Abdellah taia fait son cinéma : film marocain traitant de l'homosexualité

Mettant en scène sa propre vie, « L’armée du salut » est une adaptation du troisième roman d’Abdellah Taia sorti en 2006, où ce dernier narre ses souvenirs d’enfance tout en mettant l’accent sur son éveil (homo)sexuel et la difficulté d’assumer celui-ci dans un pays qui regorge de contradictions, de tabous et où le joug du traditionalisme évince la tolérance et empêche l’ouverture d’esprit.

A l’heure où le mariage entre deux personnes du même sexe a été voté et légalisé en France, le film d’Abdellah Taia est prévu fin 2013. En effet, ayant fait l’objet d’un scandale en clamant haut et fort, dans un article paru sur Telquel en 2009, son penchant pour les hommes, l’auteur est sujet à maintes controverses, allant même jusqu’à voir ses textes se faire boycotter dans certaines universités du Royaume.

C’est dire qu’ il est indéniable qu’être « différent » dans une société profondément marquée par le tabou, le conformisme et l’homophobie n’est pas de tout repos. D’ailleurs, même si d’autres ont fait de l’homosexualité le sujet central de leurs écrits , Abdellah Taïa est le premier écrivain marocain à avoir fait son coming out au Maroc.

Après l’avoir réalisé à Casablanca et en partie en Suisse, le film d’Abdellah Taia dont la sortie française est prévue fin 2013, sera-t-il diffusé au Maroc?

Les voyants sont au rouge,on croise tous les doigts pour que la censure ne bâillonne pas le travail de Taia.

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Le premier film d'Abdellah Taïa, L'Armée du salut, sera présenté au Festival International du Film de Toronto, Canada, les 10, 11 et 14 septembre prochains.

Le texte de présentation nous dit en partie : « Inspiré par son roman autobiographique, le ravissant début cinématographique de l'écrivain marocain Abdellah Taïa est l'histoire d'un passage de l'adolescence à la vie adulte, voguant entre amour, douleur, désir et violence. … C'est autant un film rempli d'inhibitions, d'hypocrisie, de brutalité et de honte que c'en est un de désir, d'amour, de dignité et de survie. Sans aucun doute, c'est l'annonce d'un grand cinéaste en devenir. »



Au Maroc cependant, M. Taia ne sait pas encore ce qu’il en sera. Il est clair que ce n’est pas évident. Surtout que son réalisateur a fait l’objet d’un scandale en révélant ouvertement son homosexualité en 2009, dans un article intitulé « l’homosexualité expliquée à ma mère » paru dans le magazine Telquel. Et c'est justement pour cette raison que de nombreux étudiants de l’université d’El Jadida ont radicalement manifesté contre l’étude de ses textes en mai dernier.

Le film d'Abdallah Taia implique la retransmission de ce que la majorité des Marocains lui reproche : son orientation sexuelle. Et il en est bien conscient. « Je ne veux pas m’étendre encore une fois sur des sujets qui fâchent. Mais, je souhaite de tout mon coeur que ce film sorte au Maroc, soit vu et évalué par les Marocains. C'est très important pour moi et pour mon équipe ».
 

Scoco

Mrdi Mémtou Amro Maytkhes
Modérateur
Abdellah Taïa : «je souhaite que mon film sorte au Maroc »

L’écrivain Abdellah Taïa s’est converti au cinéma le temps d’un film adaptant son roman «L’armée du salut». Le thème de l’homosexualité abordé par l’œuvre en fait déjà un sujet de polémique en terre d’islam.

Abdellah Taïa est le premier écrivain marocain et maghrébin à avoir fait son coming out. Après avoir écrit trois romans (Le rouge du Tarbouche, Le jour du Roi et L’armée du Salut), le jeune écrivain se lance dans la réalisation en adaptant son dernier ouvrage, «L’armée du salut» (Salvation Army), en film. L’œuvre, largement autobiographique, raconte le quotidien d’un jeune homosexuel marocain et son éveil sexuel. C'est aussi, une histoire de famille, qui retrace les liens du personnage principal avec sonfrère aîné. «L’armée du salut» a été sélectionné au Festival de Cinéma de Venise 2013, dans le cadre de la Semaine internationale de la critique et au Toronto International Film Festival 2013 (section découverte) où il devrait être présenté le 10 septembre. Le film devrait sortir en France début 2014. Compte tenu de son caractère tabou, il n’est pas sûr que ce film voie le jour au Maroc. «Je vais déposer une demande d’autorisation de film au CCM –Centre cinématographie marocain- avant la fin de l’année », annonce l’écrivain. Dans cette interview, Abdellah Taïa explique le propos du film et les origines de ce dernier. Il parle également des difficultés rencontrées lors du tournage réalisé... au Maroc.

