FPP75
VIB
Très intéressant !
Si la plupart des grands groupes ont conclu des accords sur la diversité, le fait religieux reste une question sensible dans l'entreprise. Faute de repères, les managers sont souvent désarmés, et les DRH peinent à mettre en place des politiques claires sur le sujet.
Comment réagir lorsqu'un salarié chargé de préparer les plateaux repas d'un avion refuse de toucher les fioles d'alcool parce qu'il est musulman ? Que faire lorsqu'une responsable de communication ne veut plus répondre au téléphone après 16 heures un vendredi pour cause de shabbat, alors même qu'elle est chargée de préparer la convention annuelle du week-end ?
Interdits alimentaires, port du voile ou de la kippa, fêtes religieuses, prières dans l'entreprise... autant de questions qui laissent un nombre croissant de managers démunis. Car, d'un point de vue strictement légal, la laïcité ne s'applique que dans la fonction publique. Et « la liberté religieuse est la règle au sein de l'entreprise privée », a rappelé la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde), en avril dernier.
Une frontière ténue
Si le prosélytisme est banni, l'employeur n'en est pas moins tenu d'accepter certaines pratiques. Exemple, lorsqu'un salarié musulman ou juif souhaite prendre un congé pour célébrer l'Aïd ou Yom Kippour, son employeur devra accepter ou justifier son refus avec des éléments attestant de la possible perturbation induite par ce congé. Car c'est là la limite : les pratiques religieuses ne doivent pas gêner l'organisation du travail, aller à l'encontre des règles d'hygiène et de sécurité ou constituer un frein à la performance du groupe. Un garçon de café qui refuserait de servir des femmes ou un boucher de supermarché qui rechignerait à manipuler de la viande de porc s'exposent donc à des réprimandes. « Le salarié refuse alors d'exécuter une partie de sa mission professionnelle. Ce n'est pas acceptable, remarque Benjamin Blavier de l'association IMS-Entreprendre pour la Cité, fondée par Claude Bébéar. Certains managers, voulant bien faire, ont tendance à tout laisser passer. Mais cela risque de créer un sentiment d'iniquité au sein de l'équipe. » Reste que la frontière est parfois ténue : le gérant d'une boutique de vêtements de mode peut, légalement, refuser qu'une vendeuse porte le voile, estimant qu'ainsi vêtue, elle n'inspirera pas une clientèle branchée.
Sur le terrain, force est de constater que le sujet reste tabou. Pourtant à l'origine d'accords complexes sur la diversité, L'Oréal, Casino, Vinci et autres PSA rechignent à s'exprimer sur leur politique en matière de religion, déclarant pudiquement : « On y réfléchit. » Et pour cause : « La confusion règne. Certaines entreprises ont l'impression qu'elles sont un lieu laïque au même titre que l'école. D'autres craignent d'ouvrir la boîte de Pandore en abordant le sujet, estime Inès Dauvergne, de IMS-Entreprendre pour la Cité, qui vient de publier un guide intitulé « Gérer la diversité religieuse en entreprise ».
Aujourd'hui, les ajustements se font au cas par cas, sans qu'il y ait de politique globale affichée. Pourtant, la question devient pressante. D'abord parce que les demandes des salariés, en particulier de confession musulmane, sont de plus en plus nombreuses. « Contrairement à la génération précédente, qui était dans une logique d'intégration et avait donc peu de revendications, les jeunes en font une question d'affirmation de leur identité », observe Dounia Bouza, directrice de Cultes et Cultures Consulting.
Ensuite, parce que certains signes d'appartenance visibles nécessitent une ligne de conduite claire. Comme le voile. Le groupe de travail temporaire Randstad s'en est rendu compte. « Nos recruteurs voyaient arriver de plus en plus de femmes voilées. Ils ne savaient pas comment réagir ni quel discours tenir aux entreprises qui emploient ces intérimaires », remarque Aline Crépin, responsable déléguée de l'Institut pour l'égalité des chances de Randstad, qui a mis en place un comité « égalité diversité » pour répondre aux questions des agences et s'apprête à éditer un guide. Quelques sociétés vont plus loin : dans l'entreprise de BTP Cari, les ouvrières peuvent porter un voile, à condition qu'il reste coincé sous leur casque de chantier. En Grande-Bretagne, Ikea a conçu un voile avec son logo pour respecter la règle du port de l'uniforme jaune et bleu.
