Tribune : au-delà de nos émotions, nos actions

Drianke

اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
Contributeur
RELIGION - L'effroi absolu suscité par les attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015 a fait naître en nous la crainte de voir apparaître et se développer des actes de terreur, pensés jusqu'ici loin de nous, près de nous. Des actes inhumains qui, nous ne le dirons jamais assez, ne peuvent relever d'aucune religion ni de spiritualité. La crainte également de voir ressurgir des réactions hâtives, des postures instinctives et émotionnelles conduisant à la confusions des sens, aux amalgames et au rejet de l'autre.

Nombreuses ont été ces derniers jours les prises de parole de citoyens, intellectuels, enseignants, religieux, politiques, mettant en garde contre les risques de telles confusions, et agitations, écartant les enjeux décisifs à relever ensemble.

L'attachement réaffirmé par les citoyens français lors des rassemblements historiques du dimanche 11 janvier 2015 aux valeurs et droits républicains -de laïcité, de vivre ensemble, d'égalité- a manifesté une force symbolique indéniable. Ce sont précisément ces mêmes valeurs, qui nous engagent aujourd'hui à dépasser cette force symbolique émotionnelle.

Le consensus autour de la condamnation de ces actes terrifiants a été évident et indispensable, notre capacité à le transposer au-delà du sens discursif sur l'ensemble des problématiques politiques, sociétales, religieuses et éducatives à traiter l'est tout autant.
Il s'agit non seulement de porter un regard mais également une dynamique d'actions justes et réfléchies.

Les motivations, les raisons et les parcours de ces hommes perdant toute foi en la société et en ses structures reflètent les dangers d'une marginalisation socio-économique subie. Devenue réalité quotidienne pour beaucoup de citoyens, elle est le terrain de développement de nombreuses voies de dérives : sociales, religieuses et identitaires. La société lorsqu'elle ne répond pas aux attentes et espérances de ses citoyens crée inévitablement des sentiments de frustration, de résignation, et même d'aversion, de colère et de haine. Et c'est notamment cela qui vient alimenter le discours du fondamentalisme religieux. Un discours, ni plus ni moins de récupération politique, assurant à ces citoyens vidés de leur citoyenneté la valorisation et le salut identitaire tant espérés.

Notre société - qui glisse sans cesse vers un climat de pessimisme politique, économique, d'agitation des esprits et des craintes, d'emballement médiatique systématique sur des questions récurrentes - ne fait qu'amplifier ces situations de désillusionnement, de marginalisation sociale, d'affirmations identitaires extrémistes et de haine de l'autre.

Nous devons rompre avec cet aveu d'impuissance et de déclin en offrant de véritables réflexions et perspectives d'actions pérennes, au-delà de la proposition de mesures spectaculaires établies dans l'urgence politique et dans l'émotion médiatique.

Nos responsabilités communes en sont appelées : celle de l'Etat et de ses politiques, celle des collectivités territoriales, celle de l'École républicaine, celle des institutions religieuses, celle de la société civile, celle encore de la sphère médiatique, celle de tout un chacun.

• Sortons du silence les riches et nombreuses initiatives et actions associatives, mettant la priorité sur l'insertion sociale, le dialogue interculturel et interreligieux. Elles oeuvrent au quotidien sur le terrain, dans les grandes villes, en région parisienne, en province et ce, depuis de nombreuses années, au gré de difficultés financières et de manque budgétaire. Soutenons-les, relayons-les.

• Intégrons dans l'École républicaine des programmes pédagogiques encourageant des échanges d'inter-connaissances culturelles et religieuses.Il ne s'agit pas de constituer des cours de dogmes religieux mais des espaces de dialogue, d'ouverture et de compréhension.

• Encourageons les institutions religieuses, particulièrement celles de l'islam, à se doter de meilleurs moyens d'éradiquer tout glissement fanatique de certains de leurs fidèles.
La formation d'aumôniers qualifiés dans le milieu carcéral est à ce titre essentiel. Développons plus encore les échanges théologiques interreligieux. Déjà existants, ils ne trouvent aucun relais public à leurs actions et propositions.

• Représentons, médiatisons les identités françaises dans leur diversité d'origines et culturelles au-delà du prisme des représentations figées et erronées.La France détient en son sein des identités pluriculturelles, riches, diplômées, qualifiées, brillantes. C'est par ce biais que nous pouvons rompre avec les stéréotypes médiatisés encourageant inévitablement ces amalgames et confusions de sens, aujourd'hui ravivés.

Au même titre qu'un consensus idéologique face à l'horreur, un consensus tout aussi fort est à porter envers ces actions et initiatives à encourager ensemble.

Cela relève de notre devoir citoyen et c'est en ce sens que nous, citoyens de cultures musulmanes, juives, chrétiennes, boudhistes, agnostiques, athée et autres, œuvrons au quotidien, afin d'honorer les valeurs républicaines, humaines, spirituelles et universelles auxquelles nous sommes si fortement attachés.

Les signataires de cette tribune sont:

Mehdi Thomas Allal, Responsable du pole anti-discriminations Fondation Terra-Nova
Asif Arif, Avocat à la Cour, Secrétaire Général du Forum Européen Interreligieux pour la Libérté des Religions
Aïssata Ba, Chercheuse - spécialiste des questions interreligieuses judaïsme & islam
Mohamed Bajrafil, Docteur en linguistique, enseignant, Imam de la mosquée d'Ivry-sur-Seine
Naïla Banian, Consultante anthropologue - spécialiste des thématiques d'identité et d'interculturalité
Soeur Béatrix Dagras, Co-Présidente chrétienne du GAIC Groupe d'Amitié Islamo-Chrétienne
Nabil Ennasri, Ecrivain et doctorant à l'Institut d'Etudes Politiques d'Aix-en-Provence
Samuel Grzybowski, Président de CoExister, le mouvement interreligieux des jeunes
Gabriel Hagaï, Rabbin, linguiste, philologue- engagé dans le dialogue interreligieux
Nadia Henni Moulaï, Journaliste, Fondatrice de Melting Book
Ghaïss Jasser, Docteur en Lettres, compositrice
Saïd Ali Koussay, Co-Président musulman du GAIC Groupe d'Amitié Islamo-Chrétienne
Edmond Lisle, Président de la Fraternité d'Abraham
Khaled Roumo, Poète, écrivain-engagé dans le dialogue des cultures et des religions
Alexandre Vigne, Président de l'Association CIEUX Comité Interreligieux pour une Ethique Universelle et contre la Xénophobie
 
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