Arrêté à Marseille, le djihadiste syrien Majdi Mustafa Nema séjournait en France en règle

Drianke

اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
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Que faisait-il en France? Majdi Mustafa Nema, un Syrien de 31 ans arrêté par les gendarmes pour « crimes de guerre », « tortures » et « complicité de disparitions forcées » à Marseille (Bouches-du-Rhône), mercredi 29 janvier, habitait en plein centre-ville, dans le quartier de Noailles, où il partageait un modeste appartement en colocation. Il était étudiant à l'université Marseille-Provence dans le cadre d'un programme d'échange Erasmus.

L'enquête cherche à retracer son parcours. Les investigations, menées par le pôle crime contre l'humanité du parquet national antiterroriste et l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité, les génocides et les crimes de guerre s'orientent vers ses nombreux contacts, les conditions de son entrée en France et ses voyages en Europe, notamment en Italie. Majdi Mustafa Nema se trouvait en situation régulière en France : il avait obtenu un visa Schengen (espace de sécurité de l'Union européenne) délivré par le consulat de France à Istanbul (Turquie).

Ancien officier déserteur de l'armée de Bachar el-Assad

L'ex-combattant est pourtant loin d'être un inconnu pour les services occidentaux. Dès le début de la révolution syrienne en 2011, cet ancien officier déserteur de l'armée de Bachar el-Assad avait rejoint les rebelles du groupe radical islamiste Jaysh al-Islam (armée de l'islam).

Ses quelque 20 000 combattants tenaient d'une poigne de fer, sous le régime de la charia, la loi islamique, le quartier de la Ghouta orientale, la grande banlieue de Damas. Ils sont notamment soupçonnés d'avoir enlevé et torturé quatre défenseurs des droits humains, dont l'icône de la révolution syrienne Razan Zaitouneh. Des victimes présumées mortes, mais dont le corps n'a jamais été retrouvé.

Sous le nom de guerre d'« Islam Alloush », Nema s'était imposé comme porte-parole de l'organisation et selon un témoin cité par la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) comme recruteur d'enfants soldats.

Autoproclamé chercheur, sans cacher son passé

Après avoir rompu avec Jaysh al-Islam, dans des conditions encore floues en 2016, l'islamiste avait gagné la Turquie, dont le régime est considéré dans les milieux diplomatiques occidentaux comme l'un des parrains politiques du groupe. Sans chercher à masquer son passé, il s'était refait une virginité sur les réseaux sociaux, se présentant comme un spécialiste de la géopolitique locale. À Istanbul, il explique fréquenter un cercle de réflexion, le « Toran Center for strategic studies », se définissant, selon un document diffusé sur Facebook, comme « chercheur spécialisé en affaires syriennes », notamment pour les questions « de sécurité et de terrorisme ». Il ne cache pas avoir été « profondément impliqué dans la révolution syrienne ».

C'est depuis Istanbul qu'il sollicite sous sa véritable identité la délivrance d'un visa pour étudier en France. Il rédige alors une lettre de motivation pour l'Institut de recherche sur le monde arabe et musulman (Iremam) de l'université Aix-Marseille, relevant du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il obtient le sésame valable à partir du 5 novembre 2019. « Un visa court séjour » a été délivré « sur la base d'un dossier complet », a confirmé ce jeudi la porte-parole du Quai d'Orsay, qui précise que les « services ministériels compétents », en l'occurrence ceux de l'Intérieur, ont été préalablement consultés. Le visa arrivait à expiration le 5 février.

En France, le groupe Jaysh al-Islam n'est pas considéré comme terroriste. Au moment de la délivrance du visa, Majdi Mustafa Nema n'était visé par aucun mandat d'arrêt, mais sa personnalité sulfureuse était connue. Et dès le mois de juillet 2019, son nom était cité dans une plainte de la FIDH visant les exactions de Jaysh al-Islam. Au cours de son audition, l'intéressé aurait indiqué avoir été également inscrit dans une université en Angleterre mais, selon une source proche du dossier, il a essuyé un refus. Majdi Mustafa Nema conteste les accusations portées contre lui.

 
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