Alain gardère, le préfet qui ne payait jamais

Combien de millions de pauvres en France ?
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Il ne voit pas le problème. Jamais. Et s'étonne même qu'on puisse s'étonner. Mis en examen depuis janvier 2016 pour une ribambelle d'infractions (abus d'autorité, corruption passive, prise illégale d'intérêts, recel d'abus de biens sociaux, détournement de fonds publics), l'ancien grand flic Alain Gardère a vu sa barque judiciaire s'alourdir cet été avec une série de nouvelles mises en examen. Toujours pour des infractions financières en lien avec ses activités, à l'exception d'une mise en examen pour blanchiment de fraude fiscale en lien avec une transaction immobilière soupçonnée d'avoir été sous-évaluée.
A la lecture de son interrogatoire-fleuve de près de dix heures dans le bureau de la juge d'instruction le 19 juillet dernier, on découvre un homme qui n'a eu de cesse de profiter de ses hautes fonctions pour en tirer divers bénéfices personnels. Qu'il s'agisse de son mandat de préfet délégué pour la sûreté des aéroports de Roissy et du Bourget (2012-2014) ou à la tête du Cnaps (Conseil national des activités privées de sécurité, l'organisme public chargé d'agréer et de contrôler toutes les entreprises de sécurité privées) entre 2014 et 2016, cet ancien membre du cabinet de Claude Guéant au ministère de l'Intérieur avait semble-t-il érigé le don contre-don en système.
Location de voiture « offerte » en Corse
En juillet 2015, Alain Gardère sollicite le directeur général d'une entreprise de sécurité pour qu'il lui réserve une voiture à l'aéroport de Figari (Corse-du-Sud) pour ses vacances — des congés qu'il va d'ailleurs gracieusement passer chez le patron... d'une entreprise de sécurité. Le directeur général, qui a ses habitudes sur l'Ile de Beauté, parvient à débloquer la situation malgré la haute-saison. « J'ai demandé à payer et on m'a dit que la location était prise en charge. Ce n'était pas comme ça que je voyais les choses », assure Alain Gardère, qui certifie avoir ensuite proposé de rembourser la facture de 531,41 euros au dirigeant. Ce dont ce dernier n'a aucun souvenir, fustigeant même une façon de faire « grossière et malhonnête ». « Peut-être qu'il n'a pas entendu », se défend le haut fonctionnaire déchu.
Un repas « malheureusement offert » dans un resto chic
Mais la juge n'en reste pas là. Et pose les questions qui fâchent. « S'agissant d'un chef d'entreprise soumis à la surveillance et au contrôle du Cnaps, ce genre de cadeau ne vous a-t-il pas semblé porter atteinte à votre indépendance ? » « Ce n'est pas en tant que directeur du Cnaps que je me suis adressé à lui mais en tant qu'Alain Gardère », réplique ce dernier. « N'avez-vous jamais estimé problématique d'entretenir autant de relations personnelles avec des dirigeants d'entreprise soumis à l'autorité et au contrôle du Cnaps ? Où avez-vous fixé vos limites, si vous vous en êtes fixé », poursuit la juge qui, manifestement guère convaincue par les réponses, revient trois fois à la charge.
La magistrate évoque ensuite ce repas pris par Alain Gardère et sa compagne en septembre 2015 au Jules Verne, le restaurant de la tour Eiffel, et dont la réservation a été prise par ce même directeur général. « Malheureusement, à la fin du repas, on m'a dit que c'était offert (NDLR : l'addition se montait à 544 euros). Ce n'était pas mon intention. C'était gênant, même très gênant », relate Alain Gardère, décidément bien malchanceux quand il veut sortir son portefeuille. En contrepartie, l'ancien ponte de la police parisienne, mis en examen pour corruption passive dans ce volet, est soupçonné d'avoir aidé l'entreprise à obtenir un marché. Ce que l'ancien préfet et l'entrepreneur réfutent.
Un iPhone 6 pour son fils
La suite de l'audition est à l'avenant. Ainsi de ce chef d'entreprise dont il a reçu plusieurs cadeaux (invitations en vacances, au restaurant, en loge au Stade de France) et dont il est soupçonné d'avoir favorisé les affaires : « Étiez-vous suffisamment indépendant de lui pour, par exemple, faire diligenter des contrôles sur ses sociétés [...] ? » interroge la juge. « Oui, bien sûr », assure Alain Gardère, qui n'échappera pourtant pas à une mise en examen supplémentaire pour trafic d'influence passif.
Jamais avare d'une ristourne, l'ex-grand flic sollicite en septembre 2015 le patron d'une société de surveillance pour obtenir un iPhone 6 pour son fils. Un cadeau payé par l'entreprise, qu'il ne remboursera jamais. « Ne vous paraît-il pas évident qu'en échange des présents que vous procure monsieur S., celui-ci attend en retour des décisions favorables dans le cadre de son activité sociale ? » interroge inlassablement la juge d'instruction. « Non », répond à nouveau son interlocuteur qui, là

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