Quarante ans après, l'incroyable histoire de "l'archipel du goulag"

Drianke

اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
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On réédite le chef-d'oeuvre de Soljenitsyne, accompagné d'un témoignage exclusif de sa femme.

Extraits



Alexandre Soljenitsyne en 1974, avant son exil en Suisse (DR)


Dans les dernières années de sa vie, Alexandre Soljenitsyne a dû admettre, mélancolique, que les jeunes générations ne parvenaient plus à lire «l'Archipel du Goulag». Les étudiants occidentaux comme les lycéens russes, lui disait-on, calaient devant l'ampleur du texte. C'est qu'à moins d'être rentier, avouons-le, il faut bien trois mois de lecture soutenue pour terminer les deux volumes jaunes et bien tassés de la traduction française, publiés au Seuil en 1974, avec leurs énormes paragraphes pleins de sigles, d'anecdotes disparates, d'énumérations exhaustives, de digressions soudaines, le tout composé en un corps aussi minuscule que le destin d'un pauvre zek dans le gigantesque enfer sibérien.

Soljenitsyne avait donc demandé à sa femme Natalia de condenser, «pour les écoles», les soixante-quatre chapitres de son maître livre. En 2010, deux ans après la mort de son mari, celle-ci a publié en Russie une version abrégée de «l'Archipel», que nous pouvons découvrir aujourd'hui dans une première édition poche.

Rappelons l'histoire du livre. A la fin de l'été 1973, le KGB arrête à Leningrad une certaine Elizabeth Voronskaïa, occupée à taper sur sa machine à écrire le manuscrit de «l'Archipel», que Soljenitsyne a écrit dans des conditions rocambolesques, à partir de 227 témoignages de rescapés des camps russes. Après cinq jours d'un interrogatoire éprouvant, Voronskaïa, rentrée chez elle, se pend. Soljenitsyne n'a plus le choix: il ordonne la publication du livre à l'Ouest. Il précise dans un avant-propos glaçant:

""Le cœur contraint, je me suis abstenu des années durant de faire imprimer ce livre pourtant achevé. Le devoir envers ceux qui étaient encore en vie l'emportait sur celui envers les morts. Mais aujourd'hui que, de toute façon, la sécurité d'Etat s'est emparée de l'ouvrage, il ne me reste plus rien d'autre qu'à le publier sans délai. ""

Une première partie du texte paraît à Paris, en russe, chez YMCA-Press. C'est immédiatement une déflagration planétaire. Mais qui a vraiment pu la lire ? Habituée à des tirages confidentiels, la petite maison d'édition vend d'emblée 50 000 exemplaires du tome 1, dont une bonne partie à des Français qui ne lisent pas le russe, mais se targuent de posséder l'objet du moment.

La traduction française ne sortira qu'en juin 1974. Le scandale ne l'attendra pas : dès janvier, les intellectuels et les politiques se lancent dans la baston. Soljenitsyne est qualifié par le Parti et la presse communiste de «pourriture», «fasciste», «moujik rétrograde», «vieux singe», «traître», «répugnant reptile». Dans un long communiqué, Marchais dénonce une «campagne antisoviétique» destinée à dissimuler les excellentes récoltes de blé en URSS (222 millions de tonnes en 1973, sachez-le).

Soljenitsyne n'est pas le premier à écrire le Goulag. Chalamov, pour ne citer que lui, a publié ses «Récits de la Kolyma» en 1966. Avec une mauvaise foi effarante, les mêmes caciques staliniens qui persécutent Chalamov en profitent pour affirmer que «l'Archipel» ne contient rien de neuf, que c'est du réchauffé, alors qu’il s’agit tout simplement de la première histoire complète de la répression soviétique. Ils accusent l'auteur d'admirer le général Vlassov, passé côté allemand pendant la guerre, et donc d'être un crypto-nazi.

