CETTE ANNÉE, LE RAMADAN a surpris les vacanciers en plein été. Catastrophe ? Pas du tout ! Je dirais même que cest une chance pour celui qui, comme moi à Hammamet, en Tunisie, sattarde encore sur les plages, peu pressé de retrouver la grisaille parisienne. Du reste, si vous voulez mimiter, je vous donne la recette dune journée dété indien à la sauce « ramadanesque ».
Dabord, vous êtes assuré de bien dormir le matin, car votre voisin, qui a mangé la bouza, crème typique du saint mois, et a veillé jusquà des heures pas possibles à jouer aux cartes, est encore dans les bras de Morphée. Lautre voisin, celui qui est allé travailler très tôt, a rejoint son bureau « un pas en avant, un pas en arrière », comme dit lexpression locale, et il sait quil ne produira pas grand-chose de la journée : ramadan sur fond de sirocco, cest un second congé qui commence Et en revenant vers 14 heures, la faim et la soif le tenaillent si fort, la chaleur est telle quil nosera plus hausser la voix ni montrer le nez. Sauf pour les courses, avec Madame, bien souvent.
Quant à vous, je vous conseille de faire un tour au Monoprix du coin dans la matinée, avant que la foule ny arrive en force. Surtout pas laprès-midi, cest la ruée, et la faim est mauvaise conseillère : elle transforme un bout de croûton dur en délicieux gâteau pour lequel le jeûneur est prêt à se battre jusquau sang. En quelques secondes, tout est raflé. Le lait ? Il ny en a plus. Le yaourt ? La marque X a été soufflée. Les oeufs ? Revenez demain matin. « Cest la pénurie ou quoi ? » proteste le « ramadanisant » prompt à sénerver. Non, mais les gens achètent plus quils ne consomment, cest tout. « Ramadan, cest fait pour sentir la faim des pauvres, pas pour se goinfrer », prêche une ménagère de 50 ans au voile ostensible qui nargue le décolleté dà côté, une militante des Femmes démocrates si ça se trouve, qui ne réplique pas. Ramadan, cest fait pour ne contredire aucune consigne dAllah, même si ça ne dure quun petit mois
À lheure de la sieste, ne craignez pas les pelleteuses du chantier tout proche, elles se sont tues. Normal, beaucoup de maçons se transforment, pendant cette période, en fabricants de feuilles de brick dont ils fournissent les petits magasins dalimentation. Entre-temps, votre voisine a quitté son bureau, où elle avait profité dun moment de fatigue du patron pour écosser à la dérobée quelques petits pois congelés depuis lhiver et jalousement gardés pour « sidi ramadan ». De retour dans sa cuisine transformée en hammam par ces grandes chaleurs, Madame est heureuse à lidée de sinstaller bientôt devant sa télé pour voir Maktoub, le feuilleton quotidien qui fait un tabac, fûtil entrecoupé de quinze minutes chronomètre en main de publicités à chaque épisode (les sadiques !)
Il est 17 heures, ça y est, vous pouvez reprendre le chemin de la plage. Que des hommes et des gamins, les femmes sont aux fourneaux. Et vers 19 heures, lorsque le coup de canon annonce la rupture du jeûne, retournez-vous, tout le monde a disparu, comme par miracle ! Vous voilà seul au milieu des vagues. Le ciel, la Grande Bleue et le fort de la médina, qui flamboie soudain au crépuscule. Jamais autant aimé les plages dHammamet
Jeune Afrique
Dabord, vous êtes assuré de bien dormir le matin, car votre voisin, qui a mangé la bouza, crème typique du saint mois, et a veillé jusquà des heures pas possibles à jouer aux cartes, est encore dans les bras de Morphée. Lautre voisin, celui qui est allé travailler très tôt, a rejoint son bureau « un pas en avant, un pas en arrière », comme dit lexpression locale, et il sait quil ne produira pas grand-chose de la journée : ramadan sur fond de sirocco, cest un second congé qui commence Et en revenant vers 14 heures, la faim et la soif le tenaillent si fort, la chaleur est telle quil nosera plus hausser la voix ni montrer le nez. Sauf pour les courses, avec Madame, bien souvent.
Quant à vous, je vous conseille de faire un tour au Monoprix du coin dans la matinée, avant que la foule ny arrive en force. Surtout pas laprès-midi, cest la ruée, et la faim est mauvaise conseillère : elle transforme un bout de croûton dur en délicieux gâteau pour lequel le jeûneur est prêt à se battre jusquau sang. En quelques secondes, tout est raflé. Le lait ? Il ny en a plus. Le yaourt ? La marque X a été soufflée. Les oeufs ? Revenez demain matin. « Cest la pénurie ou quoi ? » proteste le « ramadanisant » prompt à sénerver. Non, mais les gens achètent plus quils ne consomment, cest tout. « Ramadan, cest fait pour sentir la faim des pauvres, pas pour se goinfrer », prêche une ménagère de 50 ans au voile ostensible qui nargue le décolleté dà côté, une militante des Femmes démocrates si ça se trouve, qui ne réplique pas. Ramadan, cest fait pour ne contredire aucune consigne dAllah, même si ça ne dure quun petit mois
À lheure de la sieste, ne craignez pas les pelleteuses du chantier tout proche, elles se sont tues. Normal, beaucoup de maçons se transforment, pendant cette période, en fabricants de feuilles de brick dont ils fournissent les petits magasins dalimentation. Entre-temps, votre voisine a quitté son bureau, où elle avait profité dun moment de fatigue du patron pour écosser à la dérobée quelques petits pois congelés depuis lhiver et jalousement gardés pour « sidi ramadan ». De retour dans sa cuisine transformée en hammam par ces grandes chaleurs, Madame est heureuse à lidée de sinstaller bientôt devant sa télé pour voir Maktoub, le feuilleton quotidien qui fait un tabac, fûtil entrecoupé de quinze minutes chronomètre en main de publicités à chaque épisode (les sadiques !)
Il est 17 heures, ça y est, vous pouvez reprendre le chemin de la plage. Que des hommes et des gamins, les femmes sont aux fourneaux. Et vers 19 heures, lorsque le coup de canon annonce la rupture du jeûne, retournez-vous, tout le monde a disparu, comme par miracle ! Vous voilà seul au milieu des vagues. Le ciel, la Grande Bleue et le fort de la médina, qui flamboie soudain au crépuscule. Jamais autant aimé les plages dHammamet
Jeune Afrique