BAC : les flics mis en examen

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Soleil assassiné
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Assalamou aalaykoum, Azul, Salut, Shalom,


Après 15 mois d’immersion dans une brigade anticriminalité, le sociologue Didier Fassin brosse un portrait affligeant de ces unités envoyées en territoire «ennemi».


Il y a d’abord ces détails, dont le symbole seul suffirait à illustrer le propos du chercheur : l’iconographie des écussons que se choisissent les policiers de la brigade anticriminalité (BAC) pour identifier leurs unités :
une barre d’immeubles prise dans un viseur de fusil à Courbevoie (Hauts-de-Seine),
une meute de loups devant des tours à Brunoy (Essonne), ou encore
une araignée prenant dans sa toile une cité à Colombes (Hauts-de-Seine).

Et il y a tout le reste. Ambiance suffocante pour celui qui s’y immerge.
Durant 15 mois, entre 2005 et 2007, le sociologue Didier Fassin a suivi les policiers d’une brigade anticriminalité (non identifiée) en banlieue parisienne.
Depuis la suppression de la police de proximité en 2003 par un Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur, ces BAC - policiers en civil patrouillant en voitures banalisées - sont devenues l’un des principaux visages de la police en zones urbaines sensibles (ZUS).

Dans son livre,la Force de l’ordre (Seuil), Didier Fassin en peint un affligeant tableau, succession de scènes où le ridicule et l’inutile le disputent à l’inacceptable en termes de violences et d’humiliations. Ce bilan à charge soulignant les dérives, l’inefficacité, voire la contre-productivité de cette police, rejoint le constat du récent rapport Kepel sur la banlieue ou même le dernier livre blanc sur la sécurité commandé par le ministère de l’Intérieur.

«Jungle».

Au-delà, l’anthropologue propose une lecture assez inédite des mécanismes sociologiques qui se jouent au quotidien entre ces policiers et les habitants de banlieues dites «sensibles». Ou comment, vue à travers les vitres d’une voiture banalisée, une population d’administrés est perçue comme une masse menaçante, présumée coupable ou complice d’une insécurité propre aux ZUS.

L’idée, et l’intérêt de la démarche de Didier Fassin, est de s’interroger sur les ressorts de cette hostilité. De son poste d’observation, Fassin a prêté une oreille attentive au vocabulaire des policiers. Pas seulement celui des dérapages, plus ou moins contrôlés en situations tendues, mais sur celui du quotidien au travail, durant ces longues heures d’attente entre deux appels d’urgence. 3 mots en particulier reviennent en boucle dans la bouche des gardiens de la paix : la «jungle», qui désigne la cité, «sauvages» pour délinquants, et le terriblement polysémique «bâtard» employé à tout-va, en guise de «type»,«gars», «individu».

Fassin décrit aussi l’emploi généralisé, mais non sanctionné, d’une terminologie ouvertement raciste - «crouille», «bougnoules» -, comme l’affichage décomplexé d’opinions d’extrême droite. Il raconte le poster Le Pen placardé dans un bureau du commissariat, les tee-shirts «732» (référence aux exploits de Charles Martel) portés en intervention, à la vue des administrés.

(suite en Page 2)
 

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«La racialisation est un effet essentiel de la relation entre les policiers et les habitants», observe Didier Fassin.

Depuis sa création, il y a 20 ans, la brigade qu’a suivie Didier Fassin n’a compté en ses rangs que des hommes blancs. La discrimination sexuelle est justifiée par des arguments d’efficacité. La discrimination raciale par des arguments xénophobes.
Cette discrimination, initialement imposée par un membre de la hiérarchie, en a entraîné une autre, naturelle : les volontaires pour intégrer ces unités correspondent à ce profil.
Quatre cinquièmes (4/5) des gardiens de la paix sont issus du monde rural ou de petites villes. En arrivant, ils connaissent des quartiers les représentations sociales qui en existent, celles que véhiculent les médias : un univers dangereux. Les policiers de la brigade qu’a suivie Didier Fassin étaient pour la plupart originaires du Nord - Pas-de-Calais, fils d’ouvriers, de mineurs, d’employés ou d’agriculteurs. Au bout de plusieurs années, leur connaissance du terrain se sera finalement peu étoffée.

Préjugés.