Si la plupart des grands groupes ont conclu des accords sur la diversité, le fait religieux reste une question sensible dans l'entreprise. Faute de repères, les managers sont souvent désarmés, et les DRH peinent à mettre en place des politiques claires sur le sujet.
Comment réagir lorsqu'un salarié chargé de préparer les plateaux repas d'un avion refuse de toucher les fioles d'alcool parce qu'il est musulman ? Que faire lorsqu'une responsable de communication ne veut plus répondre au téléphone après 16 heures un vendredi pour cause de shabbat, alors même qu'elle est chargée de préparer la convention annuelle du week-end ?
Interdits alimentaires, port du voile ou de la kippa, fêtes religieuses, prières dans l'entreprise... autant de questions qui laissent un nombre croissant de managers démunis. Car, d'un point de vue strictement légal, la laïcité ne s'applique que dans la fonction publique. Et « la liberté religieuse est la règle au sein de l'entreprise privée », a rappelé la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde), en avril dernier.
Une frontière ténue
Si le prosélytisme est banni, l'employeur n'en est pas moins tenu d'accepter certaines pratiques. Exemple, lorsqu'un salarié musulman ou juif souhaite prendre un congé pour célébrer l'Aïd ou Yom Kippour, son employeur devra accepter ou justifier son refus avec des éléments attestant de la possible perturbation induite par ce congé. Car c'est là la limite : les pratiques religieuses ne doivent pas gêner l'organisation du travail, aller à l'encontre des règles d'hygiène et de sécurité ou constituer un frein à la performance du groupe. Un garçon de café qui refuserait de servir des femmes ou un boucher de supermarché qui rechignerait à manipuler de la viande de porc s'exposent donc à des réprimandes. « Le salarié refuse alors d'exécuter une partie de sa mission professionnelle. Ce n'est pas acceptable, remarque Benjamin Blavier de l'association IMS-Entreprendre pour la Cité, fondée par Claude Bébéar. Certains managers, voulant bien faire, ont tendance à tout laisser passer. Mais cela risque de créer un sentiment d'iniquité au sein de l'équipe. » Reste que la frontière est parfois ténue : le gérant d'une boutique de vêtements de mode peut, légalement, refuser qu'une vendeuse porte le voile, estimant qu'ainsi vêtue, elle n'inspirera pas une clientèle branchée.
Sur le terrain, force est de constater que le sujet reste tabou. Pourtant à l'origine d'accords complexes sur la diversité, L'Oréal, Casino, Vinci et autres PSA rechignent à s'exprimer sur leur politique en matière de religion, déclarant pudiquement : « On y réfléchit. » Et pour cause : « La confusion règne. Certaines entreprises ont l'impression qu'elles sont un lieu laïque au même titre que l'école. D'autres craignent d'ouvrir la boîte de Pandore en abordant le sujet, estime Inès Dauvergne, de IMS-Entreprendre pour la Cité, qui vient de publier un guide intitulé « Gérer la diversité religieuse en entreprise ».
Aujourd'hui, les ajustements se font au cas par cas, sans qu'il y ait de politique globale affichée. Pourtant, la question devient pressante. D'abord parce que les demandes des salariés, en particulier de confession musulmane, sont de plus en plus nombreuses. « Contrairement à la génération précédente, qui était dans une logique d'intégration et avait donc peu de revendications, les jeunes en font une question d'affirmation de leur identité », observe Dounia Bouza, directrice de Cultes et Cultures Consulting.
Ensuite, parce que certains signes d'appartenance visibles nécessitent une ligne de conduite claire. Comme le voile. Le groupe de travail temporaire Randstad s'en est rendu compte. « Nos recruteurs voyaient arriver de plus en plus de femmes voilées. Ils ne savaient pas comment réagir ni quel discours tenir aux entreprises qui emploient ces intérimaires », remarque Aline Crépin, responsable déléguée de l'Institut pour l'égalité des chances de Randstad, qui a mis en place un comité « égalité diversité » pour répondre aux questions des agences et s'apprête à éditer un guide. Quelques sociétés vont plus loin : dans l'entreprise de BTP Cari, les ouvrières peuvent porter un voile, à condition qu'il reste coincé sous leur casque de chantier. En Grande-Bretagne, Ikea a conçu un voile avec son logo pour respecter la règle du port de l'uniforme jaune et bleu.