La réincarnation est-elle compatible avec l’islam ?
Écrit par Fethullah Gülen
04-07-2008
La réincarnation se réfère à la doctrine selon laquelle l’âme d’un mort passe dans un autre corps qu’elle quitte aussi à sa mort pour passer dans un autre, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucune raison pour elle de faire cela. Ceci est incompatible avec l’islam.
Il est possible de trouver la croyance en une certaine forme de réincarnation dans presque toutes les sociétés, qu’elles soient primitives ou développées. Des variantes existent suivant les différences locales et régionales dans la foi et la culture populaire. Dans les sociétés matérialistes, où la culture officielle nie la vie spirituelle, il est presque à la mode dans certains cercles d’avoir une telle croyance pseudo-religieuse – que ce soit sérieux ou pas – selon laquelle les âmes des morts errent, prennent parfois une forme physique, et peuvent influencer les vivants jusqu’à ce qu’ils s’installent dans leurs nouveaux corps.
Un argument avancé pour prouver l’antiquité de cette doctrine est la « preuve » trouvée dans la littérature antique, telle que les légendes d’Ovide (mort en 18 après J.-C.) où les « dieux » prennent des formes humaines et animales, les humains assument des formes différentes, et ainsi de suite. Mais ces contes ne constituent pas une doctrine. La doctrine proprement dite n’a rien à voir avec les changements de forme, mais avec la croyance qu’une âme individuelle doit passer par chaque niveau de création et chaque espèce de forme de vie, qu’elle soit animée ou inanimée, sensible ou insensible.
Si nous réfléchissons un peu, nous comprendrons vite que cette doctrine est vraiment une élaboration étrange sur l’immortalité de l’âme. En d’autres termes, son essence est que l’âme est immortelle. Cette essence est vraie, le reste ne l’est pas. La doctrine a peut-être émergé à la suite d’observations des similitudes physiques et autres entre les parents et leurs progénitures. Est-il raisonnable d’obscurcir les phénomènes biologiques logiques de l’hérédité et de la génétique avec la doctrine illogique de la réincarnation ?
On dit que cette doctrine apparut dans le bassin du Nil puis fut promulguée à d’autres pays tels que l’Inde et enfin revint à la Grèce. Là, l’éloquence des philosophes grecs classiques la rationalisa en une source de consolation et d’espoir pour les hommes qui, comme nous tous, aspiraient à l’éternité. Elle pénétra le judaïsme par l’intermédiaire des kabbalistes, le christianisme par les penseurs juifs, et l’islam par les idées de certains soufis – malgré les efforts des théologiens musulmans pour la réfuter.
Les apologistes proposent quelques « preuves ». Par exemple, les kabbalistes mentionnèrent la transformation de Niobé (mentionné dans l’Ancien Testament) en une sculpture de marbre, et de l’épouse du Prophète Loth en une statue de sel. D’autres se référèrent à la transformation littérale de certains juifs en singes et en porcs.
Un autre argument explique l’instinct et l’intelligence chez les animaux, ainsi que les splendeurs du royaume végétal par la supposition qu’ils sont les produits d’une intelligence et d’une vitalité autrefois humaines. Cette idée rabaisse l’humanité et couvre de honte ses adhérents. Nous savons tous qu’il y a un programme et un destin prédéterminé pour les plantes et les êtres inanimés, mais faire remonter l’harmonie et l’ordre que nous voyons dans ces royaumes jusqu’aux âmes autrefois humaines est plutôt forcé. Par exemple, les plantes ont une certaine vie végétale : une tendance à croître en direction de la lumière et de l’humidité. Comment peut-on interpréter cela par la supposition que sa vie résulte d’une âme humaine qui d’une certaine façon se serait frayée un chemin vers un niveau de création plus bas ?
En dépit des efforts pour corroborer cette assertion, personne n’a jamais reçu de message d’une plante confirmant qu’elle contient l’âme d’un ancien être humain. Et nous n’avons pas non plus entendu le récit de quelqu’un prétendant qu’il était auparavant l’âme d’une plante ou d’un animal. Les médias ont fait de la publicité à quelques récits de personnes rappelant leurs prétendues vies passées et racontant même des incidents spécifiques. Cependant, dans les cas où de telles assertions ne sont pas totalement absurdes, elles peuvent être expliquées en tant que souvenirs de ce qui a été vu ou lu puis, sciemment ou non, élaboré et transformé. En bref, de tels récits ne sont guère plus que d’ordinaires fictions humaines.
Le fait que Niobé et l’épouse de Loth aient été transformés en statues de marbre ou de sel, même si cela est accepté littéralement, ne prouve pas la réincarnation. Ce que nous avons ici est seulement une transformation physique, non pas une transmigration d’âme.
Quant aux corps pétrifiés, ce n’est pas un phénomène impénétrable. Beaucoup de ces corps ont été trouvés, préservés par la sécheresse absolue des cendres volcaniques. Pompéi a été détruite en 79 après Jésus-Christ par l’éruption volcanique soudaine du Vésuve et resta enterrée pendant des siècles. Des excavations récentes ont révélé de nombreux corps pétrifiés semblables à celui de Niobé. Dans ces ruines, et sur les visages et les corps pétrifiés, qui étaient si occupés par leurs vices et si sûrs dans leur arrogance, nous pouvons, si nous le voulons, lire les signes du courroux et de la punition de Dieu. Peut-être leur façon de vivre a été solidifiée en cendres et ainsi préservée pour servir d’avertissement aux générations futures. Interpréter cela comme preuve de la réincarnation est intenable.
La croyance en la réincarnation en Égypte, en Inde et en Grèce se développa à partir d’une version déformée de la croyance, autrefois ferme, en l’Au-delà et le désir ardent de l’âme pour l’immortalité. Ni dans l’Égypte d’Akhenaton ni dans la Grèce de Pythagore, personne n’avait entendu parler d’une idée aussi absurde.
Selon Akhenaton (mort en 1362 avant J.-C.), quand la vie de quelqu’un finit dans ce monde, une différente vie commence au Paradis. Dès qu’on meurt, l’âme commence son voyage pour atteindre la « Cour Suprême » dans le Ciel. Elle va si haut qu’elle atteint la présence d’Osiris, et espère se présenter elle même en ces termes : « Je suis venu à Ta présence car j’étais exempt de péchés. Durant toute ma vie, j’ai fait tout ce que je pouvais pour plaire aux personnes dévouées. Je n’ai pas versé de sang ou volé. Je n’ai pas fait de mal ni voulu en faire. Je n’ai pas commis l’adultère ou la fornication. » Ceux qui peuvent parler ainsi rejoignent la congrégation d’Osiris, alors que ceux qui ne le peuvent pas, et dont les mauvaises actions surpassent les bonnes, sont jetés en Enfer et torturés par des démons.