Les membres de la brigade étudiée par Fassin n’habitent pas ces cités, ce qui peut s’entendre pour des raisons de sécurité. Mais, plus surprenant, beaucoup ne vivent pas non plus en Ile-de-France, leur région d’affectation. Grâce au système de récupérations, en travaillant 4 jours d’affilée, ils partagent des appartements à plusieurs et rentrent «chez eux» le reste de la semaine.
Selon Fassin, cette double distance (origine socioculturelle et géographique) participe du sentiment d’hostilité vis-à-vis de ce monde - la banlieue - qui n’est pas le leur, confortant d’initiaux préjugés culturalistes.
Mécanisme entretenu depuis une dizaine d’années par des directives politiques où la rhétorique volontiers belliqueuse («reconquérir les zones de non-droit», «déclarer la guerre à la délinquance») et truffée de références sur une identité et une cohésion nationale menacées vient valider cette idée que la population des banlieues constituerait en soi un «ennemi». A réprimer, plutôt qu’à protéger.

http://www.liberation.fr/societe/01012372244-bac-les-flics-mis-en-examen
 

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Une brigade qui tient du «sketch»

Des policiers ne se reconnaissent pas dans la description de la BAC étudiée par Fassin.


Du point de vue de plusieurs policiers, la BAC que Didier Fassin a suivie reste «atypique» ou «marginale».
Notamment en termes d’activité ou d’efficacité : elle part en maraude la plupart du temps sans rien trouver et finit par s’ennuyer au bureau.

Or, les BAC ont plutôt tendance à pratiquer «le saute-dessus» à tour de bras. D’ordinaire, on leur reproche d’en faire trop et d’arrêter à tout-va les consommateurs de cannabis et les étrangers sans papiers juste pour faire monter le taux d’élucidation des délits.

Le syndicaliste d’Unité SGP Police Yannick Danio évoque cette suractivité : «Sur instructions, on fait du "shiteux" et de l’ESI [étrangers en situation irrégulière, ndlr]. Mais la dictature du chiffre n’est pas révélatrice d’une efficacité. Sinon, le problème de la délinquance serait réglé depuis dix ans.»


«Play-Boy».

Danio connaît des BAC «où les collègues ne ressemblent pas aux racistes du livre», et même «une Beurette à la BAC du XIXe»arrondissement de Paris.
Personne ne nie que des injures comme «crouilles», «bougnoules» ou «sauvages» s’entendent chez certains flics.

Mais l’affiche de Le Pen au commissariat et le port de tee-shirts «732» en intervention étonnent le commissaire Jean-Cyrille Reymond, de la Direction centrale de la sécurité publique : «C’est un sketch, cette BAC ! C’est sidérant si cela existe pour de vrai.»

Pour le commissaire, à la tête de la division des unités territoriales et de l’ordre public, «il revient au chef de service d’interdire des vêtements avec des signes de ce genre et de déchirer ce type d’affiches d’extrême droite dans les cinq minutes», celles de «Play-Boy, comme pour les camionneurs», étant parfois «tolérées».

Pour un officier de la Direction générale de la police nationale (DGPN), «c’est insupportable» : «Les imbéciles qui s’amusent à arborer ces insignes ou à afficher des appartenances politiques n’ont rien à faire dans une police républicaine. S’ils sont identifiés, ils seront sévèrement sanctionnés.»

Seuls points d’accord avec le chercheur : la «fracture entre la police et la population s’est aggravée depuis dix ans, surtout dans les quartiers», selon Danio.

Ainsi que le double éloignement socioculturel et géographique.
«Chez les gardiens de la paix, 80% des recrues affectées en région parisienne viennent de province, de petites villes ou des campagnes, explique le commissaire Reymond. Leur objectif étant de retourner chez eux, les Bretons demanderont les Yvelines, les Ch’tis le Val-d’Oise.»

«Hasardeux».

Le travail en «4/2» (quatre jours de travail puis deux de congé) incite, selon l’officier de la DGPN, «les jeunes fonctionnaires qui n’ont pas encore tissé de relationnel à Paris à rentrer en province les jours de repos. Mais de là à tirer des généralités de cette étude ancienne et limitée à une BAC, c’est hasardeux».

