Un texte de vauvenargues sur l'imperfection de l'univers

Ebion

Ça a l'air que je suis l'esclave da partida
VIB
Bonjour :timide:

Vauvenargues était un penseur des Lumières, critique envers le christianisme tout en feignant d'y adhérer.

Voici une pensée de lui :

SUR L'ÉCONOMIE DE L'UNIVERS

Tout ce qui a l'être a un ordre, c'est-à-dire une certaine manière d'exister qui lui est aussi essentielle que son être même : pétrissez au hasard un morceau d'argile; en quelque état que vous le laissiez, cette argile aura des rapports, une forme et des proportions, c'est-à-dire un ordre, et cet ordre subsistera tant qu'un agent supérieur s'abstiendra de le déranger. Il ne faut donc pas s'étonner que l'univers ait ses lois et une certaine économie; je vous défie de concevoir un seul atome sans cet attribut. - Mais, dit-on, ce qui étonne, ce n'est pas que l'univers ait un ordre immuable et nécessaire, mais c'est la beauté, la grandeur et la magnificence de son ordre. - Faibles philosophes! Entendez-vous bien ce que vous dites? Savez-vous que vous n'admirez que les choses qui passent vos forces ou vos connaissances? Savez-vous que si vous compreniez bien l'univers, et qu'il ne s'y rencontrât rien qui passât les limites de votre pouvoir, vous cesseriez aussitôt de l'admirer? C'est donc votre très grande petitesse qui fait un colosse de l'univers; c'est votre faiblesse infinie qui vous le représente dans votre poussière, animé d'un esprit si vaste, si puissant et si prodigieux. Cependant, tout petits, tout bornés que vous êtes, vous ne laissez pas d'apercevoir de grands défauts dans cet infini, et il vous est impossible de justifier tous les maux moraux et physiques que vous y éprouvez. Vous dites que c'est la faiblesse de votre esprit qui vous empêche de voir l'utilité et la bienséance de ces désordres apparents; mais pourquoi ne croyez-vous pas tout aussi bien que c'est cette même faiblesse de vos lumières qui vous empêche de saisir le vice des beautés apparentes que vous admirez? Vous répondez que l'univers a la meilleure forme possible, puisque Dieu l'a fait qu'il est. Cette solution est d'un théologien et non d'un philosophe; or, c'est par cet endroit qu'elle me touche, et je m'y soumets sans réserve; mais je suis bien aise de faire connaître que c'est par la théologie, et non par la vanité de la philosophie, qu'on peut prouver les dogmes de la religion.


:joueur:
 
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