Altice : Le scandale de corruption qui fragilise l'empire des télécoms de Patrick Drahi

L'affaire éclabousse tout le groupe Altice. Depuis l'arrestation d'Armando Pereira, le cofondateur de la société de télécommunication, au Portugal, le 13 juillet, dans le cadre d'un scandale de corruption, l'empire de Patrick Drahi se retrouve dans la tourmente. Car le bras droit du milliardaire a été pris dans un coup de filet qui a conduit les enquêteurs à mener une série de perquisitions, notamment au siège de l'entreprise à Lisbonne.

Ces révélations ont eu des conséquences en cascade : plusieurs dirigeants ont été suspendus, dont le PDG de la branche américaine d'Altice, Alexandre Fonseca, nommé en mars et précédemment à la tête de la filiale portugaise. En France, les premières secousses se font sentir, avec la suspension de ses fonctions, mercredi 2 août, d'une dirigeante d'Altice France, maison mère de SFR, dans le cadre d'une enquête interne.

De quoi Armando Pereira est-il accusé ?​

Poursuivi avec quatre autres personnes et assigné à résidence, Armando Pereira est soupçonné de 11 délits dans le cadre de l'"opération Picoas", une enquête pour corruption et blanchiment d'argent qui met en cause plusieurs responsables ou anciens cadres d'Altice, selon le ministère public portugais. Cet "ami de toujours de Patrick Drahi" avait acquis "un prestige et une influence sans égal" dans son empire, d'après Le Figaro. C'est lui qui a fondé Altice avec le milliardaire français et il était encore, depuis un an, le conseiller du PDG et du comité exécutif d'Altice France.

Armando Pereira a réfuté, par l'intermédiaire de son avocat, les soupçons qui pèsent sur lui. Il est notamment accusé d'avoir mis en place un réseau de fournisseurs douteux, au centre de la politique d'achat du groupe, et par lesquels il aurait prélevé des sommes importantes. Les enquêteurs s'intéressent notamment à la vente d'immeubles qui aurait lésé l'Etat portugais et Altice à hauteur de plusieurs millions d'euros. Mi-juillet, Altice a déclaré dans un communiqué "poursuivre ses activités" normalement et "coopérer avec les autorités" dans l'enquête en cours.
 

Quelles sont les conséquences en France ?​

Lors d'un comité social et économique, Arthur Dreyfuss, le PDG d'Altice France, a annoncé avoir suspendu la directrice exécutive des contenus, acquisitions et partenariats du groupe, Tatiana Agova-Bregou, mise en cause dans des écoutes de la justice portugaise, selon des sources syndicales à l'AFP, Le Monde et des médias portugais. D'après le journal Sabado, Tatiana Agova-Bregou aurait bénéficié de luxueux cadeaux et d'une propriété en région parisienne de la part d'Armando Pereira. Dans un communiqué transmis par ses avocats au Monde, Tatiania Agova-Bregou "s'étonne que son nom soit associé aux supposées malversations financières qu'auraient commises des personnes au sein du groupe Altice" et "estime n'avoir commis aucun acte répréhensible".

D'autres mesures pourraient être prises en France, "dans les prochains jours ou semaines", a déclaré Arthur Dreyfuss mercredi, sans qu'il ne s'agisse selon lui d'une "chasse aux sorcières". Lors du comité social et économique, les acteurs sociaux ont voté à l'unanimité une résolution exigeant "la plus grande transparence sur les audits qui vont être menés dans le groupe Altice France" et "l'ouverture d'une discussion pour s'accorder sur les modalités de participation des élus et de leur expert aux enquêtes et audits", rapporte l'AFP. "L'Unsa attend de l'enquête interne qu'elle s'assure qu'il n'y a pas de système de prédation des richesses à l'intérieur du groupe", a déclaré le syndicat majoritaire au sein du groupe.

Car l'inquiétude et l'amertume dominent chez les salariés, qui s'étaient battus contre un important plan social en 2021. "Si les salariés ont été lésés, il faudra leur payer une contrepartie", a ainsi réagi Abdelkader Choukraine, délégué du syndicat Unsa, à l'AFP. "Au quotidien, les dépenses sont la chose la plus surveillée dans le groupe. C'est d'une telle ampleur, tellement disproportionné par rapport aux contrôles qu'on subit quotidiennement, qu'il y a forcément eu un problème au niveau du contrôle et de la gouvernance de l'entreprise", a renchéri Olivier Lelong, délégué à la CFDT. Les dirigeants du groupe assurent pour le moment avoir découvert ces pratiques le 13 juillet. "On n'est jamais trahi que par les siens", a déclaré Arthur Dreyfuss, désireux d'ouvrir "une nouvelle page".

Comment cela affecte-t-il les finances du groupe ?​

Altice est déjà confronté à un lourd endettement, au moment où les taux d'intérêt remontent. "La valeur des obligations émises par les différentes sociétés du groupe est sous pression, preuve de la nervosité grandissante des créanciers d'Altice", souligne Le Monde. Car ces soupçons de pratiques frauduleuses pourraient créer un "effet boule de neige". "Il est difficile d'imaginer que cette affaire portugaise n'ait aucun impact sur Altice France", appuie François Baudet, analyste financier chez Spread Research, dans le quotidien du soir.

Or la situation financière est déjà tendue. "Si Altice USA, Altice International et Altice France ont chacun leurs créanciers, l'endettement cumulé des trois entités atteint 60 milliards de dollars", avance Le Figaro. A elle seule, Altice France, qui détient SFR, "le principal actif du groupe de Patrick Drahi et dont la gestion était surveillée au quotidien par Armando Pereira", enregistre, d'après Le Monde, près de 24 milliards d'euros de dette.

Une situation qui a poussé Patrick Drahi à envisager de prendre la parole devant les investisseurs et créanciers les 7 et 8 août, à l'occasion des résultats semestriels d'Altice France et d'Altice International. Cette présence "rarissime" témoigne "de la gravité de la situation", souligne Le Figaro.
 
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