Yannick Danio déplore que Didier Fassin se soit «cantonné à une BAC de circonscription».
Mais l’anthropologue n’a pas obtenu l’autorisation du ministère de l’Intérieur de poursuivre ses recherches dans un autre service.

http://www.liberation.fr/societe/010...ient-du-sketch
 

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A Grigny, «on a l’impression d’être des animaux»

Reportage auprès d’une population confrontée aux provocations des forces de l’ordre.

http://www.liberation.fr/societe/010...re-des-animaux

Sarah (1) s’en veut. La dernière fois que cette jeune femme de 29 ans, animatrice dans le quartier de la Grande Borne, à Grigny (Essonne), a eu affaire à la police, elle a craqué. C’était pourtant lors d’un contrôle «normal», comme elle a visiblement l’habitude d’en subir régulièrement.

«Ils nous contrôlent tout le temps, on ne sait même pas pourquoi, ça rend dingue.»
Parfois, elle se demande si ce n’est pas à cause du voile qu’elle porte.
«Bon, là, précise-t-elle, c’était de ma faute, je m’étais garée en warning devant la Poste.» Sarah leur tend ses papiers.
«Ils ont lu mon adresse tout fort et se sont moqués. Il y en a un qui disait qu’on est des clochards et que c’est pour ça qu’on nous parque dans des cages à lapins.»

Sarah se sent humiliée. «J’ai craqué, j’étais à bout, je leur ai dit d’aller se faire foutre.»
Elle s’est pris une amende. Mais ça aurait pu être pire, elle aurait pu «prendre un outrage».

«Durs».

«Outrage ou rébellion contre une personne dépositaire de l’autorité publique» : l’épée de Damoclès pour ceux qui, dans ce quartier populaire, subissent ce qu’ils appellent les «provocations» de la police. Pour Sarah, il faut faire attention de ne pas tomber dans ce piège : «Ils n’attendent que ça.»

Il y a une dizaine d’années, son frère est mort d’une balle tirée par des policiers lors d’une course-poursuite. Pour un responsable de centre social de la Grande Borne, un drame comme celui-ci constitue un marqueur indélébile dans l’imaginaire collectif du quartier : «Cela vient s’ajouter à une exaspération nourrie par le comportement au quotidien de la police avec les habitants qui, au lieu d’assurer la paix, attise des tensions.»

Ce jour-là, à la Grande Borne, nous n’avons trouvé personne pour ne pas dire du mal de la police. Josye, la cinquantaine : «Même avec nous, ils agissent mal, ils sont durs.»
«Nous» ?
Des gens comme elle, parents, grands-parents, qui ont pour seuls dénominateurs communs d’habiter le quartier et souvent d’être d’origine immigrée. Dernièrement, raconte-elle, «ils m’ont tapé sur le bras juste pour me dire d’avancer plus vite à la sortie d’un match où il y avait du monde». Elle mime le geste, celui d’un gardien de troupeau qui rudoierait ses bêtes pour les faire avancer :«On a l’impression d’être des animaux.»
 

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Capot.

Chez les jeunes, les expériences sont plus violentes.
«D’abord, il y a le tutoiement. Systématique. Après, la palpation. Ils font ça devant tout le monde. Ils se comportent comme s’ils avaient tous les droits. Et tu te retrouves toujours en tort, même quand tu es victime», résume Amine, qui a grandi à la Grande Borne.
Il ressent toujours la même chose quand la police débarque : «J’ai peur d’avoir fait une connerie. Ça rend complètement parano.»

Mohamed, lui, décrit des rapports «qui sont toujours des rapports de force». Des contrôles où l’on se retrouve plaqué sur le capot avec les menottes. «Quand tu grandis, tu sais qu’il faut rester calme, ne pas répondre aux provocations. Mais les plus jeunes tombent dans le panneau et c’est l’escalade.»

Avec le recul (il a la trentaine), Mohamed a plutôt tendance à se moquer de ces policiers «qui essaient de ressembler à des jeunes de quartier» et qui ont «l’air de jouer à la guerre».

(1) Les prénoms ont été modifiés.
 

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«Etudier la police est devenu quasi impossible»

Didier Fassin, sociologue, explique les conditions dans lesquelles se sont déroulées ses recherches :

Prof de sciences sociales à Princeton (New Jersey) et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Didier Fassin a suivi, de 2005 à 2007, une BAC en banlieue parisienne. Avant d’interrompre son enquête, faute d’autorisation du ministère.

La méthode de votre enquête et la façon de la raconter constituent une démarche assez inédite pour un chercheur.
Pourquoi ce choix ?