A Moscou, Brejnev ne sait pas quoi faire. Le monde entier regarde. Soljenitsyne a reçu le prix Nobel en 1970. On ne peut pas se contenter de l'estourbir à la nuit tombée. Le Politburo se réunit sept fois avant de l'exiler. L'écrivain part pour Zurich. «L'Humanité» titre: «Soljenitsyne fait du tourisme en Suisse».

Le 4 mars, un sondage de la Soffres affirme que 60% des électeurs communistes approuvent la démarche de Soljenitsyne. Les touristes amènent l'ouvrage par valises en URSS, où les douaniers demandent: «Rien à déclarer ? Pas de pornographie ? Pas de Soljenitsyne ?» L'affaire empoisonne les rapports entre le PS et le PC, réunis autour d'un programme commun qui n'y survivra pas longtemps. Le Parti entame sa dégringolade. Mitterrand louvoie, et se fend d'une déclaration aussi diplomatique que perfide: «Le plus important n'est pas ce que dit Soljenitsyne, mais qu'il puisse le dire.» «L'Obs» prend parti pour l'écrivain de manière tonitruante. Jean Daniel écrit:

""Ceux qui approuvent la mesure de bannissement dont Soljenitsyne a été la victime, ceux qui s'y résignent, ceux qui estiment que le salut des Chiliens torturés, des Espagnols opprimés ou des travailleurs européens exploités passe par la réalisation d'une société où l'on peut bannir un Soljenitsyne, tous ces hommes ne sont pas des nôtres.""

Les trotskistes sont gênés parce que Trotski est décrit dans le livre comme une crapule lâche et sanguinaire. Les intellos de gauche chantournent leurs soutiens à Soljenitsyne de précautions rhétoriques. Mitterrand aura encore besoin du PC, mais entre socialistes et communistes la lézarde antitotalitaire achève de se creuser. Le mot «Goulag» entre pour de bon dans le langage courant.

Quand, au mois de juin, le Seuil annonce enfin la parution d'une traduction, on raconte que Soljenitsyne est à Paris. Léon Zitrone est en direct de la rue Jacob et commente, surexcité, le passage du moindre stagiaire, comme si l’écrivain allait sortir sur le dos d’une vachette d'«Intervilles».

Quarante ans après ce psychodrame, pourquoi replonger dans les «canalisations» infernales de «l'Archipel» ? D'abord parce que le texte, seul représentant d'une catégorie littéraire manquante, est un chef-d'œuvre aussi poignant que drôle, aussi austère qu'épique. Ensuite parce que, comme le dit l'historienne Anne Applebaum, et contrairement à ce que la horde post-stalinienne a meuglé pendant des décennies,

""ce qui frappe, ce n'est pas qu'il y ait, dans ce livre, des erreurs factuelles, c'est qu'il y en ait si peu, sachant qu'il n'avait accès ni aux archives, ni aux documents officiels.""


Enfin parce que Soljenitsyne, dans une intuition géniale, décrit le Goulag comme un pays, pays dont la terrifiante Russie contemporaine est l'héritière, et que «l'Archipel» montre ce que soixante ans de barbarie font à un peuple. Citons-en le passage le plus prophétique:

Nous devons condamner publiquement l'idée même que des hommes puissent exercer pareille violence sur d'autres hommes. En taisant le vice, en l'enfouissant dans notre corps pour qu'il ne ressorte pas à l'extérieur, nous le semons. [ ...] C'est pour cela que les jeunes d'aujourd'hui sont «indifférents». Ils se pénètrent de l'idée que les actes ignobles ne sont jamais châtiés sur cette terre, mais sont toujours, au contraire, source de prospérité. Oh, comme ce pays sera inhospitalier, oh, comme il sera effrayant !



David Caviglioli
 

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Drianke

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wa selam

Tu sais que ce livre avait été censuré à sa sortie? on y apprend pas mal de choses effectivement sur l'histoire de l'URSS et du communisme qui était une création juive...comme disait je ne sais plus qui "dans les temps de tromperie, dire la vérité devient révolutionnaire"....

