On connaît tous quelqu’un qui a cette manie agaçante de faire des guillemets avec ses doigts quand il parle. Comme un écureuil qui gratterait la surface d’une noisette imaginaire, il agite mécaniquement index et majeur dans le vide pour souligner la teneur hautement stratégique de certains de ses propos. Exemple : « Pendant ma présentation Powerpoint, Norbert s’est encore montré [guillemets avec les doigts] “vachement attentif”. Bref, il ne s’est réveillé qu’au moment de mon dernier slide en disant qu’il avait trouvé ça [guillemets avec les doigts] “passionnant”. Non mais tu te rends compte : le mec est chargé de [guillemets avec les doigts] “la motivation des équipes”. Je rêve ! »
Cette manie est généralement assortie d’une moue un peu crispée, avec congestion connexe des maxillaires, censée appuyer encore plus le propos. On peut également y adjoindre une formulation verbale totalement redondante qui précisera que tout cela est « entre guillemets ». A ce stade, on n’est plus dans la signalétique, on est carrément dans le feu d’artifice sémiotique. Si cette manie agace autant, c’est non seulement parce que la personne qui la met en œuvre ressemble à Chantal Goya en train d’interpréter « ce matin, un lapin, a tué un chasseur », mais également parce qu’elle témoigne d’une extension du domaine de la bureautique.
Fusion homme-machine
Loin d’être neutres, les outils informatiques que nous utilisons au quotidien finissent par nous définir. Ils déteignent sur nos propres modes de pensée, nos manières d’être et il n’est jamais plaisant de voir quelqu’un se mécaniser. En l’occurrence, les guillemets avec les doigts sont peut-être le premier indice tangible de ce mouvement de fusion homme-machine que la Silicon Valley tente de nous vendre à tout prix. En procédant de la sorte, vous laissez subrepticement entendre que vos doigts sont « augmentés », équipés des mêmes fonctions que votre clavier azerty : en conséquence, chacune de vos conversations a vocation à être aussi bien présentée qu’un document Word.
Cette manie est généralement assortie d’une moue un peu crispée, avec congestion connexe des maxillaires, censée appuyer encore plus le propos. On peut également y adjoindre une formulation verbale totalement redondante qui précisera que tout cela est « entre guillemets ». A ce stade, on n’est plus dans la signalétique, on est carrément dans le feu d’artifice sémiotique. Si cette manie agace autant, c’est non seulement parce que la personne qui la met en œuvre ressemble à Chantal Goya en train d’interpréter « ce matin, un lapin, a tué un chasseur », mais également parce qu’elle témoigne d’une extension du domaine de la bureautique.
Fusion homme-machine
Loin d’être neutres, les outils informatiques que nous utilisons au quotidien finissent par nous définir. Ils déteignent sur nos propres modes de pensée, nos manières d’être et il n’est jamais plaisant de voir quelqu’un se mécaniser. En l’occurrence, les guillemets avec les doigts sont peut-être le premier indice tangible de ce mouvement de fusion homme-machine que la Silicon Valley tente de nous vendre à tout prix. En procédant de la sorte, vous laissez subrepticement entendre que vos doigts sont « augmentés », équipés des mêmes fonctions que votre clavier azerty : en conséquence, chacune de vos conversations a vocation à être aussi bien présentée qu’un document Word.