A
AncienMembre
Non connecté
une excellente analyse:
https://www.lepoint.fr/politique/en...e-foulard-islamique-12-01-2016-2009177_20.php
En France, "on a choisi de diaboliser le foulard islamique"
En s'appuyant sur l'observation de la réalité, le sociologue Farhad Khosrokhavar souligne les effets contre-productifs de l'interdiction du port du voile. Propos recueillis par Émilie Lanez
le 12/01/2016
Farhad Khosrokhavar, directeur d'étude à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) et auteur d'une dizaine de livres, dont "Radicalisation" (Maison des Sciences de l’Homme) ou "Les nouveaux martyrs d'Allah" (Paris, Flammarion, 2002). © DAMIEN MEYER AFP
Le sociologue et directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (Ehess), Farad Khosrokhavar, affirme qu'il existe plusieurs façons de porter le foulard islamique en France. À l'opposé de Nadia Hamour, déléguée nationale à l'intégration chez Les Républicains, l'auteur de Radicalisation , publié par la Maison des Sciences de l'Homme, souligne les effets contre-productifs de l'interdiction du port de tous signes religieux à l'école. Entretien.
Le Point : Combien de femmes portent le voile intégral aujourd'hui en France ?
Farhad Khosrokhavar : On ne le sait pas puisque ces enquêtes statistiques sont interdites. Nous savons en revanche que le port du voile intégral s'étend dans toute l'Europe, pas seulement en France. Il n'est donc pas uniquement une réaction à la crispation autour de la laïcité.
Que voulez-vous dire ?
Les lois interdisant tout port de signe religieux à l'école et dans les services publics ont vingt ans. Or je crains qu'elles n'aient pas eu que de bons côtés. En voulant déceler dans chaque foulard un signe de fondamentalisme, les autorités ont rigidifié le débat. Il est devenu impossible pour des femmes de confession musulmane de porter un foulard modéré, un foulard qui signifie pour elles quelque chose dans leur rapport à Dieu, tant ce tissu est aussitôt assimilé à une régression hyperfondamentaliste. Il y a pourtant plusieurs types de foulards : le foulard individuel sans aucun prosélytisme, le foulard fondamentaliste avec un sens développé de prosélytisme, le foulard provocateur (on provoque ceux qui vous refusent une identité « musulmane »), le foulard hermétique (le voile intégral) marqué par l'adhésion au salafisme pur et dur… Mettre dans le même sac tous les foulards, c'est donner un sens « intégriste » à l'ensemble alors que nombre de femmes le portent dans un sens non fondamentaliste.
Connaît-on les motivations des Françaises qui portent le voile intégral ?
C'est diversifié. Il y a là un phénomène religieux, politique et identitaire. Un quart des femmes intégralement voilées sont des converties, ce qui implique qu'elles ne le portent pas par tradition musulmane, par culture de leur pays d'origine. Elles l'ont choisi, elles répondent à une logique de conviction. D'autres femmes le portent en se conformant à une identité sectaire, ce sont les épouses ou les filles ou encore des actrices salafistes. Elles se sentent appartenir à un groupe élu, elles affirment leur repli, elles sont dans une distanciation absolue à l'endroit de la société française, elles privilégient ce qu'elles perçoivent comme les lois d'Allah sur celles de la République : elles sont sectaires comme les salafistes quiétistes, mais pas violentes. Et les djihadistes, en règle générale, ne se recrutent pas parmi les salafistes quiétistes. Ceci étant vrai pour les femmes tout autant que pour les hommes.
https://www.lepoint.fr/politique/en...e-foulard-islamique-12-01-2016-2009177_20.php
En France, "on a choisi de diaboliser le foulard islamique"
En s'appuyant sur l'observation de la réalité, le sociologue Farhad Khosrokhavar souligne les effets contre-productifs de l'interdiction du port du voile. Propos recueillis par Émilie Lanez
le 12/01/2016
Farhad Khosrokhavar, directeur d'étude à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) et auteur d'une dizaine de livres, dont "Radicalisation" (Maison des Sciences de l’Homme) ou "Les nouveaux martyrs d'Allah" (Paris, Flammarion, 2002). © DAMIEN MEYER AFP
Le sociologue et directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (Ehess), Farad Khosrokhavar, affirme qu'il existe plusieurs façons de porter le foulard islamique en France. À l'opposé de Nadia Hamour, déléguée nationale à l'intégration chez Les Républicains, l'auteur de Radicalisation , publié par la Maison des Sciences de l'Homme, souligne les effets contre-productifs de l'interdiction du port de tous signes religieux à l'école. Entretien.
Le Point : Combien de femmes portent le voile intégral aujourd'hui en France ?
Farhad Khosrokhavar : On ne le sait pas puisque ces enquêtes statistiques sont interdites. Nous savons en revanche que le port du voile intégral s'étend dans toute l'Europe, pas seulement en France. Il n'est donc pas uniquement une réaction à la crispation autour de la laïcité.
Que voulez-vous dire ?
Les lois interdisant tout port de signe religieux à l'école et dans les services publics ont vingt ans. Or je crains qu'elles n'aient pas eu que de bons côtés. En voulant déceler dans chaque foulard un signe de fondamentalisme, les autorités ont rigidifié le débat. Il est devenu impossible pour des femmes de confession musulmane de porter un foulard modéré, un foulard qui signifie pour elles quelque chose dans leur rapport à Dieu, tant ce tissu est aussitôt assimilé à une régression hyperfondamentaliste. Il y a pourtant plusieurs types de foulards : le foulard individuel sans aucun prosélytisme, le foulard fondamentaliste avec un sens développé de prosélytisme, le foulard provocateur (on provoque ceux qui vous refusent une identité « musulmane »), le foulard hermétique (le voile intégral) marqué par l'adhésion au salafisme pur et dur… Mettre dans le même sac tous les foulards, c'est donner un sens « intégriste » à l'ensemble alors que nombre de femmes le portent dans un sens non fondamentaliste.
Connaît-on les motivations des Françaises qui portent le voile intégral ?
C'est diversifié. Il y a là un phénomène religieux, politique et identitaire. Un quart des femmes intégralement voilées sont des converties, ce qui implique qu'elles ne le portent pas par tradition musulmane, par culture de leur pays d'origine. Elles l'ont choisi, elles répondent à une logique de conviction. D'autres femmes le portent en se conformant à une identité sectaire, ce sont les épouses ou les filles ou encore des actrices salafistes. Elles se sentent appartenir à un groupe élu, elles affirment leur repli, elles sont dans une distanciation absolue à l'endroit de la société française, elles privilégient ce qu'elles perçoivent comme les lois d'Allah sur celles de la République : elles sont sectaires comme les salafistes quiétistes, mais pas violentes. Et les djihadistes, en règle générale, ne se recrutent pas parmi les salafistes quiétistes. Ceci étant vrai pour les femmes tout autant que pour les hommes.