Le héros (interprété par Saïd Mrini) et son grand frère (joué par Amine Ennaji) © DR

Qu'est-ce qui vous poussé à faire un film, une autobiographie, sur quelque chose d'aussi intime que l'orientation sexuelle? S’agit-il d'un film militant ou plutôt d'un simple témoignage personnel?
C’est d’abord et avant tout un film, une œuvre. Le point de vue est personnel, le mien, intime. Il correspond à ma vision de la vie, du Maroc et comment ce pays traite ses individus, hétérosexuels ou homosexuels, en étouffant leurs aspirations à des libertés vraies, réelles et non pas inventées par je ne sais qui. Le héros est homosexuel et il est au Maroc, à Casablanca, au milieu d’une vie tout ce qu’il y a de plus marocain… Pour moi, écrire, créer ne peut pas venir du ciel : cela part toujours d’une perspective autobiographique, d’une vérité intime. D’une expérience réelle. Je n’ai pas peur d’assumer cette source d’inspiration et de trouver les moyens esthétiques adéquats pour la transformer en textes littéraires ou, comme maintenant, en un film. C’est cela le militantisme pour moi : suivre sa propre voie. Mieux : l’imposer à tous.

Quels sont les thèmes abordés par ce film ?
Le film, qui est adapté de mon roman «L’armée du salut» (Ed. du Seuil, 2006), est constitué de deux parties. La première suit le héros (interprété par le jeune Saïd Mrini) à l’âge de 15 ans, en train de se battre avec la réalité marocaine, opaque, très sexuelle et où le silence est roi. La deuxième partie se passe, dix ans plus tard: le héros, interprété à ce moment-là par Karim Aït M’Hand, vient d’arriver à Genève, il erre dans les rues, il n’a pas où dormir…

On connaissait Abdellah Taïa l'écrivain, mais on ne soupçonnait pas le réalisateur. Comment avez-vous basculé dans le cinéma?
Je suis obsédé par le cinéma depuis toujours. Je n’ai jamais rêvé de devenir écrivain. Dans tous mes livres, les références cinématographiques sont nombreuses : Souad Hosni, Salah Abou Seif, les films joués par Abdelhalim Hafez, Marilyn Monroe, Youssef Chahine, les feuilletons égyptiens, etc. Ma culture première est d’abord cinématographique. Je dois énormément au cinéma égyptien. Je ne dois pas être le seul d’ailleurs… Je ne suis pas devenu un réalisateur du jour au lendemain. C’est un rêve de longue date. Une décision sérieuse. Pour la réaliser, il m’a fallu toutes ces années. Il m’a fallu d’abord devenir écrivain. Apprendre à écrire des images.

Évoquer l'homosexualité est encore tabou au Maroc. En faire un film doit être encore plus difficile. Le film a été tourné au Maroc à quelles difficultés a-t-il été confronté?
Tout d’abord, je dois rendre un hommage sincère et ému à tous les techniciens Marocains qui ont travaillé sur ce film : ils ont été formidables, tous, sans exception. Aucun d’eux ne m’a jugé ou bien n’a jugé ce film par ce qu’il aborde un thème difficile, tabou. Les acteurs, y compris les plus jeunes, m’ont apporté beaucoup, beaucoup. Tout le monde savait le sujet du film. Je n’ai rien caché à personne. Tout le monde connaissait la réalité homosexuelle dont parle le film. Et je n’oublierai jamais, jamais, le soutien du grand acteur Amine Ennaji, qui joue le rôle du grand frère, durant toutes les étapes de fabrication de ce film. Le tournage a été difficile. Très tendu. Il avait eu lieu juste après les manifestations contre mes livres organisées par les étudiants islamistes de l’Université d’El-Jadida… On a d’ailleurs tourné pendant une semaine dans cette ville… Je vous laisse imaginer l’atmosphère et l’état dans lequel je me trouvais…

Le film est prévu pour le moment dans des festivals étrangers, mais pourra-t-il être projeté au Maroc à votre avis ?
Ce film dit une réalité marocaine. On y voit une famille marocaine, de l’intérieur, et les stratégies mises en œuvre par chacun pour sauver sa peau de l’oppression généralisée, le silence imposé à tous, y compris à ceux qui représentent la loi. On y suit un individu pauvre et très marocain qui fait face au rejet et qui, lui-même, fera du mal aux autres. Il n’y a aucune victime dans ce film. Juste une réalité marocaine, vraie, rude et, parfois, tendre. Mais c’est rare… Je souhaite de tout mon cœur que ce film sorte au Maroc. Je n’ai fait aucun mal au Maroc, en réalisant ce film. Je dis une vérité.

Pensez-vous que les mentalités au Maroc semblent plus disposées à accepter la réalité de l'homosexualité?
Les mentalités des Marocains bougent. Ce qui ne bouge pas, c’est le pouvoir qui ne veut toujours pas reconnaître à l’individu marocain ses droits à la liberté, à l’émancipation, à la laïcité… Je connais beaucoup de Marocains qui se battent, qui se sacrifient pour faire bouger les lignes. Nous devons tous les soutenir. Nous ne devons pas oublier le Mouvement du 20 Février qui, à mes yeux, représente justement ce Maroc conscient de ses droits et de la nécessité de mener un combat pour les obtenir.
http://www.h24info.ma/maroc/societe/abdellah-taia-je-souhaite-que-mon-film-sorte-au-maroc
 

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