
Paris, 1962. Les militantes du FLN à leur sortie de la prison de femmes de Rennes, avant leur retour à Alger.
Elles sont une quinzaine de militantes du Front de libération national (FLN), incarcérées à la prison de femmes de Rennes pour leur participation à la lutte armée en Algérie, condamnées à de lourdes peines, dont celle de mort pour les poseuses de bombes. À leur libération, suite aux accords d’Évian en mars 1962, elles sont hébergées dans un appartement parisien mis à leur disposition par la Cimade avant leur retour à Alger, cornaquées par des membres du FLN.
C’est dans cet appartement, introduit par la journaliste et militante anticoloniale Michèle Firk, que le réalisateur Yann Le Masson recueille, dans un entretien aux allures de réunion politique, la parole de ces jeunes femmes, combattantes déterminées à construire une Algérie indépendante socialiste et égalitaire. Mais il ne réalise pas ce film. Les bobines sont retrouvées quelque quarante ans plus tard, sans la bande-son, et remises à Raphaël Pillosio, qui accepte de continuer le projet.
Retrouver les voix. C’est l’enquête à laquelle il se consacre durant cinq ans, entre la France et l’Algérie, sur la trace des héroïnes du film.
Révolutionnaires à l’affiche
Elles sont saisissantes, sur l’affiche : nombreuses, jeunes, semblables et différentes. Les unes contre les autres, réunies par les épreuves. Libres. Toutes déterminées. Aucune d’entre elles n’est voilée, nous renvoyant à un autre temps. Celui où les femmes pouvaient prendre les armes et le maquis, s’engager corps et âme pour l’indépendance de leur pays et leur propre libération des contraintes sociétales et patriarcales, dans une rupture radicale d’avec les normes traditionnelles.Les images muettes qui ouvrent le film sont empreintes de puissance et d’ancrage. Celles d’une quinzaine de femmes qui, près de soixante ans après ce moment saisi sur la pellicule, se retrouvent riches d’un pays et d’une histoire mais orphelines d’une révolution qui n’a pas tenu les promesses qu’elles en attendaient.
Dans son propre film, Raphaël Pillosio s’intéresse à la manière dont les combattantes qu’il a retrouvées ont vécu leur sortie de prison, sans nouvelle place dans la société, et à la façon dont elles vivent le présent avec son lot de désillusions répétées. La révolution algérienne avait été un phare pour les luttes de libération nationale, tant au regard de la conquête de l’autodétermination que de celle d’une société plus égalitaire qui allait remettre en cause le rôle de soumission assigné aux femmes.