Panne de lascenseur social français oblige, un nombre grandissant de jeunes diplômés issus de limmigration maghrébine vont tenter leur chance au royaume chérifien. Le plus souvent avec succès.
La France est le pays de leur enfance. Ils y sont nés et y ont grandi. Ils y ont décroché de beaux diplômes, quils ont eu parfois du mal à valoriser sur le marché du travail. La faute à la crise ou à leur patronyme, qui ne sonne pas assez « corps traditionnel français ». Las des contrats à durée déterminée sans lendemain, les plus téméraires ont, comme leurs parents cinquante ans plus tôt, décidé de tenter leur chance ailleurs. Certains ont traversé la Méditerranée, mais en sens inverse, à destination du Maroc, pour y démarrer une carrière, opérer une reconversion professionnelle ou devenir patron. Combien sont-ils ? Difficile de le dire, en labsence de statistiques. « On ne peut pas parler de raz-de-marée, car la prise de risque est importante au regard du référentiel culturel et des problèmes dintégration », avance Jamal Belahrach, directeur général de la branche Afrique du Nord chez Manpower, à Casablanca, président du Réseau international de la diaspora marocaine (RIDM) et lui-même « fils démigré ». « Ce qui est sûr, cest que le phénomène a pris de lampleur depuis lavènement de Mohammed VI et que ces personnes représentent une opportunité pour le Maroc, tout comme le Maroc est plein dopportunités pour elles. »
Loccasion de présenter une matinale sur une grande radio, Seddik Khalfi, 30 ans, sait quil ne laurait probablement pas eue sil était resté à Bordeaux, où, après avoir décroché un BTS action commerciale, il sennuyait ferme au guichet dune banque. « Ici, les gens compétents peuvent rapidement se faire une place. Le Maroc ma permis une ascension sociale qui naurait pas été si facile en France », reconnaît ce jeune homme, né dun père marocain ouvrier et dune mère algérienne, et qui se définit avant tout comme bordelais. Installé à Casablanca depuis 2007, il officie à présent à Radio Luxe, où il gagne « dix fois le smic » local. « Je dois beaucoup au Maroc, admet-il, jespère lui donner autant quil ma apporté. » Son adaptation a-t-elle été difficile ? « Pas vraiment. Cest banal de le dire, mais le Maroc est une terre douverture. » En émigrant, il estime avoir gagné en stabilité financière et en qualité de vie. Parmi les luxes quil peut désormais soffrir ? « Une femme de ménage ! »
Temps dadaptation
Expérience plus mitigée pour Karima, qui travaille également dans les médias, un secteur où nombre de Beurs, dont Ouadih Dada, qui présente le JT de 2M, ont trouvé leur bonheur Karima, en revanche, le cherche encore. Française dorigine algérienne, cette journaliste de 29 ans est arrivée il y a un peu plus dun an à Casablanca après avoir décroché un poste au sein dun mensuel. Aujourdhui, elle a certes un contrat, mais toujours pas de papiers en règle. « Je suis obligée de quitter le territoire tous les trois mois, explique-t-elle, car mon employeur ne ma pas déclarée. Résultat : je suis payée en liquide et je planque mes 15 000 dirhams [1 360 euros] mensuels dans une boîte en métal. » Elle reproche à sa hiérarchie, outre limbroglio administratif dans lequel elle la embourbée, sa « malhonnêteté intellectuelle » et une tendance à plagier les confrères. « Du fait de lapathie générale, jai limpression de perdre ma valeur ajoutée », regrette-t-elle.
Même désenchantement pour Kamel, 33 ans, qui travaille depuis deux ans au service marketing dun grand groupe marocain. « Ici, les gens ne prennent pas dinitiatives, déplore-t-il, et ceux qui le font sont mal perçus par leurs collègues, qui y voient de lexcès de zèle. » « En effet, confirme Jamal Belahrach, la difficulté réside dans la capacité des managers locaux à accepter des personnalités qui ont pris lhabitude dinterpeller leurs patrons et de chercher à comprendre. Souvent, cest à ce niveau-là que ça coince. » Ceux qui ont choisi de voler de leurs propres ailes échappent à lécueil des relations hiérarchiques, souvent décrites comme « patriarcales », ou aux tensions avec les collègues. Parmi les success stories de self-made-men/women, citons Youssef Gardam, un natif de Champagne (nord-est de la France), qui produit une huile dolive marocaine « grand cru » quil exporte aux quatre coins de la planète. Il a réalisé, en 2009, un chiffre daffaires de 500 000 euros. Mentionnons également Nawal el-Kahlaoui, une fille de mécanicien originaire de Mantes-la-Jolie (au nord-ouest de Paris), directrice clientèle de Shop Com & the City, une agence conseil en marketing qui compte les grandes enseignes de la place parmi sa clientèle.
