http://www.liberation.fr/societe/2015/02/24/aux-deux-alpes-c-estshabbat-slalom_1209262
GRAND ANGLE Dans cette région prisée par la communauté juive, un club réservé aux pratiquants met à disposition des infrastructures et des emplois du temps adaptés qui permettent de passer des vacances «glatt kascher».
«Tu as déjà vu Jéruz [Jérusalem, ndlr] sous la neige ? Non ? C’est très beau. Et drôle ! Tout est bloqué, comme à Paris, ils ne savent pas du tout conduire sur la neige !» Installées dans le lobby d’un hôtel trois étoiles des Deux Alpes, trois femmes en tenue de ski discutent. Il est 17 heures, les remontées mécaniques font un dernier tour avant fermeture, les enfants sont en chemin pour revenir goûter. Un buffet dans l’entrée : boissons chaudes, jus, viennoiseries, fruits. Tout est garanti glatt kascher, comme les repas servis ici durant ces deux semaines de vacances. Une affichette en atteste, scotchée sur la porte vitrée de la salle à manger. Ce «certificat de kashrout», délivré par l’un des grands rabbinats régionaux de France, est l’un des services phares offerts par le club touristique qui privatise cet hôtel en hiver, pour les congés de Noël et de février. Ses clients sont français, anglais, parfois israéliens ou américains. Férus de glisse. Et tous juifs pratiquants, observant à des degrés plus ou moins stricts le code alimentaire prescrit par la Torah. Du dimanche au dimanche Megève, Chamonix, Courchevel, l’Alpe d’Huez, les Deux Alpes, Tignes, La Plagne, Montgenèvre… Depuis la première moitié du XXe siècle, les Alpes françaises sont un lieu de villégiature prisé de la communauté juive, été comme hiver. A l’origine de cet engouement, Noémie de Rothschild, qui souhaitait se tenir à distance des montagnes suisses et de leurs touristes allemands durant la Première Guerre mondiale. «La station de Megève a été créée par la famille Rothschild, c’est elle qui a implanté l’hôtellerie du Mont d’Arbois après la guerre de 1914. Elle a amené dans son sillage certaines familles juives aisées, pour lesquelles c’est devenu une tradition de séjourner en hiver à Megève, explique Gabriel Grandjacques, historien local (1). Au début de la Seconde Guerre mondiale, certaines familles sont venues se réfugier dans ces hôtels, et surtout dans les chalets que beaucoup avaient fait construire dans l’entre-deux-guerres, comme les Schreiber, Rosenthal ou Hesse.» Après guerre, la tradition a perduré et a suscité le développement d’un tourisme spécialisé. Séjours du dimanche au dimanche (hors de question de porter une valise ou de conduire une voiture le samedi, lors du shabbat, deux gestes assimilés à un travail), hôtels adaptés, pension complète kascher : toute une logistique spécifique est nécessaire. «On fait des kilomètres chaque année pour visiter des lieux. Et on est très fidèles quand on a trouvé notre bonheur», raconte Moïse (2), patron du club de vacances qui séjourne en ce moment aux Deux Alpes. Les conditions de ce casting exigeant : une porte d’entrée manuelle et des chambres accessibles par un escalier (l’utilisation d’appareils électroniques comme les sas automatiques, les ascenseurs ou les télésièges est proscrite pendant le shabbat), une pièce
GRAND ANGLE Dans cette région prisée par la communauté juive, un club réservé aux pratiquants met à disposition des infrastructures et des emplois du temps adaptés qui permettent de passer des vacances «glatt kascher».
«Tu as déjà vu Jéruz [Jérusalem, ndlr] sous la neige ? Non ? C’est très beau. Et drôle ! Tout est bloqué, comme à Paris, ils ne savent pas du tout conduire sur la neige !» Installées dans le lobby d’un hôtel trois étoiles des Deux Alpes, trois femmes en tenue de ski discutent. Il est 17 heures, les remontées mécaniques font un dernier tour avant fermeture, les enfants sont en chemin pour revenir goûter. Un buffet dans l’entrée : boissons chaudes, jus, viennoiseries, fruits. Tout est garanti glatt kascher, comme les repas servis ici durant ces deux semaines de vacances. Une affichette en atteste, scotchée sur la porte vitrée de la salle à manger. Ce «certificat de kashrout», délivré par l’un des grands rabbinats régionaux de France, est l’un des services phares offerts par le club touristique qui privatise cet hôtel en hiver, pour les congés de Noël et de février. Ses clients sont français, anglais, parfois israéliens ou américains. Férus de glisse. Et tous juifs pratiquants, observant à des degrés plus ou moins stricts le code alimentaire prescrit par la Torah. Du dimanche au dimanche Megève, Chamonix, Courchevel, l’Alpe d’Huez, les Deux Alpes, Tignes, La Plagne, Montgenèvre… Depuis la première moitié du XXe siècle, les Alpes françaises sont un lieu de villégiature prisé de la communauté juive, été comme hiver. A l’origine de cet engouement, Noémie de Rothschild, qui souhaitait se tenir à distance des montagnes suisses et de leurs touristes allemands durant la Première Guerre mondiale. «La station de Megève a été créée par la famille Rothschild, c’est elle qui a implanté l’hôtellerie du Mont d’Arbois après la guerre de 1914. Elle a amené dans son sillage certaines familles juives aisées, pour lesquelles c’est devenu une tradition de séjourner en hiver à Megève, explique Gabriel Grandjacques, historien local (1). Au début de la Seconde Guerre mondiale, certaines familles sont venues se réfugier dans ces hôtels, et surtout dans les chalets que beaucoup avaient fait construire dans l’entre-deux-guerres, comme les Schreiber, Rosenthal ou Hesse.» Après guerre, la tradition a perduré et a suscité le développement d’un tourisme spécialisé. Séjours du dimanche au dimanche (hors de question de porter une valise ou de conduire une voiture le samedi, lors du shabbat, deux gestes assimilés à un travail), hôtels adaptés, pension complète kascher : toute une logistique spécifique est nécessaire. «On fait des kilomètres chaque année pour visiter des lieux. Et on est très fidèles quand on a trouvé notre bonheur», raconte Moïse (2), patron du club de vacances qui séjourne en ce moment aux Deux Alpes. Les conditions de ce casting exigeant : une porte d’entrée manuelle et des chambres accessibles par un escalier (l’utilisation d’appareils électroniques comme les sas automatiques, les ascenseurs ou les télésièges est proscrite pendant le shabbat), une pièce