Tiens un lien essaie par là, une version numérique.... http://www.the-savoisien.com/wawa-conspi/viewtopic.php?pid=372

Les 2 tomes c'est environ 60 € ...un peu cher...lol



Salam

@Drianke

Il faut impérativement que je trouve "deux siècles ensemble". En format PDF il semble ne pas exister. Je vais l'acheter, il semble en valoir le "coût" ;)

Salam.
 
Salam

wa selam

Tu sais que ce livre avait été censuré à sa sortie? on y apprend pas mal de choses effectivement sur l'histoire de l'URSS et du communisme qui était une création juive...comme disait je ne sais plus qui "dans les temps de tromperie, dire la vérité devient révolutionnaire"....

Tiens un lien essaie par là, une version numérique.... http://www.the-savoisien.com/wawa-conspi/viewtopic.php?pid=372

Les 2 tomes c'est environ 60 € ...un peu cher...lol

Drianke, ça va partir en cacahuète toi et moi, tu me lis ou quoi?! :fou: :p

Oui, je sais et pour la censure et pour le prix. Du moins de ce que j'ai pu en lire. La censure est l'une des raisons pour laquelle je veux impérativement le lire, là où la liberté d'expression est avancée tout en censurant ce qui n'aurait pas nécessairement lieu d'être se niche non pas nécessairement une vérité mais au moins une chose dérangeante. Son prix ne me rebute pas d'où le "ça en vaut le coût", la vérité ou sa recherche n'a pas de prix!

"La censure épargne les corbeaux et s'acharnent sur les colombes." :cool:

Je zieuterai ton lien plus tard, in sha Allah. Merci en tout cas pour ce qui est pour moi une découverte.

Salam.
 

Drianke

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wa selam

Non je prépare de bons mafés par contre ...hahahahahaha

Salam

Drianke, ça va partir en cacahuète toi et moi, tu me lis ou quoi?! :fou: :p

Oui, je sais et pour la censure et pour le prix. Du moins de ce que j'ai pu en lire. La censure est l'une des raisons pour laquelle je veux impérativement le lire, là où la liberté d'expression est avancée tout en censurant ce qui n'aurait pas nécessairement lieu d'être se niche non pas nécessairement une vérité mais au moins une chose dérangeante. Son prix ne me rebute pas d'où le "ça en vaut le coût", la vérité ou sa recherche n'a pas de prix!

"La censure épargne les corbeaux et s'acharnent sur les colombes." :cool:

Je zieuterai ton lien plus tard, in sha Allah. Merci en tout cas pour ce qui est pour moi une découverte.

Salam.
 
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wa selam

Non je prépare de bons mafés par contre ...hahahahahaha

Looool. C'est bon le mafé... Y a un truc que je n'aime pas, bon je ne sais pas si on le retrouve dans le mafé ou dans un autre plat "africain", c'est un truc gluant, je ne sais pas si c'est un condiment, on dirait du blanc d'œuf, ça en a la texture. Ça ne passe pas.

Sinon pour revenir à notre plat principal, ce livre, certains risquent de crier aux loups et s'insurger contre une hérésie historique! :cool:

Salam.
 

Drianke

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Contributeur
wa selam

le gombo ou le mloukhia...

Salam

Looool. C'est bon le mafé... Y a un truc que je n'aime pas, bon je ne sais pas si on le retrouve dans le mafé ou dans un autre plat "africain", c'est un truc gluant, je ne sais pas si c'est un condiment, on dirait du blanc d'œuf, ça en a la texture. Ça ne passe pas.

Sinon pour revenir à notre plat principal, ce livre, certains risquent de crier aux loups et s'insurger contre une hérésie historique! :cool:

Salam.
 
Salam

wa selam

le gombo ou le mloukhia...

C'est le gombo :wazaa:
La première fois, je me suis forcé à manger par convenance devant la femme de mon ami, mais j'en pouvais plus!
"Hum, c'est bon!"
Intérieurement "mon Dieu, c'est quoi ce truc?"
Quand je le lui ai dit, une fois seuls, il a ri et a reconnu que c'est particulier. Depuis, mafé sans gombo. Histoire sans censure. :wazaa:

Salam.
 
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