La France est le pays de leur enfance. Ils y sont nés et y ont grandi. Ils y ont décroché de beaux diplômes, quils ont eu parfois du mal à valoriser sur le marché du travail. La faute à la crise ou à leur patronyme, qui ne sonne pas assez « corps traditionnel français ». Las des contrats à durée déterminée sans lendemain, les plus téméraires ont, comme leurs parents cinquante ans plus tôt, décidé de tenter leur chance ailleurs. Certains ont traversé la Méditerranée, mais en sens inverse, à destination du Maroc, pour y démarrer une carrière, opérer une reconversion professionnelle ou devenir patron. Combien sont-ils ? Difficile de le dire, en labsence de statistiques. « On ne peut pas parler de raz-de-marée, car la prise de risque est importante au regard du référentiel culturel et des problèmes dintégration », avance Jamal Belahrach, directeur général de la branche Afrique du Nord chez Manpower, à Casablanca, président du Réseau international de la diaspora marocaine (RIDM) et lui-même « fils démigré ». « Ce qui est sûr, cest que le phénomène a pris de lampleur depuis lavènement de Mohammed VI et que ces personnes représentent une opportunité pour le Maroc, tout comme le Maroc est plein dopportunités pour elles. »
Loccasion de présenter une matinale sur une grande radio, Seddik Khalfi, 30 ans, sait quil ne laurait probablement pas eue sil était resté à Bordeaux, où, après avoir décroché un BTS action commerciale, il sennuyait ferme au guichet dune banque. « Ici, les gens compétents peuvent rapidement se faire une place. Le Maroc ma permis une ascension sociale qui naurait pas été si facile en France », reconnaît ce jeune homme, né dun père marocain ouvrier et dune mère algérienne, et qui se définit avant tout comme bordelais. Installé à Casablanca depuis 2007, il officie à présent à Radio Luxe, où il gagne « dix fois le smic » local. « Je dois beaucoup au Maroc, admet-il, jespère lui donner autant quil ma apporté. » Son adaptation a-t-elle été difficile ? « Pas vraiment. Cest banal de le dire, mais le Maroc est une terre douverture. » En émigrant, il estime avoir gagné en stabilité financière et en qualité de vie. Parmi les luxes quil peut désormais soffrir ? « Une femme de ménage ! »
Temps dadaptation
Expérience plus mitigée pour Karima, qui travaille également dans les médias, un secteur où nombre de Beurs, dont Ouadih Dada, qui présente le JT de 2M, ont trouvé leur bonheur Karima, en revanche, le cherche encore. Française dorigine algérienne, cette journaliste de 29 ans est arrivée il y a un peu plus dun an à Casablanca après avoir décroché un poste au sein dun mensuel. Aujourdhui, elle a certes un contrat, mais toujours pas de papiers en règle. « Je suis obligée de quitter le territoire tous les trois mois, explique-t-elle, car mon employeur ne ma pas déclarée. Résultat : je suis payée en liquide et je planque mes 15 000 dirhams [1 360 euros] mensuels dans une boîte en métal. » Elle reproche à sa hiérarchie, outre limbroglio administratif dans lequel elle la embourbée, sa « malhonnêteté intellectuelle » et une tendance à plagier les confrères. « Du fait de lapathie générale, jai limpression de perdre ma valeur ajoutée », regrette-t-elle.
Même désenchantement pour Kamel, 33 ans, qui travaille depuis deux ans au service marketing dun grand groupe marocain. « Ici, les gens ne prennent pas dinitiatives, déplore-t-il, et ceux qui le font sont mal perçus par leurs collègues, qui y voient de lexcès de zèle. » « En effet, confirme Jamal Belahrach, la difficulté réside dans la capacité des managers locaux à accepter des personnalités qui ont pris lhabitude dinterpeller leurs patrons et de chercher à comprendre. Souvent, cest à ce niveau-là que ça coince. » Ceux qui ont choisi de voler de leurs propres ailes échappent à lécueil des relations hiérarchiques, souvent décrites comme « patriarcales », ou aux tensions avec les collègues. Parmi les success stories de self-made-men/women, citons Youssef Gardam, un natif de Champagne (nord-est de la France), qui produit une huile dolive marocaine « grand cru » quil exporte aux quatre coins de la planète. Il a réalisé, en 2009, un chiffre daffaires de 500 000 euros. Mentionnons également Nawal el-Kahlaoui, une fille de mécanicien originaire de Mantes-la-Jolie (au nord-ouest de Paris), directrice clientèle de Shop Com & the City, une agence conseil en marketing qui compte les grandes enseignes de la place parmi sa clientèle.