On m’a volé mon gourbi !

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AncienMembre

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Fadoua n’était pas une héroïne, elle n’a rien fait dans sa vie qui mérite d’être rapporté. Car Fadoua a mené ce genre de vie banalement misérable, qui aurait pu se prolonger pour ressembler à celles de millions d’autres, pour s’éteindre un jour, victime du manque de lits ou de personnel médical dans un hôpital public.

Fadoua avait sûrement une télé dans cette sorte de construction moyenâgeuse qu’elle devait appeler maison. Elle regardait sûrement ces chaînes nationales, où l’on y évoque à longueur de journée les avancées en matière de développement économique et social, des avancées non chiffrées, pour lesquelles personne n’a été consulté. Faut-il rappeler les irrégularités, connues par tous, inhérentes à ce genre de projets dans le plus beau pays du monde ?

Pendant que le Makhzen était occupé à s’enrichir, à tabasser les marocains libres, à orchestrer sa propagande médiatique que plus personne ne croit, Fadoua devait attendre patiemment son tour, une charité qui viendra, un jour, au hasard du bon vouloir d’un je ne sais quel responsable, ou je ne sais quelle autre visite royale.

Je n’ai jamais connu la misère. A peine l’ai-je vue. Cet état persistant de faim, du futur incertain, de crainte de cette maladie ou cette calamité qui raflerait le peu d’économies familiales. Et encore, avez-vous déjà essayé de vous faire soigner dans un hôpital public ? Avez-vous déjà eu affaire à un avocat commis d’office pour vous défendre d’une injustice devant une cour de justice aux abois ? Même avec l’argent qu’il faut, même avec les connexions qu’il faut, le marocain peine à trouver une école correcte pour ses enfants, une clinique avec des médecins compétents pour se soigner, et le travail de la justice se réduit souvent à un combat de pots-de-vin et de pistons. Triste réalité.

Fadoua voulait un toit décent. Peut-être une première étape pour se sentir un tant soit peu en sécurité, peut-être avait-elle des projets, un petit commerce, un petit boulot pour que ses enfants échappent au sort terrible que la vie lui a réservé, à elle. Mais un responsable quelque part en a décidé autrement. Sous prétexte que c’est une mère célibataire, donc ne pouvant être chef de famille, elle n’aura pas accès à son logement social, et la destruction de son taudis a été décidée. Elle se retrouve donc à la rue. Avec ses enfants. Elle n’a pas pu le supporter.

Peu avant son geste tragique et spectaculaire, elle fit un discours, une sorte de dernière volonté, “sarqouli berrakti” répétait-elle, avant de s’immoler – On m’a volé mon gourbi. Fadoua aurait pu mettre un terme à ses souffrance plus discrètement, mais ce n’était pas là son objectif. Si elle voulait simplement fuir l’âpre vie, elle aurait mis fin à ses jours d’une manière moins douloureuse. Car c’est bien ce qu’elle voulait : attirer l’attention, fût-elle posthume, de la société sur sa situation. Peut-être espérait-elle que l’affaire soit médiatisée, et que ses enfants bénéficient d’une certaine charité qui les sauverait de la précarité à laquelle sont destinés la plupart de nos compatriotes*. Elle n’a même pas eu, à la fin, droit à une dépêche MAP. Indigne Etat.

http://takhouar.files.wordpress.com/2011/03/fadoua_immolation.png?w=471&h=351
 
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