«le tribunal a jugé votre comportement inadmissible, compte tenu des faits récents d'attentat»

A LA BARRE

Partout en France, les procès pour «apologie du terrorisme» ou «menace d’action terroriste» se multiplient depuis la tuerie à Charlie Hebdo et les prises d’otages qui ont suivi. A Lille, quatre ans de prison ferme pour un homme de 34 ans ; dix mois pour deux jeunes de 20 et 25 ans à Toulouse; six mois ferme pour un autre à Béziers. Au total, à la fin de semaine dernière, 69 procédures judiciaires avaient été engagées, selon le ministère de la Justice, et un peu moins de 30 personnes condamnées selon notre décompte. Récit d’une comparution immédiate au palais de justice de Paris, lundi.
«Ils ont bien fait de les fumer, moi aussi je les fume tous»

«Ces faits sont absolument lamentables», sermonne la présidente. Dans le box, Thomas N., 23 ans, est adossé à la vitre, tête baissée, l’air hagard. Il est poursuivi pour insulte et violence sur fonctionnaire de police et pour «apologie du terrorisme».

Il est près de minuit samedi 18 janvier. A la sortie du métro Châtelet à Paris, le prévenu, fortement alcoolisé – 0,69 gramme d’alcool dans le sang – s’en prend verbalement à une policière : «Sale lesbienne avec les cheveux courts, tu devrais aller te faire soigner, c’est une maladie.» Deux autres agents de police interviennent pour tenter de calmer le jeune homme. Les insultes se poursuivent : «sale ****», «va te faire enculer» Thomas N. crache au visage de l’un d’eux avant d’être conduit au commissariat.

Il reste tête baissée pendant que la présidente poursuit sa lecture. «Des témoins vous ont entendu vociférer dans le local de garde à vue : “Ils ont bien fait de les fumer, moi aussi je les fume tous”, “je suis Coulibaly”, “J’aime les kalachs”… Un vrai florilège.»

«Je ne me rappelle pas, j’avais bu. Je regrette. J’ai dû y faire allusion mais je ne me souviens pas», se défend timidement le prévenu. «Vous reconnaissez avoir insulté les policiers, mais l’apologie du terrorisme, vous ne vous en souvenez pas ?», questionne la présidente. «Non», répond simplement le jeune homme. Qui se reprend : «Je condamne les actes de terrorisme qui se sont passés.»

Il lui est rappelé que, lors de son audition, il avait déclaré : «Je m’en fous, j’ai le droit de dire ce que je veux, ce que je pense.» La procureure se lève : «Je suis surprise de voir que pour [monsieur N.], il est évident d’insulter une policière pour ses orientations sexuelles car “ça se voit”, et de plaider la liberté d’expression pour son apologie du terrorisme.» Elle poursuit :«La sanction doit être à la hauteur des outrages et des infractions. Je vois peu de remords et de regrets chez monsieur N.» Elle requiert huit mois de prison, «ce qui [lui] paraît justifié», ainsi qu’un renvoie devant un juge d’application des peines.

Thomas N. a reconnu les faits, défend son avocate. «Oui, il a fait référence aux attentats en des termes bien évidemment offensants, mais il ne le pensait pas, ce n’est pas sa conviction.»«Il est jeune, immature», continue-t-elle, avant de conclure : «Par bêtise, par ignorance, il a glorifié des idéaux qui ne sont pas les siens.» La présidente demande alors à Thomas s’il a quelque chose à ajouter. Il bafouille, pleure : «Je m’excuse. Je n’ai rien contre les homosexuels.» Inséré «socialement» et «professionnellement», selon son avocate, Thomas N. cumule dix condamnations pour conduite sans permis ou sous l’emprise de stupéfiants, violence en réunion, outrages, vols.

«Le tribunal a jugé votre comportement inadmissible, surtout quand on a un casier et compte tenu des faits récents d’attentat», annonce la présidente après délibération. Huit mois de prison avec mandat de dépôt – il est conduit en prison à l’issue de l’audience. Il devra verser 800 € de dommages et intérêts à la policière insultée et 600 € au policier à qui il a craché au visage.



Hélène DEPLANQUE





http://www.liberation.fr/societe/20...chobox&utm_medium=Social&link_time=1421772615
 
Haut