Je ne veux pas etre minsitre de la regularisation

"Je veux fermer la porte arrière”
Il n'y a donc pas eu d'accord au sein du gouvernement de l'équipe Leterme sur la régularisation des sans-papiers. Ministre Open VLD de la Politique de Migration et d'Asile, "et pas ministre de la régularisation” , Annemie Turtelboom, défend sa position. Mordicus.

Y aura-t-il une circulaire avant les élections régionales de juin 2009 ?

J'étais un peu déçue que nous n'ayons pas obtenu un accord la semaine passée. Mais c'est comme ça. A un moment donné, on a dû constater que ce n'était pas possible. Je veux seulement une chose : que tout le monde soit un peu plus réaliste, avec les pieds sur terre. Mon but n'est pas de renvoyer la circulaire et tout le paquet asile et migration aux calendes grecques.

Selon vous, qu'est-ce qui bloque ?

Le problème est qu'il y a des partis qui refusent une migration économique et qui veulent en même temps une régularisation massive. Il n'y a pas de majorité pour faire ça.

Dans l'accord de gouvernement, il n'est pas question d'une régularisation massive, mais au cas par cas, sur une base objective.

On peut définir des critères objectifs mais d'une manière tellement large qu'on aboutit à une régularisation massive. En Espagne, où on a fait une régularisation massive, il y a eu une augmentation de 30 pc du taux de chômage. Maintenant, ils élaborent des projets de retour volontaire.

Mais ce n'est pas ça qui se prépare en Belgique. Il ne s'agit pas de régulariser collectivement.

Je ne suis pas sûre de ça... Si j'ai bien entendu, et je ne suis pas le seul parti dans le gouvernement qui a cette impression, ce qu'on demande aura pour résultat une régularisation collective et massive.

C'est qui, ce "on” ?

Ce n'est pas un secret : le CDH et le PS. De l'autre côté, il y a le CD&V, le MR et l'Open VLD.

Ni le CDH ni le PS ne demandent une régularisation massive, mais des critères clairs.

Ces critères peuvent avoir un contenu tellement large qu'on a une régularisation massive.

Quel est ce contenu si large qui vous fait peur ?

Je n'ai pas peur d'une régularisation ! Mais pour l'ancrage local durable, il faut avoir eu, à un moment, un séjour légal en Belgique. Prenons l'exemple d'une femme qui est venue chez nous via le regroupement familial. Son mari et elle divorcent; elle devient illégale. Si elle parle la langue et veut travailler, c'est quelqu'un qui pour moi tombe dans les critères. Mais quelqu'un qui entre dans ma maison par la porte arrière, qui s'assied dans mon fauteuil et demande les clés de la porte d'entrée, c'est non. Vouloir des papiers sans avoir jamais demandé l'asile, un visa d'étudiant, un regroupement familial ou un permis de travail, c'est quoi ça ? C'est rentrer dans la maison par l'arrière.

Et quelqu'un qui est arrivé il y a 10 ans, dont les enfants sont scolarisés, qui travaille, mais en noir...

Les gens comme ça, je veux bien les régulariser. Ils pourront obtenir le séjour par le travail. Même pour les "illégaux illégaux”, si l'examen du marché du travail montre qu'on ne trouve pas de gens ici avec leurs compétences, pourquoi leur dirais-je non ? Le job resterait sinon ouvert et ce ne serait pas bon pour notre économie. Une crise économique va suivre la crise financière. Le Bureau international du travail a annoncé 20 millions de chômeurs en plus dans le monde. Si je veux une migration économique, je veux qu'on ait aussi un examen du marché du travail. Je ne vais pas attirer des Irakiens ou des Afghans en oubliant nos chômeurs. Pour moi, il faut une activation des chômeurs et une migration économique.

Les sans-papiers sont déjà sur le territoire, beaucoup même depuis de longues années.

Ils ont décidé de venir ici à un moment donné. Si on ne veut pas donner un faux signal aux pays tiers, on doit faire une régularisation basée sur la langue et l'emploi et on doit avoir des règles strictes. Sinon on invite les gens à entrer par la porte arrière et on leur dit qu'ils peuvent rester en faisant une régularisation tous les 3 ou 5 ans.

Vous trouvez que l'accord gouvernemental est trop large ?

Non. Mes propositions entrent parfaitement dans cet accord. Je tiens compte de la réalité. Prenons les taux de chômage des ressortissants non européens. A Bruxelles, il est de 34 pc; en Flandre, de 22 pc; en Wallonie, de 38 pc. Ce sont les taux les plus élevés d'Europe. Si on ne veut pas qu'ils augmentent encore dans les prochaines années, l'emploi doit être un critère crucial. Sinon, on donne des papiers aux gens mais pas d'avenir.

On a le sentiment que l'Open VLD est tétanisé à l'idée de régulariser les sans-papiers. L'octroi du droit de vote aux non-Européens lui a coûté cher électoralement.

Non ! Peut-être d'autres mais pas moi. Je n'ai pas peur du débat sur la migration. Sinon, je n'aurais jamais dit que je voulais une migration économique, parce qu'il y a des partis en Flandre qui sont vraiment contre...

Cela fait 7 mois que le dossier des sans-papiers est sur la table. A force de reporter le dossier, n'aggrave-t-on pas le problème ?

Je ne suis pas la ministre de la régularisation. Une politique de migration, c'est plus que la régularisation : c'est aussi le regroupement familial, les visas pour étudiants, la migration économique, l'éloignement, l'accueil des gens, la procédure d'asile... Pour moi, tout le monde doit être bien accueilli dans notre pays, mais ils doivent choisir la porte d'entrée et je veux fermer la porte arrière. Mon discours, c'est celui de tous les pays d'Europe. Si on rentre par une porte d'entrée, alors, on est bien accueilli. Je ne suis pas raciste, vraiment pas, hein ! C'est évidemment plus facile de dire que Turtelboom est le diable en personne.

Le cas de Rothman Salazar n'est-il pas la démonstration par l'absurde de la politique menée actuellement ?

Non ! C'est l'exemple de la porte d'entrée. Maintenant, sa situation est claire : il est en Belgique avec un visa d'étudiant.

N'y avait-il pas moyen de résoudre ce cas autrement ? On a détenu ce garçon dans un centre fermé – un séjour qui coûte cher à l'Etat – et on a payé son billet retour vers l'Equateur alors qu'il pouvait obtenir un visa d'étudiant et qu'il entrait sans doute dans les critères d'une régularisation pour ancrage local durable. N'est-ce pas un gâchis humain et financier ?

Il a choisi à un moment donné de venir ici dans notre pays sans prendre la porte d'entrée. Maintenant, il est le bienvenu.

Et vous trouvez que c'est une bonne solution ?

Il était dans un flou artistique, il était illégal. Maintenant, c'est clair, voilà.

Vous ne voyez rien de surréaliste ?

Non. Pourquoi n'a-t-il pas demandé d'emblée un visa étudiant. Il savait qu'il était illégal sur le territoire belge. Le visa, c'est un droit. La régularisation restera toujours une exception, une faveur.
 
Haut