Ajami", un exemple à suivre

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Ajami, dans les salles en France le 7 avril, est un chef-d'oeuvre, considère le quotidien israélien Ha'Aretz. Et le film prouve que Juifs et Arabes peuvent travailler ensemble à faire avancer la société.

07.04.2010 | Avirama Golan | Ha'Aretz



France
Courrier international
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Disons-le tout de suite : Ajami est un chef-d’œuvre à tout point de vue. Ce film est à la fois surprenant, poignant, fascinant, choquant et débordant d’humanité. Ecrit et tourné avec maestria, joué finement, il est également accompagné d’une magnifique bande originale. Ce film comporte toutefois une autre qualité rare, moins évidente : tourné en arabe, il a été écrit et réalisé par deux Israéliens, l'un juif, l'autre arabe. De quoi se sentir pousser des ailes.

Déjà des critiques se font entendre et reprochent à Scandar Copti d’avoir osé collaborer avec un Juif, Yaron Shani, pour tourner ce film. Certains décriront probablement ces deux réalisateurs comme un objet de curiosité, tandis que d’autres essaieront de les faire s’exprimer politiquement en fonction des intérêts des groupes de pression. Si seulement les cinéphiles du monde entier pouvaient ignorer ces manipulations vaines et plébisciter ce film en achetant leur place de cinéma. Ils devraient, car Ajami n’est pas seulement une enquête policière inspirée. Le film parvient également à nous raconter – avec cette économie de mots caractéristique des grandes œuvres – la dureté de la vie à Jaffa entre Arabes locaux et Arabes "extérieurs", mais aussi la complexité des confrontations armées entre Juifs et Arabes, musulmans et chrétiens, Arabes israéliens et Arabes des Territoires occupés.

Ajami est un film courageux. Ni obséquieux, ni racoleur, le propos n’est jamais arrogant ou cynique. Dur et éprouvant – et peut-être en est-ce la cause –, ce film est aussi plein d’humanité et de compassion. Le cœur du spectateur balance entre la mère du héros arabe de Jaffa, le "résident illégal" de Naplouse qui s’attire des ennuis à cause de sa mère mourante et le policier juif et brutal qui semble prendre du plaisir à haïr les Arabes.

Ne vous y trompez pas, ce film n’est pas apolitique. En réalité, c’est un film qui dépasse la simple question : des Juifs et des Arabes, qui a tort, qui a raison ? Sa force politique consiste à faire ce qu’aucun film israélien – voire aucune forme d’art israélien – n’avait fait auparavant : oser montrer la déroute de la société israélienne dans son ensemble. Ensemble, Juifs et Arabes sont en train de sombrer ; les Arabes, et surtout les pauvres, en premier.

Le conflit israélo-palestinien constitue la toile de fond du récit, mais les réalisateurs ne cèdent jamais à la tentation de la simplification. Tragédie accablante et désespérée, ce film est aussi une comédie humaine où les gens se mêlent les uns aux autres, comme les mots. La réalité de ce film n’est rien d’autre que la réalité pure et simple. Il s'agit de raconter la vie de ces Arabes, qui sont nés ici avant et après la création de l'Etat d’Israël [1948], qui se sentent ici chez eux et qui refusent de s’en aller. Certes, ce sont des Palestiniens et ils nourrissent un fort ressentiment contre Israël, mais ce sont aussi des citoyens israéliens, au même titre que les Juifs.

Un jour peut-être l’esprit du film inspirera la réalité. Un jour peut-être la société israélienne sortira de sa paranoïa, menaçant ses propres fondements, pour reconnaître la richesse des échanges entre les cultures juive et arabe et promouvoir la créativité plutôt que la haine et la violence.

La bande-annonce de Ajami :
 
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