matin devant un visage aussi négatif, pointé du doigt en permanence.

Comment échapper à cette culpabilité ? Prouver que, malgré la ressemblance physique, ils ne brûlent pas de voitures, ne dealent pas, ne lapident pas des femmes, ne portent pas de ceinture d’explosifs, ne pissent pas dans l’ascenseur… Bref, qu’ils n’emmerdent pas leurs contemporains. Une bagarre quotidienne usant même les plus intelligents.

Les potes : dindons de la force tranquille ?
Parmi ces nouveaux électeurs du FN, des quinquas ayant voté pour la gauche en 81. Génération des « potes », qui se sent sacrifiée. Trois décennies plus tard, la main jaune transformée en poing… dans la gueule du « p’tit peuple », des cités et d’ailleurs. Mixité sociale et culturelle, droit de vote des étrangers aux élections locales... Que reste-t-il ?

Et que deviennent les utopistes qui, dans les années 1980, ont fait un rêve avec une main jaune, aux sons des Gibson de J-J. Goldman etTéléphone ? Quelques-uns sont actuellement au pouvoir. Tous, anonymes ou people, vivant à la périphérie ou en centre-ville, ont un point en commun : avoir eu vingt ans dans les années 1980.

Mais beaucoup d’entre eux, restés dans leur quartier d’enfance, enfants d’immigrés des anciennes colonies, se considèrent comme cocufiés par la gauche (entendu dans un bistrot : « Ils s’occupent des pédés et gouines mais pas du droit de vote de nos darons ! »).

Après les bras anesthésiants de la religion, ils tombent dans ceux de Marine. Le FN : parti du grand écart capable d’accueillir tous les antis : « sémites », « arabes », « musulmans », « homos », « bobos », « PS », « UMP »… Accédera-t-il au pouvoir avec les voix de ceux qu’il veut réduire au silence ?

Moins d’avenir que leurs parents immigrés ?
Et si l’actuel secrétaire national du PS ainsi que la promo « Voltaire »venaient à l’improviste visiter les « potes d’avant » quelque peu désabusés ? Le GPS les mènera de Bobigny à Villeurbanne en passant par Vénissieux (lieu de naissance de la marche pour les droits, qui fête ses trente ans). Plus explicite que n’importe quelle note de synthèse pondue par un brillant collaborateur.

Ces « vieux potes » désœuvrés dans leurs quartiers d’enfance, surtout des hommes – vivant parfois chez leur mère –, sont-ils dans une totale misère ? Aucun ne meurt de faim. Leur souci essentiel est l’absence de boulot.

Mais sans dédouaner certains d’une complaisance victimaire et adeptes du « c’est la faute des autres », ils sont, en plus du poids de la morosité ambiante, englués dans des zones de plus en plus sacrifiées. Réserves des porteurs – naïfs – de la main jaune ?

Nourris à l’école laïque et républicaine, ils ne pensaient pas reproduire la résignation de leurs ascendants, comme dans « Elise ou la Vraie Vie ». En 2013, leur situation est semblable ou pire que celle de leurs parents. Et sans pouvoir revendiquer la construction des infrastructures de ce pays. Ni offrir un avenir à leurs gosses.


http://blogs.rue89.nouvelobs.com/mo...3/30/potes-en-83-ils-votent-fn-en-2013-229901
 
R

Rorschach

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C'est toujours intéressant de se pencher sur le cas de ces Français d'ascendance africaine qui votent FN.

Il y a chez ces personnes une dimension psychologique, bien plus profonde et complexe que celle des autres électorats, à analyser.
 
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