211 milliards d’euros ont été versés en 2023 aux entreprises françaises... sans contrepartie exigée. Et « aucune administration de l’Etat n’est capable de dire précisément combien d’argent public a été versé aux entreprises », selon les sénateurs auteurs du rapport.
Le Sénat a publié mardi son rapport sur les aides publiques aux entreprises, dont le coût pour les finances publiques a paru flou lors des 58 auditions (durant 87 heures). Les dirigeants de 33 grandes entreprises (comme LVMH, CMA-CGM, Kering, Danone, Orange, EDF, Airbus, Carrefour ou TotalEnergies) ont été interrogés à cette occasion. Et le moins qu’on puisse dire c’est que les conclusions laissent perplexe.
Le Parisien relève que selon les calculs de la commission d’enquête sénatoriale, le montant que l’État verse chaque année aux plus grands groupes, s’élèverait à 211 milliards d’euros sans qu’aucune condition ne soit réellement exigée en retour. La commission pointe des répartitions chaotiques allant de l’aide aux plans sociaux jusqu’aux versements de dividendes aux actionnaires.
« Vide abyssal de données fiables »
« Ce qui frappe en premier, c’est le vide abyssal de données fiables. Lorsque nous avons commencé nos auditions des ministres, des hauts fonctionnaires ou de la Direction générale des Finances publiques, il est vite apparu qu’aucune administration n’était capable de dire précisément combien d’argent public était versé aux entreprises », indique rapporteur de la commission d’enquête parlementaire sénateur communiste Fabien Gay dans Le Nouvel Obs. Ce gros rapport de 470 pages est cosigné par Olivier Rietmann (Les Républicains, Haute-Saône), président de la commission.211 milliards d’euros en 2023, c’est « un chiffre indiscutable », a assuré Olivier Rietmann. La définition retenue est « entendue au sens large, additionnant aides directes (subventions ou avances remboursables), allègements fiscaux, allègements de cotisations sociales, et en excluant les aides des collectivités territoriales et les aides européennes en gestion indirecte », précise Le Monde.
Alors qu’une « année blanche pour le budget 2026 est une piste étudiée par le gouvernement et que « la France va vivre sa première cure d’austérité » depuis les années 1980, prédisait lundi le patron de Bpifrance, la publication des conclusions du rapport sénatorial ne va pas manquer de susciter le débat.
La commission d’enquête appelle à un « choc de responsabilisation ». Parmi les pistes évoquées, la commission d’enquête propose dorénavant « d’imposer le remboursement total » des aides publiques si l’entreprise délocalise dans les deux ans le site ou l’activité ayant justifié l’aide. Le rapport épingle certaines entreprises comme Michelin : il a perçu 72,8 millions d’euros d’exonérations et crédit d’impôt en 2023-2024, mais annoncé un plan social de 1 254 salariés et, selon les calculs du rapporteur, versé 1,4 milliard d’euros de dividendes en 2024, relève la commission. Ce genre de situation « choque l’opinion », estiment les sénateurs.
Le rapport reconnaît que les aides « doivent s’apprécier dans un contexte global » de très forte concurrence, notamment avec la Chine et les États-Unis, justifiant de soutenir les entreprises. Il délivre « un satisfecit global sur le contrôle des aides » comme le crédit d’impôt-recherche (CIR) ou le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), mais juge « défaillants » le suivi et l’évaluation des dépenses fiscales sous la forme de réductions d’impôts, comme le Pacte Dutreil, qui permet aux enfants reprenant l’entreprise familiale d’obtenir un abattement de 75 % sur la valeur de celle-ci.