« xénophobie business. à quoi servent les contrôles migratoires ? »

Drianke

اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
Contributeur
Le drame de Lampedusa a jeté une lumière crue sur les effets du contrôle des frontières, que l’Europe externalise et privatise afin d’opacifier les responsabilités et d’entretenir un marché de la peur. Claire Rodier révèle les implications idéologiques et économiques de ce phénomène, et ses effets pervers.

Au delà des recherches sociologiques dans le champ espace-frontière, Claire Rodier, juriste au Gisti (groupe d’information et de soutien aux immigrés) et cofondatrice du réseau euro-africain Migreurop, révèle les liens tacites entre l’économie, la géopolitique, l’idéologie et les contrôles migratoires. Ces derniers sont analysés à l’aune de la mondialisation, à l’heure où la mobilité internationale est plus forte que jamais ; troublant paradoxe, constate l’auteure, puisque les techniques modernes de télécommunication ont complètement pulvérisé l’effet-distance et fait disparaître un certain nombre d’attributs des frontières. L’auteure étudie ces contrôles d’une manière scientifique malgré engagement militant au GISTI (groupe d’information et de soutien aux immigrés).


Le propos du livre va au delà de la dénonciation, mais cherche à rendre compte des mécanismes et enjeux qui se cachent derrière les contrôles des frontières. Les contrôles migratoires sont en nette progression tandis que depuis les années 1960, le nombre de migrants a triplé à travers la planète. Les barrières qui sont dressées face à eux sont à la fois réglementaires (visas), physiques (murs) et virtuelles (radars, capteurs de mouvements). C. Rodier explique les dispositifs de contrôle de la manière suivante : « tout se passe comme si, au lieu d’apporter la sécurité promise, chaque nouveau dispositif de contrôle mis en place n’avait pour utilité que de révéler les failles et les lacunes des précédents, et pour finalité de justifier les suivants » (p. 11). Au niveau méthodologique, l’accès à des données chiffrées fiables est complexe en raison de la charge idéologique qui pèse sur les questions migratoires. Le recensement des décès fait par les ONG est, à ce jour, la seule source disponible pour prendre la mesure d’un phénomène qui s’amplifie à mesure que les contrôles se durcissent. L’auteure appelle à la constitution de données sur les incidences économiques de l’enfermement.

La sécurité : un gâteau à partager

Les entreprises du secteur de la sécurité privée, de l’externalisation des services et de la gestion de l’immigration tiennent une place de plus en plus importante. Plusieurs facteurs concourent à ce phénomène : dans de nombreux pays industrialisés, la réduction des budgets et des effectifs de la défense a reporté vers le secteur privé des missions assurées jusqu’alors par l’armée, créant ainsi de nouveaux marchés. Un des avantages de la privatisation des missions de sécurité pour les États est le fait qu’elle favorise l’opacité et la dilution des responsabilités en cas d’accident au cours des interventions et rend plus difficile la mise en cause des institutions mandataires. Ces entreprises para-privées agissent en quelque sorte comme des mercenaires (Bigo, 2003). De fait, la course à la rentabilité, dans laquelle la fin justifie les moyens, conduit à des prises de risque et à des incidents qui peuvent aller jusqu’à la mort du migrant.

La surveillance des frontières est devenue un véritable gâteau à partager. Le marché européen de la sécurité frontalière est alimenté par la redéfinition des frontières qui marque le début du XXIe siècle ; redéfinition géographique (élargissement successif de l’UE), politique (l’externalisation du contrôle des migrants), technologique (développement des frontière virtuelles). La technologie toujours plus perfectionnée a un prix, d’autant que le recours à la technologie de pointe est en soi un facteur d’obsolescence rapide du matériel utilisé, donc de nécessité de son renouvellement. Malgré une technologie toujours plus perfectionnée et toujours plus envahissante aux frontières, l’histoire récente montre que les « verrous posés ici ou là ont surtout pour conséquence de déplacer et de multiplier les routes et les points de passage empruntés par les migrants. Mais ne serait-ce pas là un des buts ? Au jeu du chat et de la souris, le chat n’a pas forcément intérêt à éliminer sa proie » p. 45).

L’industrie du drone est caractéristique de ce processus de transfert de technologie militaire vers des usages civils, qui permet aux fabricants d’armement de profiter des financements de la recherche dans ce domaine pour développer leurs capacités. La complexité des montages associant des organismes privés et publics de recherche aux industriels en pointe dans le secteur, comme la proximité des débouchés, favorisent la porosité entre les applications civiles et militaires. Coup double pour les marchands d’armes : nouveau créneau pour la technologie de la sécurité, la lutte contre l’immigration clandestine vient aussi soutenir le développement de l’industrie de l’armement militaire...........................

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