Le véritable nom de Rogui Bou Hmara, l’homme à l’ânesse, est Jilali ben Driss Zerhouni el Youssefi.
Il vient au monde en 1860 ou 1965, selon les sources, sur le mont Zerhoun dans une famille pauvre des Ouled Abbou, fraction de la tribu des Ouled Youssef. La date de naissance des marocains, inscrite ou non dans les registres civils, est aléatoire jusqu’à l’indépendance.
Driss Chraïbi raconte, dans ses récits autobiographiques, des anecdotes savoureuses à ce sujet. L’incertitude historique alimente le mythe, probabilise l’autofiction reconstructive. Bou Hmara appartient à une longue tradition où la mémoire collective refaçonne les insurgés en héros thaumaturgiques.
L’hétéronyme Bou Hmara assure la fonction de l’énigme, habite les mémoires comme une empreinte hallucinatoire, hante les conversations comme un spectre fascinatoire.
L’homme à l’ânesse est équivoque, notable et barbaresque, redoutable et canularesque. C’est finalement le compagnonnage de l’ânesse qui le fait entrer dans la légende comme Rossinante, la jument squelettique de Don Quichotte. Plusieurs interprétations circulent sur cette caractéristique burlesque, extravagante, clownesque. Bou Hmara serait un érudit qui ne se sépare jamais de sa bibliothèque qu’il transporte partout sur sa bourrique.
Le contraste, dans ce cas, est frappant entre le savant et sa science profuse, et l’ânesse et son ignorance confuse. La symbolique se prolonge au-delà de cette opposition. L’âne n’est-il pas le qualificatif ironique du makhzen ?
L’autre explication du surnom Bou Hmara relève du marketing politique. Bou Hmara se construit une image de sauveur messianique. Il arrive dans les villages sur son ânesse pour démontrer qu’il est proche du peuple et se distinguer du sultan, inapprochable, sur son cheval majestueux.
Son deuxième surnom Rogui l’identifie à un glorieux prédécesseur, Jelloul Rogui, de la tribu Seffiane dans le Ghrab, qui, en 1962, soulève une bande de partisans, défie le sultan Moulay Mohammed Ben Abdellah, assassine le caïd de sa région avant d’être éliminé dans la zaouia Moulay Driss Zerhoun.
Le fait que Bou Hmara se fasse également surnommer Rogui marque une filiation spirituelle savamment cousue. L’un et l’autre se rattachent au mont sacré de Zerhoun. L’un y est né. L’autre y est mort.
Le mot rogui, signifiant frondeur, insoumis, séditieux, ponctue comme une note exotique la littérature coloniale. Paul Claudel le consacre dans Le Soulier de Satin : « Et en Afrique même, tous ces princes, caïds, marabouts, roguis, bâtards et renégats. Vous, au milieu, faisant la banque et vendant de la poudre ». Belle illustration du diabolisme spéculateur, manipulateur, prévaricateur des colonisateurs qui signera la damnation de Bou Hamra.
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Il vient au monde en 1860 ou 1965, selon les sources, sur le mont Zerhoun dans une famille pauvre des Ouled Abbou, fraction de la tribu des Ouled Youssef. La date de naissance des marocains, inscrite ou non dans les registres civils, est aléatoire jusqu’à l’indépendance.
Driss Chraïbi raconte, dans ses récits autobiographiques, des anecdotes savoureuses à ce sujet. L’incertitude historique alimente le mythe, probabilise l’autofiction reconstructive. Bou Hmara appartient à une longue tradition où la mémoire collective refaçonne les insurgés en héros thaumaturgiques.
L’hétéronyme Bou Hmara assure la fonction de l’énigme, habite les mémoires comme une empreinte hallucinatoire, hante les conversations comme un spectre fascinatoire.
L’homme à l’ânesse est équivoque, notable et barbaresque, redoutable et canularesque. C’est finalement le compagnonnage de l’ânesse qui le fait entrer dans la légende comme Rossinante, la jument squelettique de Don Quichotte. Plusieurs interprétations circulent sur cette caractéristique burlesque, extravagante, clownesque. Bou Hmara serait un érudit qui ne se sépare jamais de sa bibliothèque qu’il transporte partout sur sa bourrique.
Le contraste, dans ce cas, est frappant entre le savant et sa science profuse, et l’ânesse et son ignorance confuse. La symbolique se prolonge au-delà de cette opposition. L’âne n’est-il pas le qualificatif ironique du makhzen ?
L’autre explication du surnom Bou Hmara relève du marketing politique. Bou Hmara se construit une image de sauveur messianique. Il arrive dans les villages sur son ânesse pour démontrer qu’il est proche du peuple et se distinguer du sultan, inapprochable, sur son cheval majestueux.
Son deuxième surnom Rogui l’identifie à un glorieux prédécesseur, Jelloul Rogui, de la tribu Seffiane dans le Ghrab, qui, en 1962, soulève une bande de partisans, défie le sultan Moulay Mohammed Ben Abdellah, assassine le caïd de sa région avant d’être éliminé dans la zaouia Moulay Driss Zerhoun.
Le fait que Bou Hmara se fasse également surnommer Rogui marque une filiation spirituelle savamment cousue. L’un et l’autre se rattachent au mont sacré de Zerhoun. L’un y est né. L’autre y est mort.
Le mot rogui, signifiant frondeur, insoumis, séditieux, ponctue comme une note exotique la littérature coloniale. Paul Claudel le consacre dans Le Soulier de Satin : « Et en Afrique même, tous ces princes, caïds, marabouts, roguis, bâtards et renégats. Vous, au milieu, faisant la banque et vendant de la poudre ». Belle illustration du diabolisme spéculateur, manipulateur, prévaricateur des colonisateurs qui signera la damnation de Bou Hamra.
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