L’ethnographie, l’observation prolongée de la vie d’une collectivité humaine, fait partie des sciences sociales, mais n’avait jamais été employée en France pour étudier la police sur le terrain. Rendre compte de mon enquête a cependant été difficile. Je voulais à la fois analyser les faits de la manière la plus rigoureuse possible et permettre aux lecteurs de les appréhender en tant que citoyens. Ce qui se passe dans les quartiers me semble trop méconnu et trop important pour n’être discuté que dans le monde de la recherche.

On est frappé par l’absence d’autocensure des policiers. Comment se fait-il qu’en votre présence, ils s’adonnent à des comportements racistes, discriminatoires, voire violents ?


Ma présence a certainement modifié leurs pratiques. Les policiers me disaient parfois : «Si vous n’aviez pas été là, ça se serait plus mal passé.»Avec le temps, ils se sont habitués à ce que je sorte avec eux et ils ne se sont guère censurés, ni dans leurs mots ni dans leurs actes. Il est remarquable qu’ils aient pu considérer ce que je rapporte comme n’ayant pas besoin d’être dissimulé à un chercheur.

Ce que vous décrivez est proche de la réalité dont témoignent les jeunes des quartiers populaires. La parole du chercheur est-elle nécessaire pour attester cette réalité ?
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J’ai voulu corriger la double injustice qui fait que les victimes de cette exception sécuritaire ne sont pas entendues lorsqu’elles disent ce qu’elles vivent. Je ne veux pas substituer ma parole à la leur, mais j’espère que ce que j’écris permettra de comprendre l’expérience de la police dans les banlieues. Le chercheur a une légitimité que le jeune de cité n’a pas.


Vous écrivez que cette enquête constitue aujourd’hui une «improbable aberration», tant le ministère de l’Intérieur contrôle désormais toute la recherche sur l’institution policière.
Pourquoi ce verrouillage ?


Il n’a jamais été facile d’étudier la police. Mais ces dernières années, c’est devenu quasiment impossible. La moindre demande remonte jusqu’au ministre qui oppose un refus poli. En fait, la politique sécuritaire, qui s’appuie à la fois sur la croyance que la délinquance et la criminalité minent notre société (alors qu’elles sont, au moins pour les faits les plus graves, en diminution depuis cinquante ans) et sur l’idée que la police y remédie efficacement (alors qu’elle contribue à produire les problèmes dans les banlieues), suppose qu’on n’aille pas y regarder de près.
 

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Quelles ont été les réactions dans la police ?

Je n’ai pas eu de réaction jusqu’à présent. Il est difficile d’interpréter un silence, surtout s’agissant d’une profession dont les prises de parole sont souvent sanctionnées. Une hypothèse serait une désapprobation de mes analyses. Une autre, à laquelle je veux croire, est que mes constats sont partagés par beaucoup de gardiens de la paix, d’officiers, de commissaires, frustrés du rôle que le pouvoir leur fait jouer. Si mon livre permettait de faire entendre ce mécontentement, je serais heureux d’avoir contribué à un débat sur cette exception sécuritaire qu’on a imposée sur une partie du territoire et de la population.


Dans la même période, les policiers ont été exposés par les médias, au travers d’abondants reportages. L’éloignement des chercheurs et la surmédiatisation contrôlée sont-ils liés ?


Les faits les plus graves (mort de jeunes, affrontements) sont sous les feux des médias. Pour corriger cette image, la police accepte qu’un journaliste passe une nuit avec une BAC, qu’un documentaire bienveillant soit réalisé ou qu’une fiction d’apparence réaliste soit produite, dans des conditions contrôlées.
En revanche, la recherche, qui s’effectue dans la durée et de manière indépendante, est bien plus dangereuse par ce qu’elle donne à voir.

http://www.liberation.fr/societe/010...asi-impossible
 

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Le prologue du livre de Fassin est en ligne ici !!!! :
Prologue

Que fait la police en banlieue ?
Qu’y fait-elle vraiment ?
Sorti du folklore télévisé, on n’en savait rien ou presque. C’est le mérite de l’enquête de Didier Fassin que de nous l’apprendre.
En s’intéressant aux brigades anticriminalité, en les suivant au long cours nuit et jour, cet anthropologue - qui enseigne désormais au prestigieux Institute for Advanced Studies de Princeton - a ouvert l’une des boîtes noires de la République.

