Un vaste chantier ! Ainsi se présente Tanger au visiteur. Le front de mer où l’on plante les palmiers en série est coupé en deux par des travaux, tout comme, plus en hauteur, certaines artères. En périphérie, les grues dominent de multiples programmes immobiliers : logements sociaux, moyen de gamme ou de standing, il y en a pour tout le monde. Surplombant la baie où le soleil de printemps caresse le bleu profond de l’Atlantique, villas et hôtels en construction grignotent les derniers contreforts du Rif.
Hier cité interlope et de transit, Tanger devient, à quinze kilomètres de l’Europe, le pôle le plus vibrant du Maroc. Près de 700 millions d’euros d’aménagements urbains sont prévus. Le vieux port, autrefois d’un abord inquiétant, est devenu un chaos indescriptible où les bétonnières font la loi. La vieille zone franche aux bâtiments vétustes, posés sur l’eau, a été rasée, le port de pêche est en train d’être déplacé. Comme le vantent de grandes affiches, c’est une marina clinquante qui prendra bientôt place, avec buildings de verre, port de plaisance de 1 610 anneaux et terminal à paquebots.
Ce changement a débuté en 2003. Le résultat alors d’une "vision royale", comme chacun le rappelle sans cesse ici. Supervisés en direct par le Palais via l’agence TMSA (Agence Spéciale Tanger Méditerranée), les milliards d’euros ont plu sur Tanger. Une petite révolution à Rabat, où l’on méprisait le nord, ce "Maroc inutile" et rebelle. On connaît la suite : construction de terminaux à conteneurs dans le port Tanger Med, extension de la zone franche TFZ, projet de TGV vers Casablanca, puis arrivée du site Renault, en 2012, pour qui le Maroc a déployé le tapis rouge et drainé ses fournisseurs. Depuis, tout s’accélère. Tanger Med, avec 3 millions de "boîtes" par an, a fait le plein, et le doublement du port s’achèvera bientôt. Sur TFZ où sont présents Valeo, Antolin et Delphi, 50 000 salariés s’activent. À trente kilomètres de là, une nouvelle zone franche, en face du site Renault, se remplit peu à peu. Des industriels indiens et chinois sont de la partie.
Au total, a pointé TMSA, ces zones industrielles ont généré 160 000 mouvements logistiques l’an dernier. Le site de Renault doit bondir de 50 % cette année. Chacun guette les rumeurs sur l’arrivé d’un autre constructeur. Bref, Tanger bouillonne. L’effervescence qui a gagné la ville n’est pas sans effet. Le flux d’arrivants sature les structures sociales. Et cette région est connue pour être un point de départ d’apprentis jihadistes voulant rejoindre Daesh. Mais surtout, c’est à peine si les Tanjaouis reconnaissent leur ville. "Tout devient si cher", lance l’un d’eux. Ce n’est pas fini. La cité frôle le million d’habitants et sa démographie, qui augmente de 3,26 % par an, est la plus forte du pays. Son maire Fouad El Omari proclame : "Un jour, Tanger dépassera 'Casa'", la capitale économique du Maroc, trois fois plus grosse. Qui sait ?
Pierre-Olivier Rouaud
Quand Tanger bouillonne
Hier cité interlope et de transit, Tanger devient, à quinze kilomètres de l’Europe, le pôle le plus vibrant du Maroc. Près de 700 millions d’euros d’aménagements urbains sont prévus. Le vieux port, autrefois d’un abord inquiétant, est devenu un chaos indescriptible où les bétonnières font la loi. La vieille zone franche aux bâtiments vétustes, posés sur l’eau, a été rasée, le port de pêche est en train d’être déplacé. Comme le vantent de grandes affiches, c’est une marina clinquante qui prendra bientôt place, avec buildings de verre, port de plaisance de 1 610 anneaux et terminal à paquebots.
Ce changement a débuté en 2003. Le résultat alors d’une "vision royale", comme chacun le rappelle sans cesse ici. Supervisés en direct par le Palais via l’agence TMSA (Agence Spéciale Tanger Méditerranée), les milliards d’euros ont plu sur Tanger. Une petite révolution à Rabat, où l’on méprisait le nord, ce "Maroc inutile" et rebelle. On connaît la suite : construction de terminaux à conteneurs dans le port Tanger Med, extension de la zone franche TFZ, projet de TGV vers Casablanca, puis arrivée du site Renault, en 2012, pour qui le Maroc a déployé le tapis rouge et drainé ses fournisseurs. Depuis, tout s’accélère. Tanger Med, avec 3 millions de "boîtes" par an, a fait le plein, et le doublement du port s’achèvera bientôt. Sur TFZ où sont présents Valeo, Antolin et Delphi, 50 000 salariés s’activent. À trente kilomètres de là, une nouvelle zone franche, en face du site Renault, se remplit peu à peu. Des industriels indiens et chinois sont de la partie.
Au total, a pointé TMSA, ces zones industrielles ont généré 160 000 mouvements logistiques l’an dernier. Le site de Renault doit bondir de 50 % cette année. Chacun guette les rumeurs sur l’arrivé d’un autre constructeur. Bref, Tanger bouillonne. L’effervescence qui a gagné la ville n’est pas sans effet. Le flux d’arrivants sature les structures sociales. Et cette région est connue pour être un point de départ d’apprentis jihadistes voulant rejoindre Daesh. Mais surtout, c’est à peine si les Tanjaouis reconnaissent leur ville. "Tout devient si cher", lance l’un d’eux. Ce n’est pas fini. La cité frôle le million d’habitants et sa démographie, qui augmente de 3,26 % par an, est la plus forte du pays. Son maire Fouad El Omari proclame : "Un jour, Tanger dépassera 'Casa'", la capitale économique du Maroc, trois fois plus grosse. Qui sait ?
Pierre-Olivier Rouaud
Quand Tanger bouillonne