Une carte de séjour pour deux : un en Algérie et l'autre en France!

Les frères ennemis se disputent plus de vingt ans de cotisations de retraite. Une bien curieuse affaire d'escroquerie a été jugée jeudi par le tribunal correctionnel de Draguignan, qui opposait deux frères algériens de la ville de Chlef. C'est le cadet, Aïssa, qui avait dénoncé son aîné, Yahia Kechache, 61 ans, auprès du doyen des juges d'instruction de Draguignan, parce qu'il le spoliait de ses droits à percevoir sa retraite.
Mais l'escroquerie proprement dite avait fait deux victimes principales, la caisse égionale d'assurance-maladie et la caisse de retraite "Pro BTP", s'agissant d'une pension de retraite consécutive à une vie de travail dans le bâtiment, à Sophia-Antipolis et à Digne.
Une vie de travail pour deux, en quelque sorte, puisque Yahia Kechache avait très régulièrement cotisé auprès de l'organisme de retraite de 1971 à 1983. Il était alors rentré à Chlef, où il avait monté une épicerie.
Mais avant de partir, il avait fait venir en France son frère Aïssa en 1974, auquel il avait rétrocédé sa carte de séjour pour qu'il puisse travailler sous son nom, en continuant à cotiser.
Cette situation avait perduré pendant trente ans, au cours desquels Aïssa envoyait régulièrement une partie de son salaire à son frère, sous peine de voir son aîné lui retirer sa carte de séjour.
En 1999, Yahia Kechache a porté plainte contre son cadet en Algérie pour usurpation d'identité, indiquant que celui-ci lui avait volé ses papiers. A son retour en Algérie en 2006, Aïssa Kechache a été condamné sur cette plainte à sept mois de prison. Il a purgé sa peine, mais la hache de guerre était définitivement déterrée entre les frères ennemis.
L'aîné "vole" la retraite du cadet
L'imbroglio fraternel est devenu total en 2006, quand Yahia est revenu en France pour liquider sa retraite, pour trente-trois années de travail, de 1971 à 2004. Il s'est alors bien gardé de préciser que de 1984 à 2004, c'était son petit frère qui cotisait sous son nom. Un « oubli » qui faisait passer sa pension mensuelle de 213 à 1100 e par mois, mais qui laissait son cadet dans la misère après une vie de travail.
Quand Aïssa s'est aperçu qu'il était le dindon de la farce, il a préféré dénoncer la supercherie à laquelle il avait lui-même participé, dans l'espoir de voir ses droits rétablis.
La procédure d'instruction a suivi son cours et a abouti au blocage de la pension de retraite en novembre 2008. Mais de janvier à octobre 2008, Yahia Kechache avait déjà perçu 11 000 e de retraite, ce qui constituait l'élément matériel de l'escroquerie.
Il semble que cet écheveau soit désormais démêlé, du moins en ce qui concerne les droits réels de l'aîné. Pour l'escroquerie, le tribunal correctionnel l'a condamné à six mois de prison avec sursis et 4 000 e d'amende. Il devra de plus rembourser près de 3 000 e de trop-perçu à la Cram.
Quant au cadet, il a reçu l'euro symbolique et pourra envisager de percevoir ce qui lui revient légitimement de ses droits à une pension, le jugement ayant été déclaré opposable à la caisse de retraite.
Mais à l'issue de l'audience, la réconciliation n'était pas à l'ordre du jour dans la fratrie.

G. D.
Var Matin.fr
 
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