Son livre, appelé à devenir classique, donne à voir et à saisir, avec détails et nuances, l’une des réalités sociales et politiques les plus fantasmatiques et méconnues de la France contemporaine : la relation de la police nationale aux jeunes dits des quartiers. Au risque de nous faire peur.

Car ce qui frappe d’abord, c’est l’omniprésence du racisme ordinaire.
Qu’il soit possible lorsqu’on est policier de placarder une affiche électorale de Jean-Marie Le Pen sur les murs d’un commissariat ne manquera pas de désespérer, y compris les citoyens les plus indulgents à l’égard des forces de l’ordre. S’il faut absolument lire ce livre, c’est aussi qu’il ne pourrait plus être écrit aujourd’hui, la police ayant fermé la porte aux chercheurs. Comme elle est parvenue, sous Nicolas Sarkozy, à se débarrasser de sa Commission nationale de déontologie.
Didier Fassin le rappelle : «L’ethnographie a partie liée avec la démocratie.»
Et, dans un pays normal, son livre serait un best-seller et une contribution majeure au débat présidentiel.

http://www.liberation.fr/societe/01012372240-peur
 

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Didier Fassin, professeur de sciences sociales, publie "La Force de l'ordre. Une anthropologie de la police des quartiers" (Ed. Seuil).


> Vous affirmez qu'il existe une police qui s'exerce de manière spécifique dans les quartiers ?

Depuis plusieurs décennies, une police des quartiers est née, dont le fer de lance est la BAC, brigade anti-criminalité. Son mode d'action dans ces territoires et à l'égard de leurs populations serait impensable ailleurs. La plupart des polices du monde ont évolué vers une répression ciblée sur les populations les plus vulnérables, les immigrés et les minorités, en développant des méthodes d'intervention spécifiques, de type paramilitaire, en marge de la légalité, créant ainsi de petits états d'exception.
La France a ceci de particulier que la Police nationale n'est pas au service de la population, mais de l'Etat, en principe garant de neutralité. Or l'évolution récente tend plutôt à en faire le bras armé du gouvernement.

> Vous dites que "la police des quartiers ne ressemble pas à ses habitants". C'est-à-dire ?

Ces policiers sont des jeunes qui sortent de l'école. Issus de zones rurales et de petites villes, ils n'ont pas d'expérience personnelle des zones urbaines sensibles (ZUS), qu'on leur présente comme une "jungle" hostile. S'ils sont aussi d'origine modeste, ils ont en général passé leur jeunesse dans des milieux très différents. Les rares membres de la BAC qui ne considèrent pas les jeunes des cités comme des ennemis et ne les traitent pas de "bâtards" ont eux-mêmes vécu dans des cités.

> Comment conçoivent-ils leur mission ?

Ils disent avoir choisi ce métier pour "attraper des voleurs et des voyous".
La réalité est tout autre : la criminalité a baissé ; les auteurs des délits les plus fréquents, comme les atteintes aux biens, sont difficiles à confondre, à moins de les prendre la main dans le sac. La profession est sous pression, les policiers doivent "faire du chiffre". Et ils se rabattent sur des "délits faciles à faire" : arrêter ceux qu'ils appellent les "shiteux", et les sans-papiers. Ils sont loin de l'idée qu'ils se faisaient de leur métier.

> Vous dites que les policiers, déçus par les magistrats, règlent des comptes dans la rue.

Bien que les faits prouvent le contraire, les policiers croient que les juges sont laxistes. Et ils ont tendance à faire justice eux-mêmes. En pratiquant sur des jeunes des contrôles d'identité illégaux, dans des conditions humiliantes. Ou en réalisant des interpellations arbitraires au sein d'un groupe. Le but, comme ils disent, est de leur "pourrir la vie".
Les publics les plus habituels des forces de l'ordre sont donc exposés à une double peine, judiciaire et policière.

> Les études sur la police sont rares. Pourquoi ?

C'est devenu un interdit. Il existe une censure qui rend impossible l'obtention d'autorisations pour étudier l'activité policière. Je suis reconnaissant au commissaire de la circonscription où j'ai réalisé mon enquête, entre 2005 et 2007, de m'avoir laissé toute liberté alors que la pression du ministère était forte.
 

