Au Maroc, prenons-nous au sérieux la guerre cognitive?

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ChroniqueLa guerre cognitive et informationnelle s’avère souvent plus importante du point de vue stratégique que ne l’est la dimension militaire stricto sensu. Car on peut très facilement gagner une guerre sur le champ de bataille, tout en la perdant sur le terrain de l’opinion publique. La guerre du Vietnam en est un parfait exemple.​

Par Rachid Achachi



Aen croire les différents dictionnaires, la guerre serait une lutte ou une confrontation armée entre deux ou plusieurs Etats. Elle est régie par un ensemble de traités internationaux, qui visent à lui donner un caractère humain ou civilisé. L’oxymore pourrait en faire rire plus d’un, mais mon propos porte davantage sur la définition restrictive de ce mot.

Car depuis des décennies, plusieurs doctrines ont théorisé des changements profonds dans la nature même de la guerre. On parle désormais de guerre cognitive, hybride, psycho-informationnelle, économique, cybernétique...

Certes, la dimension armée demeure la plus pénible de toutes, autant pour les militaires que pour les civils, avec son lot de morts et de blessés. Mais la guerre cognitive et informationnelle s’avère souvent plus importante du point de vue stratégique que ne l’est la dimension militaire stricto sensu. Car on peut très facilement gagner une guerre sur le champ de bataille, tout en la perdant sur le terrain de l’opinion publique. La guerre du Vietnam en est un parfait exemple.

Au Maroc, prenons-nous au sérieux cette dimension éminemment stratégique? Par bien des aspects, la réponse est oui. Des efforts importants ont été réalisés sur le terrain médiatique et informationnel. Mais sur le terrain digital, beaucoup de choses restent à faire.

Dans cette perspective, disposer d’une armée digitale de trolls et de bots est désormais indispensable pour contrer la présence de parties hostiles sur les réseaux. Tous les pays ayant une politique extérieure autonome ou relativement autonome le font. Il n’y a donc pas de raison de ne pas le faire à notre tour.

Mais là où le bât blesse, c’est au niveau de la production de contenus et de data. Je parle ici, entre autres, des stocks d’images et de vidéos, à l’instar de Shutterstock, Envato, Pond5 et Freepik, à titre d’exemple.

Si l’exemple vous paraît trivial, détrompez-vous. Car toutes les présentations officielles dans le monde économique, celui des entreprises, mais aussi ceux culturel et politique, puisent leurs cartes sur ces sites. Et toute personne au Maroc travaillant dans l’infographie ou la communication sait à quel point il est quasiment impossible, ou du moins extrêmement compliqué, de trouver sur ces sites une carte du Maroc qui ne soit pas amputée de notre Sahara. Moi-même, il m’arrive de retravailler des cartes à l’aide de Photoshop pour restaurer visuellement notre intégrité territoriale.

Or, si nous Marocains sommes à juste titre pointilleux sur cette question, les millions d’entrepreneurs et usagers de ces sites de par le monde prennent les cartes qu’ils y trouvent comme étant une vérité et une norme, sans se poser la moindre question. Par conséquent, pas étonnant que des cartes amputées du Maroc se baladent tous les jours dans des millions de diapositives dans le monde.

La guerre des images ne fait certes souvent pas de morts, mais elle contribue à enraciner dans l’esprit de millions de personnes des contrevérités nuisibles à notre cause.

Que faire dans ce cas?

Premièrement, ces sites ne sont ni plus ni moins que des vitrines marchandes, qui mettent en vente des images réalisées par des infographistes professionnels ou par des amateurs avertis. Ce qui offre des possibilités aux Marocains d’investir ce champ en mettant massivement sur ces sites des cartes authentiques du Maroc. Cependant, on ne peut pas compter que sur des initiatives individuelles pour faire pencher sérieusement la balance en notre faveur. L’Etat doit sérieusement investir cette question et la percevoir du point de vue d’une guerre cognitive, qu’on n’a pas le droit de déserter.

Ce qui est valable pour ces sites l’est tout autant pour Wikipédia, ou encore ChatGPT, qui puise ses éléments de réponse dans la data disponible sur le web. Cette guerre de la data se joue ainsi sur une multitude de champs de bataille, dont celui de l’image, et d’un point de vue plus large, des contenus de toute sorte sur le net.

Quant à la dimension cognitive ou psycho-informationnelle, elle n’est ni plus ni moins que le produit d’un ensemble d’agencements intellectuels et émotionnels, réalisés à partir de la data disponible sur Internet.

Agissez sur la data, et vous agirez sur la structure mentale de ceux qui y puisent leur réflexion. Ignorez-la, et d’autres le feront à notre place.

