Réforme du collège : ce qui va changer pour les élèves à la rentrée

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la rose et le réséda
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Répartition du volume horaire, interdisciplinarité et traitement des langues vivantes et mortes : tout a été repensé. Revue de détail.

Emploi du temps

En 2015 : chaque collégien a au minimum 26 heures d'enseignements obligatoires par semaine ; et dès la cinquième, deux heures supplémentaires d'« itinéraire découverte », des cours interdisciplinaires. Il peut aussi choisir des options facultatives en plus.

Dès 2016 : chaque collégien aura exactement 26 heures de cours, ni plus ni moins, quelles que soient les matières qu'il choisira. Au total, un élève de troisième perdra entre 3 et 8 heures de cours chaque semaine.

Interdisciplinarité

Toute la réforme repose sur l'idée que les professeurs doivent développer des projets ensemble pour que les élèves soient plus intéressés et mettent du sens dans leurs apprentissages. Concrètement, les enseignants regrettent que cela leur soit imposé dans un carcan strict, alors qu'ils développaient souvent des projets collectifs avant. Et que ces heures d'enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) soient prises sur leurs horaires, au détriment de l'apprentissage des « fondamentaux ».

Accompagnement personnalisé (AP)

Dès 2016, les élèves de sixième bénéficieront de 3 heures d'AP par semaine, et d'une heure par semaine de la cinquième à la troisième. Ces heures seront également déduites des enseignements disciplinaires dispensés par les professeurs concernés.

Langues vivantes

En 2015 : LV1 en sixième (3 heures par semaine), LV2 en quatrième (sauf pour les classes bilingues, qui commencent leur seconde langue en sixième, et qui représentent 15 % des collégiens) (3 heures par semaine).

Dès 2016 : LV1 en CP, LV2 en cinquième.

Langues anciennes

En 2015 : si le collège le proposait, les élèves pouvaient suivre des cours de latin et de grec dès la cinquième (à raison de 2 heures en cinquième et de 3 heures en quatrième et troisième). 18 % des élèves étaient concernés.

Dès 2016 : l'enseignement de ces langues est maintenu, mais de manière allégée (une heure en moins par semaine) et extrêmement contrainte :
l'« enseignement de complément » latin ou grec ne pourra être proposé que dans les collèges disposant de l'EPI « langues et cultures de l'Antiquité ».
À charge ensuite pour l'élève de choisir cet EPI et l'enseignement de complément chaque année pendant trois ans, s'il veut suivre des cours de latin ou de grec.

http://www.lepoint.fr/societe/refor...U1Z5mBqC2wI3QyFuyoJsyfNTpUsxMcssn#xtor=EPR-6-[Newsletter-Matinale]-20160829

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les "EPI", le summum de l'absurde

Les EPI, ces "enseignements pratiques interdisciplinaires", sont destinés à croiser des cours qui n'ont a priori rien en commun. Un casse-tête ahurissant.

Dans la réforme du collège, nombreux sont les sujets qui ont été l'objet de lourdes controverses.

Mais la palme revient sans aucun doute aux EPI, ce fameux mélange de deux matières a priori sans points communs. Ils sont le symbole de cette réforme, le summum de l'absurde.

« Il y a six enseignements de ce type sur trois ans. En moyenne, cela fait six mois pour chaque EPI. Un projet interdisciplinaire sur six mois, c'est délirant ! Le cadrage administratif des EPI est très précis, mais leur contenu est vide ! » s'énerve Didier Jodin, un prof de lettres classiques de l'académie de Strasbourg. Le quinquagénaire cite en exemple cet EPI français/sport  Mon corps me raconte une histoire : « On dirait une parodie ! » s'emporte-t-il.

En théorie ne seront chargés des EPI que les professeurs volontaires.

Avec cette difficulté supplémentaire :
pour dispenser ces enseignements interdisciplinaires, les profs doivent soustraire des heures de leur temps d'enseignement « classique », réduisant celui-ci à peau de chagrin. La logique sous-jacente, selon le discours officiel servi lors des journées de formation :
« Ce n'est pas en accumulant les heures que les élèves progressent. Il faut enseigner autrement, mettre en place des EPI plutôt que des heures de cours. »

« Pourquoi casser ce qui fonctionnait ? »
Pour les chefs d'établissement, c'est un casse-tête ahurissant : ils n'ont d'autre choix que de concevoir les emplois du temps sans tenir compte des projets, mais en fixant des EPI pour que les collègues gardent leur poste en faisant le nombre d'heures qu'ils doivent pour que leur service soit complet.
Qu'importe le projet, pourvu qu'on ait les heures !
D'autant que beaucoup d'enseignants faisaient déjà depuis longtemps des enseignements conjoints… sans avoir besoin de réforme pour cela.
« Dans mon collège, la prof d'espagnol et moi avons mis sur pied des classes à thèmes photo, et la prof de sport et celle de SVT, des classes sport et santé, raconte Marie Lamfroy, professeure de lettres modernes dans la banlieue de Lyon.
Nous avions aussi une classe bilangue, qui nous permettait d'organiser des échanges avec un collège allemand, mais cela ne sera plus possible », regrette-t-elle.

Même constat pour Agnès : « Je faisais de l'interdisciplinarité avec une prof d'histoire-géo dans une classe européenne.
Des élèves défavorisés ont été tirés vers le haut et ont réussi à intégrer de prestigieux lycées parisiens grâce à cela. Des jeunes d'origine étrangère, ou des boursiers, pour qui les voyages que l'on organisait étaient bien souvent les premiers séjours à l'étranger.

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suite et fin

Signe des temps, les voyages sont devenus des déplacements scolaires dans les textes officiels. Pourquoi casser ce qui fonctionnait ? » déplore-t-elle, en voyant détruit ce qu'elle a construit en vingt années de carrière.

