Témoignages de chrétiens syriens

Au crible des informations tendancieuses, la situation en Syrie


par Mère Agnès-Mariam de la Croix*

Les nombreux témoignages de Syriens dénonçant la falsification par les médias internationaux des événements qui ensanglantent leur pays sont écartés au motifs qu’ils proviendraient de partisans du « régime ». Cependant cet argument ne pourra pas être utilisé à l’encontre de la religieuse carmélite Mère Agnès-Mariam de la Croix qui atteste de la réalité sur le terrain : la déstabilisation de la Syrie par des groupes armés et financés de l’étranger. Ce témoignage est aussi un appel : si le système politique laïque syrien devait être renversé, ce serait au profit d’un système confessionnel d’inspiration wahhabite qui ne laisserait plus de place aux chrétiens d’Orient.






Fondé au VIe siècle, le monastère Saint Jacques le Mutilé est situé à 90 km au nord de Damas. Tombé en ruine, il a été restauré depuis 1993 par l’Ordre de l’Unité d’Antioche.©Micheline Albert Tawil Tramp On m’a demandé mon avis sur ce qui se passe chez nous. Vous le savez je travaille en Syrie à la réhabilitation d’un monastère du VIème siècle tombé en ruine. Notre communauté monastique est dévouée au témoignage et à l’unité de l’Église d’Antioche et chargée de servir les pèlerins et les personnes en recherche spirituelle. Nous recevons près de 20 000 visiteurs par an. Cette affluence, avec le réseau local et régional d’amitiés de la communauté, nous permet d’avoir une idée assez objective de la situation qui nous préoccupe.

J’aimerai d’abord souligner que la politique n’est pas un domaine où je m’aventure, ce qui m’intéresse c’est le salut final de l’homme qui est son bien suprême. Cet angle de vue aide à juger de la politique. Aussi, pour ne pas me fier uniquement à ma propre vision je me suis documentée sur le web. Je suis tombée sur des analyses que j’ai trouvées pertinentes et qui m’ont confirmée dans mes intuitions. Ces sites sont en « marge » des réseaux d’informations officiels qui, nous nous le concédons, pratiquent la langue de bois, ou pire, le lissage sémantique pour parvenir à des fins occultes quand ils ne font que puiser, sans vérification, à des sources douteuses.

Il va sans dire que le Moyen-Orient vit des moments de bouleversements majeurs. Il nous est demandé en tant que chrétiens de lire les signes des temps, ce que le Seigneur, Maître de l’histoire, est en train de travailler —au sens johannique (cf. Jean 5,17)—. Il est important aussi de juger de la situation avec un œil spirituel pour pouvoir s’engager dans la réalité des faits d’après notre responsabilité de témoins du Christ.


http://guerre.libreinfo.org/manipul...rie/540-informations-tendancieuses-syrie.html
 
Un nouveau-né très médiatisé
Les manifestations qui ont commencé en Égypte pour atteindre le Yémen, le Bahrain, la Jordanie, la Libye et la Syrie, sans oublier l’ Arabie Séoudite, sont acclamées et favorisées dans les médias mondiaux comme des mouvements légitimes et spontanés et mêmes charismatiques et inspirés . Quoi de plus louable et digne de sympathie que des foules qui réclament la liberté, la démocratie et le changement constructif au sein de leurs pays respectifs dont les monarchies vétustes et les régimes désuets au pouvoir désormais héréditaire sont tous tyranniques et corrompus ?

On nous annonce avec fracas qu’un enfant vient de naître des cendres de l’arabisme moribond, il s’appelle révolution. Avec l’Amérique pour parturiente, et pour marraines la Ligue Arabe et les Nations-Unies, présidées par la France et l’Angleterre, le nouveau-né a été déclaré enfant légitime de la communauté internationale alignée. Son père est l’antinationalisme arabe et sa mère la liberté. Pour asseoir sa légitimité il a eu pour témoins les cousins princiers du Golfe, Qatari en tête. Attendrie par sa naissance la communauté internationale s’engage à le protéger contre tout mal, même au prix d’une ingérence qui sera, toujours dans son cas, strictement humanitaire.

Vraie sosie du Christ coranique l’arabisme mondialisé est un enfant-prodige qui parle dès son berceau la nouvelle langue planétaire. Il est le signe de la toute-puissante providence du sacro-saint monde virtuel qui brasse les idées des hommes comme le chef de cuisine mélange sa sauce au goût du jour. Nourrices consciencieuses du nouveau-né, encore aux tétines dans les aréopages du net, les chaînes satellitaires, viennent, à grand renfort de câlins, en aide à son isolement affectif. Elles le bercent de nouvelles cantilènes où il apprend qu’en vertu de la nouvelle paternité internationale il n’est pas orphelin mais seulement libéré de sa mère-vampire. Voilà qu’autour de son berceau une nouvelle arabophonie voit le jour en un phénomène médiatique nouveau qu’on n’a pas eu le temps de voir venir et qui s’impose. On zappe à longueur de journée et c’est le même discours, habilement basé sur les dogmes de la nouvelle religion mondiale.