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Soleil assassiné
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> Pourquoi évoquez-vous l'expérience de votre fils et de ses amis, enfants français d'origine africaine, maltraités par des policiers de la BAC ?

Il faut y voir une implication personnelle, pas un témoignage. Ces faits correspondent à ce qui est vécu par une partie de la population, et totalement ignoré par le reste. C'est cette invisibilité que je tente de dépasser : cela se produit près de chez vous, et vous ne le savez pas. Pourtant, il s'agit de nous, parce que ce sont nos enfants, leurs amis et les parents de ces amis. Méconnaître cette réalité, c'est taire les injustices.

> Pensez-vous qu'une guerre sourde est à l'oeuvre entre la police et cette population ?

Il y a du côté des forces de l'ordre et des responsables politiques un imaginaire de la guerre : un vocabulaire pour désigner les ennemis de l'intérieur, des expéditions punitives pour sanctionner l'acte d'un individu, la mobilisation de technologies militaires lors de confrontations, des références à la guerre d'Algérie comme matrice des tensions actuelles.
Une oppression que ressentent fortement les habitants des quartiers en tant que victimes. Lorsqu'un jeune meurt, renversé par un véhicule de police ou abattu dans un commissariat, un sentiment de révolte peut les submerger. C'est ainsi que des émeutes surviennent.
Imaginaire de la guerre des uns et sentiment de révolte des autres me paraissent donc profondément distincts.

(Propos recueillis par Elsa Vigoureux - Le Nouvel Observateur(Article publié dans "le Nouvel Observateur" du 20 octobre 2011))
 

Adhrab

Vergissmeinnicht
Salam 3aleykoum

Merci je cherchais ce reportage mais il fallait payer pour le lire sur le site du figaro je crois.
Merci pour le livre aussi :)
 
A

AncienMembre

Non connecté
Maintenant faudrait qu'il infiltre les cités et l'univers sous-terrain, on pourra alors tirer nos propres conclusions.
 

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Soleil assassiné
VIB
Maintenant faudrait qu'il infiltre les cités et l'univers sous-terrain, on pourra alors tirer nos propres conclusions.

Off c'est du superflus.

J'en ai pas besoin, j'ai déjà tiré ma propre opinion depuis des années au regard de toutes les scènes auxquelles j'ai été témoin et tous ces évènements où j'ai du aider les familles victimes d'abus..

Cette étude, ce bouquin de Fassin ne fait que confirmer une vérité oubliée sous les cris escarpés depuis des décennies dans les banlieues françaises..
 
A

AncienMembre

Non connecté
Off c'est du superflus.

J'en ai pas besoin, j'ai déjà tiré ma propre opinion depuis des années au regard de toutes les scènes auxquelles j'ai été témoin et tous ces évènements où j'ai du aider les familles victimes d'abus..

Cette étude, ce bouquin de Fassin ne fait que confirmer une vérité oubliée sous les cris escarpés depuis des décennies dans les banlieues françaises..


Ben je sais pas...je ne suis pas si sûre de savoir tout ce qui se passe vraiment de l'autre côté de la rive..pr ce qui y est de ce documentaire, il est évident qu'il ne fait que confirmer ce que bcp n'ont de cesse de marteler mais j'aurais qd même aimé voir un doc sur les cités...ne serait-ce que pr dépeindre une autre réalité que celle des médias...
 

miasssa

Fiona aka Habouba
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J'en ai entendu parler hier...

J'ai ete surprise d'entendre de tels propos dans les médias.

Je n'ai pas encore approfondi le sujet. Je le ferai pour avoir un avis plus eclairé.
 
Justement ça me rappel que je me suis quasiment jamai sfait contrôler par la police.Il ny a peu près deux semaines je mets un kamis pour bouger.Je marche tranquille quand je sens une main sur mon épaule et un gars me dire "contrôle d'identité".J'avais pas de papiers sur moi du coup ils m'ont carrément emmené au poste.
Bien entendu j'y ai subi la palpation et tout ce qui va avec. Ils ne m'ont pas tutoyé, et après vérification m'ont laissé partir.

Bref,première fois de ma vie que je me retrouvais en cellule de dégrisement.Pour un gars qui boit pas d'alcool c'est un comble :D .Je crois que c'est le kamis qui a fait que l'on me contrôle car sincèrement je ne me suis quasiment jamais fait contrôler de ma vie....
 
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