Bonjour
Voici un extrait du traité Des Devoirs de Cicéron où il donne sa vision de ce qui est naturel :
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Dépouiller autrui et augmenter ses aises aux dépens des autres, voilà qui est contraire à la nature, bien plus encore que la mort, la pauvreté, la douleur, que tous les accidents qui peuvent arriver à notre corps ou à nos bien extérieurs; car c'est là supprimer la vie commune et la société des hommes. Si nous sommes disposés à dépouiller et à léser autrui à notre profit, la société du genre humain, qui est par-dessus tout conforme à la nature, doit nécessairement se rompre. Si chaque membre avait le sentiment qu'il peut se bien porter en faisant passer en lui la santé du membre voisin, le corps tout entier s'affaiblirait et périrait nécessairement : de même, si chacun de nous tirait à lui tout ce qui sert aux autres et enlevait à chacun tout ce qu'il peut pour en tirer profit, la société et la communauté des hommes seraient nécessairement ruinées.
Que l'on préfère acquérir pour soi plutôt que pour les autres ce qui se rapporte à l'usage de la vie, je l'accorde et la nature n'y répugne pas; ce qu'elle ne peut souffrir, c'est que nous augmentions notre fortune, nos ressources, notre richesse avec les dépouilles des autres. Et ce n'est pas seulement la nature, c'est-à-dire le droit des gens, qui a établi qu'il n'est pas permis de nuire à autrui pour satisfaire son intérêt propre; les législations qui dans chaque cité règlent l'État en ont décidé de même : les lois en effet visent à garder intacte l'union des citoyens et elles répriment ceux qui la rompent en les punissant de mort, d'exil, de prison ou d'amende. Beaucoup plus efficace est la Raison naturelle, c'est-à-dire la loi divine et humaine : qui veut y obéir (et tous ceux qui veulent vivre conformément à la nature y obéiront) ne se laissera jamais aller à désirer le bien d'autrui et à prendre pour lui ce qu'il a enlevé à un autre.
L'élévation et la grandeur d'âme et aussi la douceur, la justice, la libéralité sont beaucoup plus conformes à la nature que le plaisir, la vie ou les richesses; mépriser tout cela, le tenir pour néant par rapport à l'intérêt général, voilà qui est d'une âme grande et élevée. Supporter les plus grands travaux et les plus grandes peines pour sauver ou secourir, si on le peut, toutes les nations à l'image d'Hercule que la tradition des hommes, en souvenir de ses bienfaits, a placé dans l'assemblée des dieux du ciel, c'est se conformer à la nature bien plus que vivre dans la solitude, fût-on non seulement sans soucis, mais même dans les plus grands plaisirs, maître d'abondantes ressources et excellant en beauté et en force : quand on a l'esprit supérieur et haut placé, on préfère de loin le premier genre de vie au second.
De là il résulte que l'homme, s'il obéit à la nature, ne peut être nuisible à l'homme. Quand on attente au droit d'autrui pour en tirer pour soi quelque avantage, c'est ou bien avec la pensée qu'il n'y a pas là un acte contre nature, ou bien parce que l'on croit qu'il vaut mieux éviter la mort, la pauvreté, la douleur, la perte de ses enfants, de ses proches, de ses amis, que le tort fait à un autre : s'il pense qu'il n'agit pas contre la nature en violant les droits d'autrui, à quoi bon discuter avec des gens qui enlèvent complètement à l'homme ce qui le fait homme.
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@Docours
@DuneDuRif