Les responsables de la mort d'un petit garçon à La Courneuve devant la justice

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Casablanca d'antan
VIB
lepoint.fr (agence)

Plus de trois ans après le drame, le procès des trois jeunes impliqués dans la mort de Sid-Ahmed Hammache, 11 ans, s'est ouvert devant les assises de Bobigny. Les débats ont été suspendus dès 11 h 30 pour reprendre lundi, le président du tribunal souhaitant examiner les faits après le week-end. La cour rendra lundi sa décision sur la demande de liberté formée par l'avocat de l'un des accusés.

Le garçonnet avait été touché par une balle perdue lors d'une fusillade entre bandes, en juin 2005, au bas de son immeuble de la cité des 4.000 à La Courneuve, en Seine-Saint-Denis. Pendant la lecture de l'acte, le père de l'enfant est resté tête et épaules baissées, en pleurs. Après cette affaire, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, avait promis de "nettoyer" au "karcher" cette cité sensible, symbole depuis 25 ans des banlieues-ghettos et lieux de trafics en tous genres, déclenchant une vive polémique. L'instruction a confirmé que le jeune garçon a été la victime innocente d'une bagarre entre deux fratries sur fond d'histoire d'amour impossible entre une jeune fille d'origine maghrébine et jeune homme noir, avec en toile de fond un éventuel trafic de cannabis.

Sid-Ahmed lavait la voiture de son père

Les faits remontent au 19 juin 2005, jour de la fête des pères. Sid-Ahmed, pour faire plaisir à son père, lave sa voiture garée sur le parking de l'appartement familial, au coeur de la cité, lorsque des voisins, d'origines tunisienne et comorienne, se retrouvent pour en découdre à quelques mètres. Ce dimanche après-midi, de nombreux habitants prennent l'air devant la barre Balzac, un long immeuble de béton gris-bleu vétuste promis à la démolition.

L'enfant s'écroule, atteint au-dessus du coeur par une balle de revolver qui visait Salah Ben Faiza. Mhamoudou Mhadjou, le tireur présumé arrêté après quelques jours de cavale, âgé aujourd'hui de 26 ans, comparaît pour "meurtre d'un mineur de 15 ans", en vertu d'une jurisprudence qui permet de retenir l'intention de tuer même si la victime n'a pas été directement visée.

Salah, 22 ans, qui a répliqué une fois avec un pistolet semi-automatique, et son frère Mohamed, 27 ans, sont respectivement jugés pour "tentative d'assassinat" et "complicité de tentative d'assassinat" sur leur voisin Mhamoudou. Celui-ci affirme que son tir était "un tir de semonce", non dirigé vers les Ben Faiza, ce qui est contredit tant par la reconstitution que par l'expertise balistique. L'un de ses frères, mis en examen pour "tentative de meurtre", a obtenu un non-lieu. Les trois accusés encourent la réclusion à perpétuité. Le verdict est attendu le 31 octobre.

"Interdit de séjour dans la cité"

Entre ces jeunes, les rapports étaient conflictuels, les Ben Faiza ne supportant pas que leur soeur Nadia entretienne pendant trois ans une liaison avec Mhamoudou. Dans la cité, les relations entre Africains et Maghrébins, plus anciennement établis, sont complexes et les couples mixtes mal vus. Avant de rompre avec Nadia, en septembre 2004, Mhamoudou affirme avoir déjà essuyé un coup de feu. Il se sentait "interdit de séjour dans la cité" par les Ben Faiza.

Ce conflit pourrait avoir été attisé par une guerre de territoires de vente de drogue. Selon un témoin déposant selon la procédure d'anonymat, les frères Mhadjou se seraient mis à vendre du cannabis dans le quartier peu avant les faits. Selon ce témoin, dont le récit est contesté par tous les accusés, le jour du drame, Mhamoudou aurait "piqué" un client à Mohamed Ben Faiza, déclenchant sa colère.


Douze ans plus tôt, dans cette même cité, un enfant de 9 ans avait été tué par balle par un voisin qui n'arrivait pas à dormir. François Mitterrand avait alors demandé que l'on réhabilite prioritairement cette cité et les grands ensembles en général. La barre Balzac, dont le relogement des habitants est en cours, est toujours debout. Sa destruction a été repoussée à 2011.
 
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