En fait, ce qui nous pose problème n’est pas le phénomène des manifestations contre les régimes de notre région mais le timing, et l’accompagnement tendancieux qui est réservé à ces dernières de la part des chaînes satellitaires, en coordination parfaite avec certains gouvernements. Elles étaient préparées pour l’année, le jour et l’heure. Al Jazira, huée cependant par les forces de la coalition en Irak mais transformée aujourd’hui en porte-parole international —oh combien ambigu— des valeurs du nouveau Moyen-Orient ; Al Arabiyah, qui s’exprime, oh paradoxe, au nom de la liberté à partir du fief de la plus grande théocratie arabe en Arabie Saoudite ; Al Hurra [1], née des cendres du régime de Saddam Hussein par insufflation washingtonienne ; CNN, le vétéran de la guerre du Golfe, le très royal BBC New, France 24, à peine adoubé, dans leurs versions internationale et arabe. Ces mastodontes évoluent en parfaite harmonie idéologique avec les aréopages du net : les leurs propres ainsi que Facebook, Tweeter, Utube ou autre et sont relayés par la presse écrite en ligne.
 
Notre expérience en Syrie
Tant que l’information ne nous concernait pas nous ingurgitions passivement les nouvelles savamment orchestrées des autres pays en souffrance. Mais lorsque il s’est agi des évènements éclatés en Syrie, nous avons commencé petit à petit à nous rendre compte que ces chaînes n’informent pas elles cherchent à infléchir le cours des évènements par des moyens virtuels perfectionnés. Ce faisant elles représentent un totalitarisme d’un type nouveau qui manipule l’opinion publique. Il nous a été aisé de découvrir que les données médiatiques sont soumises à un subtil filtrage qui fausse leur sens. On les traite d’une manière sélective pour aboutir à une image donnée de la situation et, ce qui est pire, l’orienter insidieusement dans un sens voulu. Une nouvelle « source » de renseignements pour ces chaines est qu’elles quémandent les messages MMS, multimédia, envoyés clandestinement à partir de téléphones portables. Ces messages téléphoniques sont souvent l’unique source d’information visuelle ou sonore pour retransmettre ce qui se passe dans tel ou tel pays. Nos jeunes ont été sollicités, par des SMS ou par des mails, à envoyer ces documents aux chaînes satellitaires avec, en contrepartie, la promesse d’une rémunération financière.

Par appât du gain et parce qu’il y a preneur, tout et n’importe quoi est offert sur ce marché dérisoire de l’information. Un de nos contremaîtres m’a montré un vidéo-clip local réalisé par des jeunes syriens pour illustrer une chanson arabe. On y voit une bande de jeunes habillés de noir circulant armés dans des voitures décapotables comme des gardes de sécurité. A notre grande stupéfaction cette même vidéo a été montrée sur la chaîne Al Jazira comme étant la preuve de l’arrogance des services secrets syriens !

On s’allongerait beaucoup s’il fallait revenir sur tous les montages et fictions des chaînes satellitaires qui ne traitent qu’une partie de l’information et cherchent à imposer leurs propres vues de la réalité. Comme cela a été attesté sur l’excellent Blog Syria Comment de Joshuah Landis [2], on arrive à transmettre le contraire de ce qu’attestent les personnes interviewées. Le Colonel ‘Uday Ahmad témoigne qu’il roulait avec son beau-frère le Colonel Yasir Qash’ur sur l’autoroute près de Banyas le 10 avril 2011, lorsque des tirs les ont pris en chassé croisé et ont tué sur le coup Qash’ur et huit autres soldats dans leur camionnette. À qui voulait l’entendre le Colonel ‘Uday a affirmé qu’ils n’avaient pas été tués par l’armée mais dans un guet-apens d’inconnus, on lui a fait dire le contraire.

Vidéo de la fusillade diffusée par la chaîne privée syrienne Ad Dounia et montrant les snipers tirant sur les forces de l’ordre et la population
 
(suite)

De même sur ce blog on fait état du journal anglais en ligne The Guardian [3] qui assure que des soldats syriens avaient été fusillés parce qu’ils refusaient de tirer sur la foule et se réfère à une vidéo sur YouTube où, en réalité, l’interviewer harcèle un soldat blessé pour lui arracher l’aveu qu’il avait refusé de tirer sur les gens. Question : quand vous n’avez pas tiré que s’est-il passé ? Mais le soldat ne comprend pas la question parce qu’il venait de dire qu’il n’avait pas reçu des ordres pour tirer sur les gens, aussi répond-t-il « rien, les tirs ont commencé de toutes les directions ». L’interviewer répète sa question d’une autre manière en demandant « pourquoi tiriez-vous sur nous, des musulmans ? » Le soldat lui répond : « je suis aussi un musulman ». Alors l’interviewer lui demande : « pourquoi alors alliez-vous tirer sur nous ? » et le soldat de répondre : « nous n’avons pas tiré sur les gens, on nous a tiré dessus sur le pont ».

Non seulement ces pauvres soldats sont abattus cyniquement par des mercenaires mais les médias s’évertuent à en faire des bourreaux !
 
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