Assalamou aalaykoum, Azul, Salut, Shalom,
Après 15 mois d’immersion dans une brigade anticriminalité, le sociologue Didier Fassin brosse un portrait affligeant de ces unités envoyées en territoire «ennemi».
Il y a d’abord ces détails, dont le symbole seul suffirait à illustrer le propos du chercheur : l’iconographie des écussons que se choisissent les policiers de la brigade anticriminalité (BAC) pour identifier leurs unités :
une barre d’immeubles prise dans un viseur de fusil à Courbevoie (Hauts-de-Seine),
une meute de loups devant des tours à Brunoy (Essonne), ou encore
une araignée prenant dans sa toile une cité à Colombes (Hauts-de-Seine).
Et il y a tout le reste. Ambiance suffocante pour celui qui s’y immerge.
Durant 15 mois, entre 2005 et 2007, le sociologue Didier Fassin a suivi les policiers d’une brigade anticriminalité (non identifiée) en banlieue parisienne.
Depuis la suppression de la police de proximité en 2003 par un Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur, ces BAC - policiers en civil patrouillant en voitures banalisées - sont devenues l’un des principaux visages de la police en zones urbaines sensibles (ZUS).
Dans son livre,la Force de l’ordre (Seuil), Didier Fassin en peint un affligeant tableau, succession de scènes où le ridicule et l’inutile le disputent à l’inacceptable en termes de violences et d’humiliations. Ce bilan à charge soulignant les dérives, l’inefficacité, voire la contre-productivité de cette police, rejoint le constat du récent rapport Kepel sur la banlieue ou même le dernier livre blanc sur la sécurité commandé par le ministère de l’Intérieur.
«Jungle».
Au-delà, l’anthropologue propose une lecture assez inédite des mécanismes sociologiques qui se jouent au quotidien entre ces policiers et les habitants de banlieues dites «sensibles». Ou comment, vue à travers les vitres d’une voiture banalisée, une population d’administrés est perçue comme une masse menaçante, présumée coupable ou complice d’une insécurité propre aux ZUS.
L’idée, et l’intérêt de la démarche de Didier Fassin, est de s’interroger sur les ressorts de cette hostilité. De son poste d’observation, Fassin a prêté une oreille attentive au vocabulaire des policiers. Pas seulement celui des dérapages, plus ou moins contrôlés en situations tendues, mais sur celui du quotidien au travail, durant ces longues heures d’attente entre deux appels d’urgence. 3 mots en particulier reviennent en boucle dans la bouche des gardiens de la paix : la «jungle», qui désigne la cité, «sauvages» pour délinquants, et le terriblement polysémique «bâtard» employé à tout-va, en guise de «type»,«gars», «individu».
Fassin décrit aussi l’emploi généralisé, mais non sanctionné, d’une terminologie ouvertement raciste - «crouille», «bougnoules» -, comme l’affichage décomplexé d’opinions d’extrême droite. Il raconte le poster Le Pen placardé dans un bureau du commissariat, les tee-shirts «732» (référence aux exploits de Charles Martel) portés en intervention, à la vue des administrés.
(suite en Page 2)
Après 15 mois d’immersion dans une brigade anticriminalité, le sociologue Didier Fassin brosse un portrait affligeant de ces unités envoyées en territoire «ennemi».
Il y a d’abord ces détails, dont le symbole seul suffirait à illustrer le propos du chercheur : l’iconographie des écussons que se choisissent les policiers de la brigade anticriminalité (BAC) pour identifier leurs unités :
une barre d’immeubles prise dans un viseur de fusil à Courbevoie (Hauts-de-Seine),
une meute de loups devant des tours à Brunoy (Essonne), ou encore
une araignée prenant dans sa toile une cité à Colombes (Hauts-de-Seine).
Et il y a tout le reste. Ambiance suffocante pour celui qui s’y immerge.
Durant 15 mois, entre 2005 et 2007, le sociologue Didier Fassin a suivi les policiers d’une brigade anticriminalité (non identifiée) en banlieue parisienne.
Depuis la suppression de la police de proximité en 2003 par un Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur, ces BAC - policiers en civil patrouillant en voitures banalisées - sont devenues l’un des principaux visages de la police en zones urbaines sensibles (ZUS).
Dans son livre,la Force de l’ordre (Seuil), Didier Fassin en peint un affligeant tableau, succession de scènes où le ridicule et l’inutile le disputent à l’inacceptable en termes de violences et d’humiliations. Ce bilan à charge soulignant les dérives, l’inefficacité, voire la contre-productivité de cette police, rejoint le constat du récent rapport Kepel sur la banlieue ou même le dernier livre blanc sur la sécurité commandé par le ministère de l’Intérieur.
«Jungle».
Au-delà, l’anthropologue propose une lecture assez inédite des mécanismes sociologiques qui se jouent au quotidien entre ces policiers et les habitants de banlieues dites «sensibles». Ou comment, vue à travers les vitres d’une voiture banalisée, une population d’administrés est perçue comme une masse menaçante, présumée coupable ou complice d’une insécurité propre aux ZUS.
L’idée, et l’intérêt de la démarche de Didier Fassin, est de s’interroger sur les ressorts de cette hostilité. De son poste d’observation, Fassin a prêté une oreille attentive au vocabulaire des policiers. Pas seulement celui des dérapages, plus ou moins contrôlés en situations tendues, mais sur celui du quotidien au travail, durant ces longues heures d’attente entre deux appels d’urgence. 3 mots en particulier reviennent en boucle dans la bouche des gardiens de la paix : la «jungle», qui désigne la cité, «sauvages» pour délinquants, et le terriblement polysémique «bâtard» employé à tout-va, en guise de «type»,«gars», «individu».
Fassin décrit aussi l’emploi généralisé, mais non sanctionné, d’une terminologie ouvertement raciste - «crouille», «bougnoules» -, comme l’affichage décomplexé d’opinions d’extrême droite. Il raconte le poster Le Pen placardé dans un bureau du commissariat, les tee-shirts «732» (référence aux exploits de Charles Martel) portés en intervention, à la vue des administrés.
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