Attentats en Turquie et paramilitaires laïcards

Pour les quelques personnes attentifs à l'actualité turque, les récents attentats du 27 juillet ont mené à se poser plusieurs questions légitimes. Existerait-il un lien entre le coup d'Etat juridique qui était en cours mené par l'établissement kémaliste et les attentats sanglants d'Istanbul, qui ont tué 18 personnes et en ont blessé 150 autres?

Notons que l'AKP a conduit une politique d'ouverture économique et politique pro-européenne, contre laquelle s'opposent violemment les ultra-nationalistes kémalistes.

Qui cherche à déstabiliser le gouvernement? La Turquie, nouveau tigre économique de l'Euro-méditerranée, est-elle menacée par un risque de guerre civile?

L'express avait écrit un article assez intéressant sur le sujet:
http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/l-heure-des-juges-en-turquie_540903.html

Aujourd'hui, les soupçons semblent se confirmer : un vaste complot (un vrai pour une fois) impliquant l'établissement kémaliste, l'armée, la mafia et des notables, est en passe d'être démantelé dans un procès où les révélations se succèdent. Un coup d'Etat possiblement préparé par "l'Etat profond" contre le parti conservateur au pouvoir :

En Turquie, le procès du gang "Ergenekon" s'ouvre dans une atmosphère électrique

L'affaire Ergenekon a éclaté en 2007, avec la découverte d'un stock d'armes et d'explosifs à Istanbul et l'arrestation d'anciens militaires. Le procureur fait le lien avec l'attaque du Conseil d'Etat en 2006, au cours de laquelle un juge avait été abattu par un avocat prétendument islamiste. La Turquie voit alors resurgir "l'Etat profond", avec l'espoir, cette fois, qu'il disparaisse.

Ce groupe militaro-mafieux qui agit dans l'ombre de l'Etat depuis une trentaine d'années a été impliqué dans la lutte anticommuniste menée de front dans les pays de l'Otan. Reconverti dans la contre-guérilla, il s'est rendu coupable de nombreuses exactions dans le Sud-Est, à majorité kurde. Plusieurs assassinats inexpliqués d'intellectuels ou de responsables politiques portent sa marque, selon l'enquête du journaliste Can Dündar sur "l'avant Ergenekon".
(...)
La procédure, trop lourde, pourrait aussi diluer les responsabilités. Et échouer dans sa tentative de démanteler l'organisation. Quel rôle a joué Dogu Perinçek, leader du parti des travailleurs, connu pour ses diatribes négationnistes contre le génocide arménien ? Beaucoup redoutent que les cerveaux militaires du gang n'échappent à cette "opération mains propres" à la turque.
(...)
Le procès doit déterminer si les inculpés, parmi lesquels figurent des avocats, des journalistes et des anciens généraux nationalistes, ont tenté d'organiser un coup d'Etat contre le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan. L'acte d'accusation compte plus de 2 500 pages.

http://www.lemonde.fr/international/articl...09233_3210.html
L’affaire Ergenekon : une justice impossible ?
par Marina Mielczarek

Article publié le 20/10/2008 Dernière mise à jour le 21/10/2008

Le procès du réseau Ergenekon, cellule clandestine accusée de tentative de coup d’Etat, s’est ouvert lundi près d’Istanbul. Les audiences prévues à la prison de Silivri à (à 50 km d’Istanbul) se sont ouvertes dans un climat de contestation et ont été marquées par de sérieux problèmes d’organisation.
2 455 pages d’acte d’accusation et des dizaines de meurtres
(...)
Ce n’est pas clairement dit, mais derrière l’affaire Ergenekon se cache le procès de l’ultranationalisme. Il suffit de constater l’origine du nom de cette cellule clandestine où se mêlent réseaux mafieux, politiques, militaires et nationalistes. Ergenekon, aujourd’hui ville morte au nord de l’Irak, est encore considérée comme le berceau mythique du peuple turc.

L’affaire Ergenekon a commencé en juin 2007 avec la découverte d’une cache d’armes dans un faubourg stambouliote.

Un numéro d’équilibriste pour la justice

En Turquie comme à l’étranger, les observateurs ont déjà averti : difficile d’y voir clair dans le réseau Ergenekon. La cour aura fort à faire pour évaluer les niveaux de responsabilité, démanteler la hiérarchie et surtout éviter les règlements de compte entre prévenus.

En effet, parmi les 86 accusés figurent des personnalités aux intérêts à première vue opposés. Face aux nationalistes et aux mafieux, on trouve un général à la retraite qui a révélé les liens entre la mafia et l’armée. L’avocat d’extrême droite Kemal Kerinçsinz se trouve aussi sur la liste, réputé pour sa traque des intellectuels parlant du « génocide arménien ».

Les 86 personnalités sont jugées pour « incitation à l’insurrection armée ; appartenance à une organisation terroriste ou encouragement à organiser un coup d’Etat pour renverser le Parti AKP actuellement au gouvernement (le Parti de la justice et du développement) ».

Selon l’acte d’accusation, Ergenekon aurait perpétré l’assassinat d’un juge du Conseil d’Etat en 2006 et prévoyait de liquider de nombreux acteurs de la vie publique. Les plus connus étant le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan ou l’écrivain Orhan Pamuk, Prix Nobel de littérature l’année dernière.

Pourquoi un tel succès auprès du public ?

La télévision, les médias en général se sont empressés lundi matin dans la salle d’audience et aux abords de la prison. La tâche est ardue tant ce procès illustre l’« état profond » qui sévit en Turquie, ce dont tout le monde parle et soupçonne dans le pays, sans pour autant connaître la part des tractations et des marchés conclus entre les diverses parties. Une sorte de nébuleuse souterraine, faite d’Etats dans l’Etat (l’armée, les ultranationalistes et les trafiquants d’armes).

En tous cas, pour la presse turque le but du réseau Ergenekon était d’instaurer un climat de chaos, de provoquer une intervention de l’armée turque connue pour ses quatre coups d’Etat dans le passé, et réputée pour ses actuelles velléités. L’an passé, lors des défilés contre le projet de loi sur le voile à l’université, l’armée avait menacé le gouvernement AKP d’intervenir pour défendre la laïcité.

A la lecture des éditoriaux, lundi, la question mérite d’être posée : comment différencier arrestations arbitraires d’une défense légitime de la sécurité publique ?

Comme le spécifie la manchette du journal Hurriyet, « Soit la justice met au jour un large complot et abat le fonctionnement de l’Etat profond, soit le procès dure des années sans résultat concret au risque de provoquer une grande frustration ».
http://www.rfi.fr/actufr/articles/106/article_73761.asp

A se demander qui représente réellement un danger pour la démocratie en Turquie, l'AKP ou les nationalistes...
 
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