Par Rachid Achachi
Le 03/08/2023 à 13h00
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Je me permets de remettre en visibilité ce commentaire de @Garlic (la discussion où il a été posté étant fermé) , il n'y a pas de lien direct avec le sujet - encore que - tout est imbriqué.

Comme sur beaucoup de sujets, l'échange se retrouve piégé dans un jeu rhétorique indécidable de minorité/majorité.

Ce cercle sans fin aboutit indéniablement à une aporie et produit deux effets indésirables :

- La Marocophobie représente une minorité => sa dénonciation pointée du doigt comme un appel à la division/haine/Fitna au lieu de se centrer sur ce qui est commun => censure

- Elle est au contraire majoritaire => pour les racistes occasion de s'en donner aux discours racistes à coeur joie + pour les non racistes simplifie la complexe tâche qui est celle de définir les contours de ce qu'on nomme ennemi

Or dans un cas comme dans l'autre, les affirmations de minorité/majorité ne sont fondées sur aucune observation empirique.
Dire que la marocophobie ne touche que la classe dirigeante est faux. La dichotomie Dirigeants/peuple est une absurdité, et dans tous les pays d'ailleurs.
De même, dire que tous les Algériens sont haineux est on ne peut plus faux.
Mais affirmer que les Marocophobes représentent la minorité ou la majorité est indécidable dans un cas comme dans l'autre.


Il y a un autre indicateur que je trouve plus quantifiable et bien plus parlant. Celui du seuil de tolérance.
La société châtie les moeurs, n'est-ce pas ?
A titre d'exemple, dans une société conservatrice, une jeune femme non mariée aura beaucoup de mal à avouer à ses parents qu'elle est enceinte même en supposant que la loi du pays autorise les relations consenties entre adultes.
Un exemple plus extrême, un pédophile même haut placé, à moins d'avoir perdu la tête ou d'être rongé par les remords, ne peut pas aller sur la place publique et déclarer qu'il l'est. Grande est la probabilité qu'il se fasse lyncher dans la minute avant même que la police ne soit au courant.

Maintenant, la haine est-elle tolérée/banalisée en Algérie ? Bien sûr que oui. Les propos haineux peuvent s'y exprimer de façon totalement décomplexée.
Il existe un gros problème de Marocophobie dans la société Algérienne. Problème d'autant plus accru que cette haine est institutionnelle, qu'elle se retrouve au coeur de l'idéologie politique dominante (qui a le pouvoir), et qu'elle est encouragée par le sommet de l'état.

Je pense que la réaction de certaines personnes, qui n'est pas raciste dans le fond même si elle en donne l'air (ce qui n'empêche pas que la réaction d'autres personnes le soit), n'est à la base que l'expression d'un souhait très légitime que l'Algérie fiche la paix au Maroc.
Et je crois qu'elle trouve ses racines parfois inavouées dans un sentiment d'impuissance face à ce qui est perçu comme un abandon des autorités Marocaines quant à la défense des Marocains, un manque de fermeté face aux incessantes attaques Algériennes, et des attitudes qui peuvent être jugées molles voire humiliantes.
M'est avis que l'état d'esprit de l'Etat Marocain est dicté par des choix (défis économiques, géopolitiques et sociaux, les nombreux chantiers en cours, la CDM 2030, souhait de se présenter en pôle de paix, d'ouverture et de stabilité, désir d'attirer des investissements ...) qui l'engagent et le contraignent à ne pas entrer dans des logiques de surenchère guerrière. Mais peut-être aussi y a-t-il quelque part la marque d'un pari fait par le souverain sur les générations futures ?! L'avenir en jugera.

Si je devais essayer de poser ma vision des choses, je le ferais en deux points:

1 - Oui il y a un très gros problème au sein de la société Algérienne qu'on ne saurait minimiser en le réduisant à la classe dirigeante. L'Algérie est un pays qui se veut ennemi et se considère en état de guerre contre le Maroc, et une masse significative d'Algériens tolère les thèses de ses dirigeants quand elle n'y adhère pas activement. C'est un sujet qui doit pouvoir être débattu librement.

2 - On n'est ni autorisé, ni éligible à sonder les intentions des individus. Il n'est pas permis de juger d'une personne en fonction de sa nationalité ou de son origine. ça ne facilite sûrement pas la tâche, mais c'est la vie et c'est comme ça. C'est le propre du réel que d'être complexe. C'est une banalité que de dire qu'il existe évidemment de nombreux Algériens qui cumulent les qualités en série et le réel le prouve tous les jours, comme il existe de non moins nombreux Marocains qui sont nocifs pour eux même, pour leur entourage, et pour leur société. Que ces Algériens soient minoritaires ou majoritaires ne devrait pas influer sur l'approche adoptée pour faire face au phénomène évoqué dans le point numéro 1.
 
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