Quand le voile s’immisce dans le monde de la mode

Serenade

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VIB
Uniqlo en juillet, H&M en septembre, des marques de prêt-à-porter n’hésitent plus à valoriser le hijab dans leurs campagnes publicitaires. Ce voile couvrant la chevelure des femmes, mais pas leur visage, était jusqu'alors largement ignoré du monde de la mode.

Dans sa vidéo « Close the Loop » (« Ferme la boucle »), H&M présente une succession de personnages au look « recyclé », d'origines et de morphologies diverses : des inconnus mis en scène dans leur vie de tous les jours, mais aussi des célébrités, comme Iggy Pop arrosant dans son jardin ou le mannequin grandes tailles Tess Holliday. Le spot publicitaire se termine sur ce slogan : « En mode, il n’y a aucune règle mais recyclez vos vêtements. »


Parmi toutes ces icônes de mode, Mariah Idrissi pose la tête couverte d'un foulard aux motifs rappelant un keffieh. La jeune fille de 23 ans, qui a lancé en juillet un salon de beauté d'inspiration marocaine à Londres, a été repérée par un chasseur de mannequins, notamment grâce aux photos d'elle postées sur son compte Instagram. « Etes-vous sûr qu'ils savent que je porte un hijab ? », a-t-elle demandé, sceptique, lorsqu'il l'a contactée pour le groupe suédois. D'origine pakistanaise et marocaine, cette jeune musulmane, qui porte le hijab depuis l'âge de 17 ans, a expliqué dans Fusion avoir participé à cette publicité avec l'autorisation de ses parents. « C’est comme si les femmes qui portent le hijab étaient constamment ignorées dans le monde de la mode, regrette Mariah Idrissi. Notre style, d’une certaine manière, n’a jamais vraiment compté. C’est fou qu’une marque aussi importante le reconnaisse. »


« Atteindre un grand nombre de personnes souvent oubliées »


Au début de l'été, un autre géant de la mode, le japonais Uniqlo, avait lancé une ligne de vêtements destinés aux femmes musulmanes. Cette collection, signée par la créatrice britannique Hana Tajima, comporte jupes longues, amples blouses, mais aussi hijabs et kebayas, un vêtement traditionnel indonésien. Disponible depuis début juillet à Singapour, en Malaisie, en Thaïlande et en Indonésie, cette « ligne de vêtements 'modestes' était un moyen d'atteindre un grand nombre de personnes qui sont très souvent oubliées », a raconté Hana Tajima sur Mashable.


D'autres marques, comme Tommy Hilfiger, Mango ou DKNY, ont elles aussi lancé des collections spéciales pour le ramadan, tout comme le site de vente en ligne Net-a-porter. Mais avec leurs derniers spots, H&M et Uniqlo vont plus loin, en mettant en scène des femmes voilées, normalisant ainsi l’image d’une femme portant un hijab, loin des controverses qu'il a pu susciter dans certains pays.

Affranchies des considérations politiques, les marques de mode savent aussi que se positionner sur le créneau de la mode musulmane leur permettra de conquérir, très prosaïquement, des parts de marché auprès d'une clientèle à fort pouvoir d'achat. Dans un texte mis en ligne sur le site Racked, la journaliste américaine Fareeha Molvi rappelle que l'intérêt financier des marques peut parfois servir certaines évolutions de la société. Et s'interroge : "Le capitalisme pourrait-il aussi aider à la normalisation de l'islam en Amérique ?"
 
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