« C'est Bienvenue à OK Corral »
Autre interrogation soulevée par la réforme :
le latin. « Le décret est si confus qu'il est appliqué de manière différente selon les académies, explique un enseignant de lettres classiques.

Par exemple, la directrice générale de l'enseignement scolaire, Florence Robine, affirme que l'enseignement de complément latin ne peut exister que si le collège propose l'EPI Langue et culture de l'Antiquité ; mais dans l'académie de Strasbourg, on dit que le latin peut compléter n'importe quel EPI. Qui croire ? »

Sans compter que le latin, tout comme le grec, n'est plus une « option », mais un « enseignement de complément ».

Difficulté supplémentaire :
pour avoir la possibilité de dispenser un cours de latin ou de grec, les profs de lettres classiques sont obligés d'assurer un EPI Culture et langue ancienne. Sans quoi, le cours ne pourra pas être ouvert. Et si ces profs refusent l'EPI, les voilà forcés à ne faire que des cours de français, en lieu et place de leurs anciennes heures de latin ou grec.

Mais que faire, dès lors, des quelque 3 000 profs de lettres qui vont se retrouver en concurrence avec ceux de lettres classiques ?

« C'est Bienvenue à OK Corral, déplore Robert Delord, professeur de lettres classiques et membre du collectif Arrête ton char.
Qui va accepter de donner un peu de ses heures disciplinaires pour que le latin subsiste ?

Car l'EPI Langue et culture de l'Antiquité ne sera pas nécessairement dispensé par un prof de langues classiques :

le prof de musique, de SVT ou de sport peut très bien l'assumer.

<Sans rire.> :eek: Beau péplum en perspective !

lepoint

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Réforme du collège : voyage en absurdie

Les enseignants s'arrachent les cheveux face aux nouvelles directives. Même les formateurs et les inspecteurs semblent n'y rien comprendre. Par Louise Cuneo

Ce jour-là, pour présenter la réforme, trois inspecteurs, une chef d'établissement et un envoyé du rectorat étaient sur l'estrade. C'est ce dernier qui a pris la parole. Et a commencé par flatter l'auditoire avec cette phrase : « Vous êtes des ingénieurs, des bac + 5. » « Il a ensuite tenté de démontrer que cette réforme n'avait absolument pas pour but de faire des économies. Tout en nous expliquant que les mesures idéales ne pouvaient être prises, faute d'argent », se souvient Marie. Une des inspectrices a pris le relais : « Elle était extrêmement agressive, elle nous réprimandait dès qu'on posait des questions, en répondant à coups de virevoltes rhétoriques. »
Jusqu'à l'absurde : « Ce n'est pas à nous de vous armer pour appliquer la réforme, nous ne sommes là que pour vous donner des clés ! »

« Gargantua, Emma Bovary... mangent-ils équilibré ? »
Le plus surprenant restait à venir, avec l'explication des EPI, ces enseignements pratiques interdisciplinaires destinés à croiser des cours qui n'ont a priori rien en commun.

Et les formateurs de suggérer que deux enseignants, l'un de sciences de la vie et de la terre (SVT) et l'autre de lettres modernes par exemple, pourront l'an prochain se retrouver à travailler ensemble autour d'un sujet commun : « Gargantua, Emma Bovary… mangent-ils équilibré ? » (sic).

À l'énoncé de cet exemple érigé en modèle, Marie et tous ses voisins ont été stupéfaits. L'une des inspectrices a poursuivi la présentation du Powerpoint : « Vous pourriez mettre en place un exercice de réécriture de menu mangé par Gargantua, façon bio… »

À la lecture du document rétroprojeté, il apparaissait clairement que les deux enseignantes de français et de SVT qui avaient rédigé ce sujet n'avaient pas réussi à se mettre d'accord, puisqu'une autre problématique sur « les enjeux de l'alimentation » était également notée. Deux titres étaient même suggérés : « Je me nourris, tu te nourris, il se nourrit » ou « Faut-il manger végétarien à la cantine ou pas ? ».

Marie était consternée : « Je n'ai pas su comment réagir : au-delà de la syntaxe douteuse, c'était tellement creux sur un plan littéraire… » Puis le débat a repris, le Powerpoint ne déterminant pas s'il fallait proposer cet EPI « SVT-français » en 4e ou en 3e. Marie a alors osé une question : « Comment trouver un lien entre les thèmes d'EPI et le programme des deux disciplines ? » Pour une fois, les intervenants du jour étaient d'accord : « Vous êtes censés prendre vos distances avec les programmes. Avec la réforme, vous n'êtes plus leur esclave ! »
« Vous n'avez qu'à changer de métier ! »



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suite et fin

Dans la salle, certains étaient bouche bée, d'autres atterrés, la plupart n'écoutaient plus du tout. Quelques professeurs vociféraient. Les formateurs ont continué leur exposé, en parlant du cadre horaire : « Sur deux périodes de deux heures par semaine, dont certaines en co-animation… »

Le chef d'établissement juché sur l'estrade a interrompu ses collègues : « Cette co-animation prendrait beaucoup trop d'heures sur la répartition globale, c'est inenvisageable ! » À la fin des trois jours de formation, Marie s'est étonnée de ne toujours pas avoir de précisions sur la mise en place de la réforme.
Réponse de la formatrice : « Si cela ne vous plaît pas, vous n'avez qu'à changer de métier ! »

la suite sur http://www.lepoint.fr/societe/refor...NUwYAwDSDHrNnq675LYhzSgFmIVG9Fwwv#xtor=EPR-6-[Newsletter-Mi-journee]-20160830

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